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Emploi - Les promesses de "garanties" se multiplient pour parer au chômage des jeunes

La France comme l'UE soutiennent toutes deux l'idée d'une "garantie jeunesse" pour les moins de 25 ans, sans parler exactement du même dispositif. Mais elles convergent sur l'obligation de résultat demandée aux services de l'emploi.

De Paris à Riga en passant par Madrid ou Stockholm, le chômage des jeunes prend des proportions alarmantes. Il s’élève aujourd’hui à 23% dans l’UE et la courbe n’est pas près de s’inverser. Le phénomène reste contenu en Allemagne et en Autriche, mais ces deux pays restent néanmoins très ouverts à l’idée de financer des dispositifs européens propres aux moins de 25 ans, même s’ils n’en seront pas les principaux bénéficiaires. Certes, les dirigeants européens se déchirent sur les solutions de sortie de crise, mais le sort des jeunes semble catalyser un début de projection commune.

Faire monter les enchères

Le 28 février, les ministres européens du Travail ont donné leur feu vert à la mise en place d’une "garantie" pour la jeunesse. Cher au commissaire hongrois Laszlo Andor, qui pousse le dossier depuis fin 2011, le principe repose sur une mobilisation accrue des organismes de suivi des chômeurs, qui devront proposer "un emploi, un complément de formation, un apprentissage ou un stage" dans les quatre mois suivant la sortie du système scolaire.
Six milliards d’euros provenant du fonds social européen (FSE) et d’une cagnotte spécifique pour l’emploi des jeunes viendront cofinancer ces actions de formation ou subventionner les entreprises qui décident de recruter. Certains pays, comme la France ou le Luxembourg, ne cachent pas leur envie de faire monter les enchères, rêvant d’un budget à 10 milliards d’euros pour aider les jeunes européens n’exerçant pas d’emploi et ne suivant pas de formation. Ils seraient 7,5 millions en Europe.

Double entrée

Sur le montant disponible, "il faut voir si on peut aller plus loin", espère le ministre du Travail luxembourgeois Nicolas Schmit, comptant sur les discussions avec le parlement européen sur le budget 2014-2020 pour obtenir une rallonge. L’intention est peu réaliste tant l’augmentation globale de crédits que les parlementaires sont susceptibles d’obtenir restera modeste.
Surtout, il faudra juger sur pièce de la capacité des pays à révolutionner l’accompagnement des jeunes chômeurs : "Certains Etats ne voulaient rien changer, préférant utiliser les 6 milliards d’euros pour couvrir ce qu’ils font déjà, ce qui n’est pas le but", explique une source européenne.
En France, une double entrée se dessine, à la fois européenne et hexagonale. Le comité interministériel sur la jeunesse de fin février a confirmé la création d’un nouvel outil anti-chômage, inclus dans le plan de lutte contre la pauvreté. Egalement baptisé "garantie", il ne se superpose toutefois pas complètement à la recommandation de Bruxelles, et il est à ce stade trop tôt pour savoir si la manne européenne expressément prevue pour les jeunes chômeurs pourra le financer.
L’outil français va plus loin dans le sens où les offres "adaptées" de formation ou d’emploi que les missions locales auront l’obligation de fournir seront complétées par un revenu minimum équivalent au RSA. En revanche, aucun délai n’encadre la prise en charge des jeunes, contrairement à la proposition européenne.

"Risque de formations occupationnelles"

"On ne sait pas si l’on va en introduire un", explique une source gouvernementale, estimant qu’un délai serré encourage les "formations occupationnelles" en décalage complet avec le projet ou les besoins des jeunes.
Mais les deux outils pourraient se révéler complémentaires. L’approche hexagonale se concentre sur les jeunes en grande difficulté (100.000 personnes pourraient en bénéficier chaque année), quand les aides européennes s’ouvriraient à un public plus large.
Le territoire couvert diffère également : le gouvernement souhaite généraliser sa "garantie" à l’ensemble du territoire quand l’Europe la réserve aux régions les plus fortement frappées par le chômage juvénile (25% minimum). Outre les Dom-Tom, quatre régions françaises seraient concernées : Nord-Pas-de-Calais, Languedoc-Roussillon, Champagne-Ardenne et Aquitaine.
Mais tout porte à croire que l’accompagnement des jeunes par l’outil français commencera bien avant le dispositif européen, dont le financement par les fonds structurels ne commencera pas avant fin 2014 voire début 2015. La Commission devra entretemps introduire des modifications législatives pour mettre l’accent sur les jeunes dans le texte régissant le FSE.
Annoncée à grand renfort de communication, l’action européenne en faveur de l’emploi des jeunes ne percole pas encore. "On tend à être dans l’état d’esprit européen, mais on reste très prudent. L’expérience montre qu’il vaut mieux attendre que de se lancer bille en tête dans un outil européen avant qu’il ne soit ficelé."

Frustrations

Et pour cause, le périmètre géographique est encore en discussion. Les subventions seront octroyées en fonction des statistiques du chômage fondées sur l’année 2012, encore inconnues à ce jour. Mais de premières estimations réalisées à partir des chiffres de 2011 créent des frustrations.
L’idée d’exclure toutes les régions dont le taux de chômage des jeunes n’atteindrait pas 25% contrarie la Picardie, frappée par la destruction des emplois industriels, ou encore l’Ile-de-France, dont le département de Seine-Saint-Denis passerait de fait à la trappe malgré ses 28,8% de jeunes chômeurs (Insee).
Reste également à définir les organisations responsables de la mise en oeuvre de la garantie européenne pour la jeunesse. Ce point n’est pas tranché "mais il faudra nourrir les liens avec tous les acteurs locaux", souligne un conseiller. Pour assurer un suivi de qualité des jeunes chômeurs, "il ne faut pas 150 dossiers à gérer par tête". Mais le processus est encore très frais. "A ce stade, on n'a quasiment aucune information", fait-on savoir en Aquitaine, l’un des territoires potentiellement éligibles au dispositif européen.
Les règles du jeu se préciseront dans les mois à venir, augurant un changement de paradigme, tout du moins théorique, de l’accompagnement des chômeurs. La responsabilisation des personnes sans emploi devant rendre compte de leurs démarches s’élargit à celle des services de l’emploi, dont l’Etat et l’UE attendent davantage de réactivité, voire une obligation de résultat.