Les organisateurs de festivals demandent l'annulation de la circulaire Collomb sur les frais de sécurité
Le SMA et Prodiss annoncent un recours contre la circulaire "Collomb" du 15 mai dernier prévoyant le remboursement par les événements culturels des frais de police et de gendarmerie, jusqu’ici assurés par l’Etat. Les deux syndicats d'employeurs du secteur des musiques actuelles se disent prêts à introduire un recours devant la justice administrative.
Les deux syndicats d'employeurs du secteur des musiques actuelles - SMA (Syndicat des musiques actuelles) et Prodiss (Syndicat national du spectacle musical et de variété) - demandent l'annulation de l'instruction ministérielle du 15 mai 2018 relative à l'indemnisation des services d'ordre, signée de Gérard Collomb, alors ministre de l'Intérieur. Cette circulaire, qui vise les spectacles de musiques actuelles et plus spécialement les festivals (souvent organisés dans des lieux ouverts ou semi-ouverts) opère une distinction entre les dépenses correspondant à la protection contre le risque terroriste - qui restent à la charge de l'Etat - et les dépenses de sécurité dans le "périmètre missionnel", dont l'Etat est en droit de réclamer le remboursement à l'organisateur.
Vous avez dit "périmètre missionnel" ?
Dans un communiqué commun, le SMA et Prodiss "contestent cette notion de 'périmètre missionnel' qui serait du ressort des organisateurs de festivals. En effet, il s'agit, à notre sens, de missions régaliennes, qui doivent être assumées par l'Etat, puisque les organisateurs que nous représentons déploient déjà des services de sécurité privés conséquents pour assurer la sécurité sur leurs événements et l'accueil de leur public".
Il est vrai que, depuis les attentats de 2015, les frais liés à la sécurité sont devenus le troisième poste de dépense des festivals, après la rémunération des artistes et les frais de personnel. Selon le SMA et Prodiss, ces dépenses mettent en danger la pérennité des manifestations culturelles, car les coûts dont il est question sont souvent conséquents. Les deux organisations craignent "la disparition des festivals indépendants qu'ils représentent, car ils n'auront pas les moyens de supporter ces coûts ; mais aussi la fragilisation des festivals en général". Elles estiment que l'équilibre financier des festivals est de plus en plus précaire : "même les festivals les plus renommés et importants sont contraints de réaliser des taux de remplissage qui avoisinent une jauge complète pour équilibrer leur budget".
Les Eurockéennes de Belfort - l'un des principaux festivals indépendants avec 130.000 spectateurs - ont vu ainsi leurs dépenses de sécurité passer de 30.000 à 254.000 euros, soit une hausse de près de 850% en trois ans. Or le fonds d'urgence en faveur du spectacle vivant, mis en place après les attentats, n'a pas les moyens de financer de telles sommes. De plus, le fonds arrive à échéance à la fin de 2018.
Du discernement, mais des pratiques très variables
Devant les réactions provoquées par la diffusion de cette instruction à la veille de la saison des festivals, Gérard Collomb avait publié un communiqué, dans lequel il indiquait avoir rappelé aux préfets "la nécessité de faire preuve de discernement dans l'application des instructions, pour que la facturation des services d'ordre soit toujours compatible avec l'équilibre économique des festivals et ne fragilise pas les événements" (voir notre article ci-dessous du 24 juillet 2018). Or il semble que les pratiques varient d'un territoire à l'autre.
Les griefs des organisateurs de festivals ne se limitent pas à la question de la répartition des dépenses de sécurité. Le SMA et Prodiss déplorent aussi "que l'appréciation des forces de l'ordre nécessaires à déployer sur les festivals soit estimée unilatéralement par les services de la gendarmerie ou de la police, selon le cas, sans que les organisateurs puissent valider ces propositions". Dès lors, "la convention qui leur est in fine soumise (...) ne peut être contestée par les organisateurs s'ils souhaitent produire leur événement et surtout le faire perdurer sur le site lors des prochaines éditions".
En attendant le bilan...
Rappelant que les festivals "participent non seulement du lien social, de la diversité et du maillage territorial, mais génèrent par ailleurs des retombées économiques et une attractivité importantes pour les territoires", la SMA et Prodiss demandent l'annulation de cette instruction ministérielle. Les deux organisations se disent également prêtes à introduire un recours devant la justice administrative.
A noter : lors de son passage, l'été dernier, au festival des Vieilles Charrues à Carhaix (Finistère), Françoise Nyssen, alors ministre de la Culture, avait indiqué qu'un bilan de l'application de la circulaire du 15 mai serait présenté en comité interministériel de suivi de la sécurité des établissements et événements culturels, qui devait se tenir à l'automne (voir notre article ci-dessous du 24 juillet 2018).
Les Fêtes de Bayonne misent sur un droit d'entrée... et gagnent
La ville de Bayonne a rendu public, le 3 décembre, le bilan financier de l'édition 2018 de ses fêtes. Lancées en 1932, elles réunissent, chaque mois d'août, autour d'un million de personnes. Outre les menaces liées aux attentats, elles ont aussi connu, ces derniers temps, diverses affaires de droit commun, et notamment des agressions sexuelles. En 2018, les dépenses d'organisation des Fêtes ont atteint 2,47 millions, en hausse de 227.000 euros par rapport à l'an dernier. Une progression qui "s'explique essentiellement par les nouvelles mesures de sécurité mises en place en concertation avec les services de l'Etat", justifie la ville, en référence notamment au contrôle systématique des sacs.
L'édition 2018, qui se déroulait du mercredi 25 au dimanche 29 juillet, a marqué aussi une grande première, puisque la ville avait décidé d'instaurer un droit d'entrée de huit euros - matérialisé par le port d'un bracelet -, pour les non Bayonnais, à l'exception des professionnels travaillant dans la ville. La gratuité était maintenue pour tous uniquement le mercredi et le jeudi. La ville tire de cette initiative un bilan très positif. Les entrées payantes n'ont pas dissuadé les visiteurs, puisque la fréquentation a atteint, à nouveau, le million de personnes. 167.440 bracelets ont été vendus à des personnes extérieures à la ville, soit une recette de 1,34 million d'euros. Déduction faite des frais de perception - il a fallu notamment installer et équiper 48 caisses aux dix points d'entrée de la ville -, l'opération se révèle très positive, puisque le dispositif "Fêtes payantes" a dégagé un résultat excédentaire de 739.000 euros, permettant ainsi de ramener le coût net des Fêtes de Bayonne 2018 de 1,81 à 1,07 million d'euros...