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Environnement - La pollution des cours d'eau par les nitrates reste préoccupante

Selon une étude que vient de publier le Commissariat général au développement durable, la pollution des cours d'eau par les matières organiques et phosphorées issues des rejets urbains et industriels a nettement diminué depuis une dizaine d'années. En revanche, celle due aux nitrates, majoritairement d'origine agricole, a tendance à se stabiliser, et même à augmenter localement.
Depuis 1998, souligne l'étude, la demande biochimique en oxygène, indicateur de la quantité de matières organiques biodégradables présentes dans l'eau, est en baisse régulière (-30%), ce qui témoigne d'une amélioration des performances obtenues par les stations d'épuration. L'ammonium, autre paramètre caractéristique de l'efficacité des traitements épuratoires, est lui aussi moins présent, mais cette tendance est surtout due à la faible pluviométrie des années 2003 et 2005 qui a entraîné une mauvaise dilution. Les orthophosphates ont également diminué de 40% au cours de la période. Pour les nitrates, par contre, l'évolution est légèrement orientée à la hausse. Malgré la diminution du recours aux engrais azotés à partir de 2001, les années sèches ont en effet créé des surplus azotés lessivés les années suivantes.
Les évolutions varient bien sûr selon les bassins. Ceux qui présentaient des concentrations élevées en nitrates en 1998 - essentiellement les bassins agricoles - ont gardé cette caractéristique en 2007. Mais sur ces 25 bassins situés au-dessus de la moyenne nationale, plus de la moitié ont vu les quantités de nitrates orientées à la baisse entre 1998 et 2007, la Bretagne enregistrant la plus forte diminution (-20%) du fait d'une réduction des intrants azotés. "A contrario, note l'étude, deux tiers des 30 bassins en deçà de la moyenne ont vu leur qualité se dégrader." C'est le cas des bassins mixtes : si les concentrations sont inférieures à celles des bassins agricoles (11,3 contre 24,7 mg/l en 2007), les plus fortes hausses y ont enregistrées, notamment sur certains bassins amont de la Seine comme en Champagne-Ardenne.
Les différents bassins de la Seine, où l'occupation du sol est à la fois agricole et urbaine, avec par endroits des densités de population très fortes, présentent des concentrations de départ en nitrates élevées (17 mg/l au minimum) et orientées à la hausse. Les bassins versants du Rhône, pourtant peu agricoles, subissent la même tendance même si les concentrations de départ sont bien plus faibles (environ 7 mg/l). Ce sont les conditions hydrologiques de ces dernières années qui semblent être à l'origine du phénomène. La Loire, pourtant composée de bassins agricoles, présente une tendance globale à la baisse. Les nitrates sont aussi en diminution dans les bassins versants de la Garonne et de la Dordogne, plus équilibrés entre agriculture et forêts.
Sur une majeure partie du territoire, les orthophosphates sont en baisse. Cette tendance est plus marquée sur les bassins urbains que sur les bassins agricoles. L'amélioration du raccordement de la population au réseau collectif d'assainissement contribue largement à cette évolution. En outre, souligne l'étude, "la part de la population bénéficiant de traitements tertiaires, permettant une meilleure épuration des rejets phosphorés, est passée de 26,5% en 2001 à 46,5% en 2004". La pollution liée aux matières organiques décroît elle aussi plus rapidement dans les bassins urbains et forestiers que dans les bassins agricoles. Sur le littoral, par contre, l'étude dresse un état des lieux alarmiste concernant les bassins vendéens, aquitains et charentais, où les paramètres liés aux rejets présentent des tendances moins favorables qu'au niveau national.
Au vu de ces différentes évolutions, des efforts restent à faire pour atteindre l'objectif de bon état écologique des eaux en 2015 fixé par la directive cadre sur l'eau. Certes, les programmes de rénovation des stations d'épuration portent leurs fruits, les polluants caractéristiques des rejets étant tous en baisse. Mais rien n'est joué sur les nitrates, qui restent un important motif de déclassement des masses d'eau sur plusieurs bassins (Loire-Bretagne et Adour-Garonne, notamment). L'étude du CGDD plaide donc pour un renforcement des actions d'amélioration ou de préservation de la qualité des eaux, et notamment des pratiques agricoles. "Les résultats de ces mesures se verront sur le long ou le moyen terme, conclut-elle. Néanmoins, les évolutions qualitatives sont aussi fortement influencées par les conditions climatiques et rendent nécessaires en parallèle une bonne gestion quantitative."

 

Anne Lenormand