Culture - Le ministère lance un "Panorama" et une charte des festivals
A l'occasion de son passage, le 20 juillet, au festival des Vieilles Charrues à Carhaix (Finistère), Françoise Nyssen a annoncé la diffusion d'une "Charte des festivals" et la mise en ligne d'un "Panorama des festivals". Ces deux initiatives se situent dans le prolongement direct de la mission confiée il y a six mois à Serge Kancel, inspecteur général des affaires culturelles devenu "référent permanent et transversal" des festivals (voir notre article ci-dessous du 14 février 2018).
Un outil d'information, d'observation et de pilotage
"Ce panorama peut avoir l'air anecdotique, mais c'est une innovation décisive", a déclaré la ministre de la Culture. En plus d'informer le public et les touristes sur les festivals proposés dans leur région, c'est un outil d'observation qui, selon elle, "va permettre d'étudier l'évolution du paysage d'année en année, la pérennité des festivals, les créations et les disparitions". C'est aussi un "outil de pilotage et de suivi pour nos politiques, nos subventions, [qui] va nous permettre d'agir de façon plus efficace, plus juste, face aux défis que les festivals indépendants peuvent rencontrer en France".
En pratique, le Panorama des festivals se présente sous la forme d'une carte interactive recensant, au jour de sa mise en ligne, 1.869 manifestations sur un total, estimé par Serge Kancel, de 8 à 10.000 festivals. Il compte bien "arriver, dans les quelques semaines ou mois à venir, [à] couvrir 3.000 à 4.000 manifestations un tant soit peu significatives sur tout le territoire".
Des filtres permettent de procéder à des recherches par période, par domaine ou par département. Chaque manifestation recensée est assortie d'une brève fiche descriptive. Pour les festivals non encore recensés, une fiche type et une adresse mail spécifique dédiée (contact-panorama-festivals@culture.gouv.fr) permettent aux organisateurs de se faire connaître et d'être intégrés au panorama, sous réserve "d'un minimum de modération et de vérification des informations".
Trois grands défis : la variation des subventions publiques...
Françoise Nyssen a rappelé les trois "grands défis" des festivals. Il s'agit en premier lieu de "la variation des subventions publiques, qui est liée aux contraintes budgétaires, mais qui fragilise les festivals qui en dépendent". Sur ce point, le panorama contient des données sur le niveau de soutien apporté à chaque festival (données qui n'apparaissent pas dans la version publique du site). Rappelant que le ministère de la Culture et les établissements qui en dépendent (CNC, CNV, CNL...) subventionnent chaque année environ 600 festivals, la ministre indique avoir confié à Serge Kancel un "travail concerté sur la rédaction d'une circulaire définissant précisément les critères de soutien public aux festivals".
Compte tenu du principe de libre administration des collectivités territoriales, celle-ci devrait se concentrer a priori sur les financements de l'État, mais Françoise Nyssen a indiqué que ce travail, qui est en cours et devrait déboucher dans quelques semaines, est mené "en concertation avec les élus et les professionnels".
... le coût de la sécurité...
Le second défi est souvent évoqué par les organisateurs. Il s'agit en effet de la prise en charge des coûts de sécurité, "dans le contexte d'une menace terroriste toujours élevée" (voir notre article ci-dessous du 25 avril 2017). Sur ce point, la ministre se contente de rappeler la circulaire du ministère de l'Intérieur du 15 mai dernier sur les conditions de facturation des services d'ordre.
À la demande de Françoise Nyssen, alertée par certaines difficultés locales, Gérard Collomb a rappelé aux préfets "la nécessité de faire preuve de discernement dans l'application des instructions, pour que la facturation des services d'ordre soit toujours compatible avec l'équilibre économique des festivals et ne fragilise pas les événements". De même, toute augmentation du montant facturé devra être discutée avec les organisateurs.
Un bilan de l'application de la circulaire du 15 mai sera présenté en comité interministériel de suivi de la sécurité des établissements et événements culturels, qui doit se tenir à l'automne.
... et les risques de concentration dans le secteur des festivals
Enfin, les risques de concentration dans le secteur constituent le troisième défi, avec l'arrivée de grands groupes internationaux qui rachètent ou créent des manifestations, entraînant une hausse des tarifs des artistes qui fragilise à son tour les festivals indépendants. Françoise Nyssen lance une mission interministérielle, "en lien avec les collectivités territoriales et les acteurs des festivals". Trois objectifs : prendre la mesure du phénomène ; identifier les "mauvais joueurs éventuels" ; repérer les pratiques qui sortiraient du cadre des règles normales de la concurrence ; faire émerger des pistes d'action pour le gouvernement. La ministre n'a pas annoncé de date pour la présentation de ces préconisations.
Une "Charte des festivals" qui réaffirme "l'écosystème culturel" qu'ils créent
Sans attendre le résultat de ces démarches, Françoise Nyssen a formalisé quelques principes dans une "Charte des festivals", présentée à l'occasion de son déplacement à Carhaix. Cette charte réaffirme "un engagement politique en faveur des festivals, de leur rôle sur les territoires et de l'écosystème culturel qu'ils créent". Selon la ministre, ce document "a déjà rencontré un écho favorable parmi plusieurs associations d'élus locaux". "J'entends continuer à travailler avec eux", a-t-elle assuré.
Cette charte constitue aussi un engagement à soutenir les festivals "exemplaires" sur différents plans (excellence et diversité artistique, efforts tarifaires, empreinte territoriale, responsabilité sociale et environnementale...), mais aussi les festivals émergents et ceux dont le modèle économique est fragile.
La charte s'en tient à des principes généraux sur les festivals qualifiés "lieux de partage, une force pour les territoires". Elle précise qu'"une attention particulière de l'État et des collectivités est plus que jamais nécessaire" car "ils ont la responsabilité essentielle et conjointe d'aider les festivals à conserver le rôle d'expérimentation et d'incubateur qui est le leur depuis plusieurs dizaines d'année, à conserver l'indépendance de leur programmation et leur liberté, de prendre des risques et de prospecter les nouveaux talents, à opérer les mutations nécessaires".