Environnement - Les pesticides omniprésents dans les milieux aquatiques
"Des pesticides ont été détectés dans 91% des points de suivi de la qualité des cours d'eau et dans 59% des points pour les eaux souterraines." Tel est le constat dressé par le commissariat général au Développement durable (CGDD) dans son rapport "Pesticides dans les milieux aquatiques, données 2007", publié le 27 juillet 2010. "Si les teneurs mesurées sont parfois très faibles, cela traduit néanmoins une dispersion importante des pesticides et une présence généralisée dans les milieux aquatiques et dans une majorité des eaux souterraines, les nappes des zones de socle étant épargnées", assure le CGDD.
Cette étude était attendue puisque 2007 est la première année de mise en oeuvre du programme de surveillance découlant de la directive-cadre européenne sur l'eau (DCE) qui a conduit à une évolution des réseaux de suivi de la qualité des eaux et à l'adoption de nouveaux critères d'évaluation. Le CGDD note que le nouveau programme de surveillance offre dans l'ensemble une meilleure couverture du territoire et renforce le suivi des substances prioritaires et dangereuses. Mais la périodicité annuelle et la couverture du territoire peuvent baisser pour certains pesticides : il y a ainsi eu localement une réduction de suivi pour quelques substances très présentes dans les eaux superficielles mais qui ne sont pas classées comme prioritaires et dangereuses.
Les données 2007 montrent que le niveau de contamination est plus important dans les rivières que dans les eaux souterraines. Ainsi, la concentration totale en pesticides est supérieure à 0,5 microgramme par litre sur 18% des points de mesure en rivière et sur 3,8% de ceux en eaux souterraines. Les régions les plus touchées restent les zones de grande culture céréalière et viticoles. L'étude du CGDD pointe encore que les substances les plus fréquemment rencontrées, aussi bien dans les cours d'eau que dans les eaux souterraines, sont les herbicides.
Pour les cours d'eau, les normes de qualité fixées par les autorités européennes ou nationales pour prendre en compte la teneur en pesticides dans l'évaluation de l'état des eaux au regard de la DCE portent sur 18 substances ou groupes de substances. 11% des points de mesure ne respectent pas les normes pour au moins une de ces substances. Deux substances – le diuron et l'isoproturon – sont responsables des trois quarts des dépassements de normes avec des impacts locaux qui peuvent être importants. Ainsi 40% des points de mesure en Ile-de-France ne respectent pas les normes à cause du diuron. Mais le rapport du CGDD insiste sur le caractère incomplet du bilan. "Pour certaines stations et pesticides, les performances analytiques des laboratoires ne sont pas compatibles avec les normes en vigueur", souligne-t-il. Surtout, les normes de qualité ne portent que sur un nombre limité de substances jugées "prioritaires ou dangereuses" et ne rendent pas compte de toute la réalité de la contamination par les pesticides. Ainsi deux tiers des quinze substances les plus rencontrées dans les cours d'eau ne sont pas à ce jour couverts par une norme.
Pour les eaux souterraines, les normes de qualité portent sur l'ensemble des substances recherchées ainsi que sur la concentration totale en pesticides. Près de 18% des points de mesure ne respectent pas ces normes. Parmi eux, près de 4% ne respectent pas non plus les normes en termes de concentration totale en pesticides. Tout le territoire métropolitain est concerné, la contamination n'épargnant que les "zones de socle" (Bretagne, Massif central, Pyrénées, Alpes et Corse). "Les eaux souterraines se distinguent des cours d'eau par une présence prépondérante de produits de dégradation de molécules originelles et la persistance de produits interdits", souligne le CGDD. Ainsi, sur les quinze pesticides les plus quantifiés en 2007, sept sont des métabolites et cinq sont interdits d'usage. Mais comme pour les eaux superficielles, relève le CGDD, les limites de quantification pratiquées par les laboratoires sur certaines substances sont supérieures aux normes de qualité. Plus de 80% des stations suivies pour les eaux souterraines présentent ainsi au moins une substance pour laquelle il n'est pas possible d'émettre un avis sur le respect de la norme.
Anne Lenormand