Les collectivités doivent renoncer aux offres gratuites de Microsoft Office et Google dans les établissements scolaires
Dans sa réponse du 15 novembre à une question écrite du député Philippe Latombe, le ministre de l'Education nationale rappelle que les écoles, collèges, lycées ne doivent pas souscrire aux offres gratuites d'abonnement à la suite Microsoft Office 365 et à Google Workspace dans la mesure où celles-ci ne sont pas conformes à la doctrine de l'Etat "cloud au centre" et ne respectent pas le code de la commande publique. A charge pour les collectivités territoriales de trouver des solutions open source pour appliquer ce nouveau cap.
Dans sa question du 30 août 2022, le député Philippe Latombe avait questionné le ministre de l'Education nationale sur l'usage les offres gratuites de Microsoft Office 365 et Google Workspace à destination des élèves et des enseignants. "De prime abord, la proposition peut sembler attrayante puisqu'elle promet un seul lieu pour l'organisation, l'accès à tout moment, en tout lieu et à partir de n'importe quel appareil", écrit le député qui craint cependant que cette offre gratuite s'apparente à une "forme ultime de dumping et à de la concurrence déloyale". Il relève par ailleurs qu'aucun appel d'offres n'a eu lieu. Il estime que de telles pratiques commerciales "pénalisent fortement les autres acteurs économiques, posent un problème grave de souveraineté, en raison de la localisation des données personnelles sur un cloud américain et de l'extra-territorialité du droit américain et donnent aux très nombreux enseignants qui y sont hostiles l'impression d'une administration vendue à Microsoft".
Rappelons en effet que l'éditeur Microsoft mène une politique mondiale pour l'éducation consistant à offrir gratuitement la version de base de sa suite collaborative en ligne. Microsoft Office 365 intègre Word, Excel, PowerPoint, OneNote et maintenant Microsoft Teams, ainsi que d'autres outils pour la classe.
Les offres doivent être à titres onéreux
Dans sa réponse publiée le 15 novembre 2022, Pap Ndiaye rappelle plusieurs règles. A commencer par celle du code de la commande publique qui, dans son l'article L. 2 prévoit que les contrats de la commande publique sont des contrats conclus à titre onéreux pour satisfaire les besoins de la personne publique en matière de travaux, de fournitures ou de services. "Les offres gratuites de services sont donc, en principe, exclues du champ de la commande publique", rappelle-t-il avant de mentionner la réponse ministérielle n° 00604 publiée au JO Sénat le 10 mai 2018 : "S'il est vraisemblable que la mise à disposition gratuite des établissements scolaires d'une suite bureautique vise à inciter un public [...] à souscrire par la suite à la version payante de son offre, cet avantage indirect n'est pas de nature, à lui seul, à regarder cette prestation comme présentant un caractère onéreux".
Cloud au centre
Il poursuit sa réponse en citant la circulaire du Premier ministre n°6282-SG relative à la doctrine dite du "cloud au centre". Un texte qui "invite les différents ministres à s'assurer que les offres de cloud commercial auxquelles ont recours les services et les organisations publiques placés sous son autorité soient immunisées contre toute réglementation extracommunautaire et bénéficient de la qualification SecNumCloud ou d'une qualification européenne équivalente". À cet égard, rappelle-t-il, "une note du directeur interministériel du numérique en date du 15 septembre 2021 précise justement que la suite collaborative Microsoft Office 365 n'était pas conforme à la doctrine "cloud au centre". Enfin, le ministre de l'Education nationale mentionne la Cnil, qui dans un courrier du 27 mai 2021, recommande aux "établissements d'enseignement supérieur, [...] de recourir à des suites collaboratives proposées par des prestataires exclusivement soumis au droit européen qui hébergent les données au sein de l'Union européenne et ne les transfèrent pas vers les États-Unis". En conclusion de quoi Pap Ndiaye écrit que "s'agissant de l'emploi de la solution Microsoft Office 365, son ministère a informé en octobre 2021 les recteurs de région académique et d'académie de la doctrine 'cloud au centre', de la position de la Dinum et de l'avis de la Cnil sur ce sujet". "Le ministère a ainsi demandé d'arrêter tout déploiement ou extension de cette solution ainsi que celle de Google, qui seraient contraires au RGPD", tranche-t-il.
Aux collectivités territoriales "l'équipement et le fonctionnement"
Le ministère ajoute que l'application de ces dispositions incombe aux collectivités territoriales. Il mentionne les articles L. 213-2 et L. 214-6 du code de l'éducation qui prévoient que les collectivités territoriales de rattachement des établissements scolaires assurent "l'équipement et le fonctionnement" et souligne "qu'à ce titre, l'acquisition et la maintenance des infrastructures et des équipements, dont les matériels informatiques et les logiciels prévus pour leur mise en service, nécessaires à l'enseignement et aux échanges entre les membres de la communauté éducative sont à [leur] charge". A charge donc aux collectivités territoriales de "fournir des solutions d'environnement numérique de travail (ENT) aux établissements qui offrent des fonctionnalités de communication et de collaboration respectant les principes du RGPD et de souveraineté numérique, permettant ainsi de se passer des offres collaboratives états-uniennes non immunes au droit extra-territorial".