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Environnement - Stations d'épuration : de nombreux micropolluants se retrouvent encore dans la nature

Résidus de médicaments, pesticides, métaux, solvants... : ces "micropolluants" susceptibles de perturber les algues, les mollusques et les poissons ne sont pas tous bloqués par les stations d'épuration et peuvent se retrouver facilement dans la nature, selon une étude rendue publique le 21 janvier. Lancée en 2006 par le Cemagref (institut de recherche pour l'ingénierie de l'agriculture et de l'environnement), Suez Environnement et l'université de Bordeaux 1, avec l'appui de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse, cette étude menée sur 21 stations d'épuration françaises a porté sur une centaine de substances chimiques : celles visées par la directive-cadre européenne sur l'eau de 2000, définissant pour tous les milieux aquatiques naturels un "bon état écologique et chimique" à atteindre à l'horizon 2015 mais aussi d'autres composés émergents qui risquent de poser des problèmes à l'avenir (molécules issues de l'industrie pharmaceutique et hormones, notamment).

Les résultats montrent que les stations conventionnelles, conçues pour traiter des pollutions importantes (azote, phosphore, carbone...), permettent d'éliminer de manière significative plus de 50% des substances visées par l'étude, ce chiffre passant à 85% pour celles visées par la directive-cadre de 2000. "Le point positif, c'est que la station d'épuration classique ne signifie pas, vis-à-vis de  ces micropolluants, un retour direct à la rivière. Mais on s'aperçoit que certaines substances sont moins bien éliminées", a résumé Diane d'Arras, directeur recherche et métiers au sein de Suez Envrionnement. Parmi les molécules dépistées à la sortie des stations et que l'on retrouve dans les eaux fluviales, figurent les pesticides utilisés par les collectivités ou les particuliers, des détergents (alkylphénols) et certains médicaments comme la carbamazépine utilisée notamment comme antiépileptique, ou encore des antidépresseurs, note l'étude.

Ses auteurs estiment que des améliorations techniques sur les stations sont possibles mais que la question des micropolluants doit être abordée sous un angle beaucoup plus large. Au-delà de l'industrie et de l'agriculture, les médicaments, dont on retrouve de nombreuses traces dans les cours d'eau via les urines, pourraient notamment faire l'objet d'une attention particulière. "Pour des traitements poussés comme l'osmose inverse (système de filtration ne laissant passer que les molécules d'eau, NDLR), il vaudrait mieux traiter un flux à la sortie des hôpitaux plutôt que d'installer le procédé sur une grosse station d'épuration sur le fleuve très en aval", a souligné Diane d'Arras.

L'étude estime que la quasi-totalité pourrait être éliminée efficacement en recourant à des traitements tertiaires avancés tels que l'ozonation ou l'osmose inverse qui sont actuellement plutôt utilisés à des fins de désinfection pour réutiliser les eaux usées dans des régions où la ressource en eau est peu abondante. Mais d'autres pistes sont aujourd'hui explorées comme celles consistant à inventer des "zones tampons" naturelles. L'une des plus originales se trouve dans l'Hérault où la Lyonnaise des Eaux mène depuis août dernier une expérience sur une "zone Libellule" (Liberté biologique et de lutte contre les polluants émergents) de près de deux hectares  : à la sortie de la station d'épuration, ce sont les nénuphars, roseaux et iris des marais qui ainsi sont chargés de piéger les micropolluants en suspension.

 

Anne Lenormand avec AFP

 

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