Les projets numériques du plan de relance au défi de leur généralisation
L’État a fait de la réplicabilité un des critères de financement des projets numériques lauréats du plan de relance. Leur généralisation n’a cependant rien d’évident car il ne suffit pas que le projet soit un logiciel libre pour qu’il essaime. Un sujet débattu le 18 janvier 2023 à l’occasion de la présentation du bilan du fonds "Transformation numérique des collectivités territoriales".
La direction interministérielle du numérique (Dinum), l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) ont organisé le 18 janvier 2023 une journée pour dresser un bilan du volet numérique du plan de relance. Un fonds "transformation numérique des collectivités territoriales" pour lequel l'État a d'ores et déjà engagé plus de 84 millions d’euros sur les 90 millions affectés (détail en encadré ci-dessous). Quatre types de projets ont été financés par l’État :
- des services à vocation nationale accompagnés par l’ANCT ;
- des services mutualisés initiés par de grandes collectivités (sélectionnés par la Dinum) ;
- la mise en place d’API pour simplifier les services administratifs ;
- la création de services numériques dans les territoires sélectionnés par les préfets (pilotage DITP).
Peu de projets réplicables
Dans les critères de sélection des projets, l'État avait mis l’accent sur la mutualisation des solutions afin d'en faciliter la généralisation. Force est de constater que cet objectif reste à ce stade très théorique. Ainsi, sur les 131 lauréats de l'appel à projets mutualisés, seulement 20% sont "réplicables" selon le chiffre fourni par l'État alors même que leur portage par de grandes collectivités était censé le favoriser. Côté subventions allouées au niveau local, ce critère n’était tout simplement pas pris en compte par les préfets qui auraient pu, notamment, imposer des logiciels libres. Un point qui a fait tiquer le délégué général de l’Adullact, Pascal Kuczynski : "Quand j’entends qu’une commune a été subventionnée pour installer un logiciel de gestion des cimetières, je m’étonne que l’on ne lui ait pas imposé une solution libre." Côté ANCT, l’agence a exigé la publication des codes sources aux 42 projets qu’elle a accompagnés. "La prochaine étape est celle de la généralisation et de la distribution", a promis le directeur innovation de l’ANCT, Pierre-Louis Rolle.
Plateformes de SMS, réservation de salle…
Quelques projets lauréats emblématiques de cette réplicabilité ont été présentés. Tam-Tam, piloté par Gironde numérique, est une plateforme permettant aux communes de corédiger, formater et envoyer des messages sur plusieurs canaux : SMS, réseaux sociaux… Le conseil départemental de l’Isère a de son côté porté "Salle sur demande" qui permet à des associations ou à des organismes de formation de louer via un smartphone des salles de réunions dans les collèges du département. "Ce projet a vocation à être décliné pour que les petites communes puissent louer des salles d’école", a précisé la représentante département. Mégalis Bretagne a quant à lui conçu Collec-data, un outil de collecte et de publication en open data des délibérations et des marchés publics, installé par exemple sur le site internet de la mairie de Lannilis, dans le Finistère. Des solutions libres qui ont réjoui le délégué général de l’Adullact dont l’association fête cette année ses 20 ans d’existence. Avec quelques francs succès à son actif. "Slow (télétransmission d’actes) est un logiciel libre utilisé par les collectivités mais aussi par des éditeurs. Il a près de 15 ans. C’est un record pour un logiciel !", s’est félicité Pascal Kuczynski.
Accompagnement nécessaire
Toutes les solutions libres adaptées aux collectivités vont être bientôt répertoriées dans un catalogue ciblant les collectivités ont annoncé la Dinum et l’ANCT. "La solution en elle-même ne fait rien. Et comment fait une commune face à un catalogue ? Il faut un accompagnement des élus et des agents", a tempéré Emmanuel Vivé, président de Déclic qui réunit 60 opérateurs publics de services numériques. "Il faut convaincre les élus qui trouvent souvent que le logiciel libre c'est 'moche' ou que les agents ne sont pas prêts à changer", a abondé Caroline Zorn. L’élue de l’eurométropole de Strasbourg propose en outre que les administrations soient obligées de "justifier leur choix pour une solution non libre".
Imposer l'interopérabilité
Le libre ne résoudrait cependant que partiellement la problématique de la mutualisation/ généralisation des outils informatiques. Dans certains domaines il ne serait même pas totalement pertinent. "Pour la gestion des cimetières je veux bien, pour la comptabilité je suis plus sceptique car la réglementation comptable évolue en permanence. Ce qui est important c’est l’interopérabilité qui facilite de changement de solution. Il faut que l'État légifère", avance le président de Déclic. Des normes que l'État est censé définir au travers du référentiel général d’interopérabilité, bible des standards et protocoles que doivent respecter les administrations. "C’est vrai que le RGI est un dossier resté en friche ces dernières années", a concédé Bastien Guerry, en charge du pôle libre à la Dinum. Caroline Zorn estime aussi qu’il y a des ajustements juridiques à prévoir pour favoriser la mutualisation car les groupements de commande "c’est trop compliqué pour les collectivités".
Un sujet mutualisation mis à l’ordre du jour du programme TNT – l’instance de concertation de l’État avec les associations d’élus sur la transformation numérique – comme l’a annoncé Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publique à l’occasion de cette journée.
Services mutualisés accompagnés par l'ANCT : 42 services portés par des territoires et 7 startup de territoires financés. Appel à projets d'ampleur ou mutualisés : 131 lauréats parmi lesquels 47% portés par des départements et 14% par des structures de mutualisation (deux tiers sont en production et 20% sont réplicables). Mise en place d’API : 523 lauréats, 85% de communes aidées pour les ¾ dans la mise en œuvre de France Connect. Guichets territoriaux : |