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Culture - Les opéras attirent les foules, mais restent très dépendants des collectivités

La quatrième édition de l'opération "Tous à l'opéra !" - organisée par la Réunion des opéras de France (ROF) - s'est tenue ce week-end dans les 28 établissements d'art lyrique adhérents à l'association. Ces deux journées s'inscrivaient elles-mêmes dans le cadre plus vaste des "European Opera Days" (Journées européennes de l'opéra), qui réunissent une centaine d'établissements dans 21 pays.
A cette occasion, le monde du théâtre lyrique français a dressé - comme la plupart des acteurs culturels - un bilan plutôt positif de la crise économique. Selon Laurent Hénart, président de la ROF et adjoint au maire de Nancy chargé de la culture, la fréquentation a "très bien" résisté à la crise. Celle-ci bénéficie en effet des efforts tarifaires pratiqués par les opéras de province. Ces derniers affichent en effet un tarif moyen à la place de 29 euros, qui permet d'attirer un public plus large et de remplir les salles. En 2008, les 24 opéras ayant répondu à l'enquête réalisée par la ROF auprès de ses membres ont ainsi accueilli 2,265 millions de spectateurs (dont 30% d'abonnés) pour 2.732 levers de rideau, soit une moyenne de 830 spectateurs par représentation. Ils emploient pour cela près de 6.500 salariés, dont 71% de permanents. Par comparaison, l'Opéra de Paris accueille environ 800.000 spectateurs (sur Garnier et Bastille) pour 400 représentations et emploie 1.600 salariés permanents.
Mais cette réussite artistique ne se traduit pas dans les comptes. L'enquête réalisée par la ROF montre en effet que les théâtres lyriques restent très fortement tributaires des financements publics et, plus particulièrement, de ceux des collectivités territoriales. Ainsi, les 24 opéras ayant répondu à l'enquête affichent un budget de fonctionnement cumulé de 428 millions d'euros en 2008, soit une moyenne d'environ 18 millions d'euros par établissement (à comparer aux 186 millions d'euros de l'Opéra de Paris). Mais, en dépit de la bonne tenue de la fréquentation, les subventions représentent près des trois quarts (71%) des ressources, contre seulement 23% de recettes propres. Les principaux financeurs sont - de très loin - les villes, avec 66% du montant total des subventions perçues. Viennent ensuite l'Etat (12%), les régions (10%) et les départements (5%). A noter : les 36 millions d'euros de subventions de l'Etat pour les 24 opéras de province ayant répondu à l'enquête représentent environ le tiers de la subvention de 105,8 millions d'euros versée au seul Opéra de Paris (à laquelle on pourrait ajouter les 10,5 millions d'euros attribués à l'Opéra Comique).
Face aux difficultés budgétaires de l'Etat - mais aussi désormais de certaines collectivités - et aux coûts croissants des productions, les opéras de province sont à la recherche de solutions nouvelles. Les possibilités sont limitées du côté de la billetterie, sauf à remettre en cause les politiques de diversification des publics. Le développement du mécénat peut constituer en revanche une piste intéressante, mais sous réserve de trouver des mécènes locaux ou de monter des productions avec une visibilité suffisante pour intéresser les grandes entreprises mécènes nationales. La piste de la mutualisation et des partenariats est également intéressante. Elle peut concerner le développement des coproductions - déjà largement répandues -, mais aussi la mutualisation de certaines dépenses, voire des rapprochements plus poussés. Mais, sur ce dernier point - en dehors de quelques cas particuliers et parfois anciens (Strasbourg, Colmar et Mulhouse, ou Nantes et Angers) - les projets se heurtent rapidement au nationalisme "communal", aucune des villes concernées n'étant prête à renoncer à l'autonomie de son opéra.

 

Jean-Noël Escudié / PCA