Les missions régionales d'autorité environnementale dressent leur premier bilan
A l'occasion de la présentation de son bilan d'activité 2016, le 7 mars, l'Autorité environnementale (AE) a tiré des enseignements de la première année de fonctionnement des missions régionales d'autorité environnementale (MRAe). Elles ont déjà rendu plus d'un millier de décisions ou avis portant dans leur grande majorité sur des documents d'urbanisme. Constatant des lacunes en matière d'évaluation environnementale, elles font œuvre de pédagogie auprès des collectivités porteuses de projets pour les aider à en améliorer la qualité.
L'Autorité environnementale (AE), gardienne du temple de l'évaluation environnementale, a présenté le 7 mars la première synthèse annuelle issue des travaux des missions régionales d'autorité environnementale (MRAe). Avec 331 avis, dont 229 sur des documents d'urbanisme, et 1.079 décisions (dont 607 plans locaux d'urbanisme - PLU examinés) rendus en six mois d'existence opérationnelle, ces missions constituées dans chaque région de six membres nommés par arrêté ministériel (voir notre article dans l'édition du 24 mai 2016) n'ont pas chômé.
Une planification toujours grignoteuse d'espaces
Leurs avis sont consultatifs – et donc ni favorables, ni défavorables – publiés sans délais et apportent une expertise environnementale indépendante sur la démarche du porteur du projet. "Auparavant, un avis était donné par le préfet et l'administration, désormais il est pris en toute indépendance et sous un mode collégial par des experts venus d'horizons divers apportant chacun leur culture de l'évaluation", éclaire Alby Schmitt, président de la MRAe du Grand Est. Exemple d'avis que cette mission a donné dernièrement à des communes du Haut-Rhin : éviter d'étendre à travers leur PLU l'urbanisation sur des zones Natura 2000. Constat récurrent : l’artificialisation des sols reste l'un des enjeux mal traités ou oubliés dans les projets passés en revue par les autorités environnementales. "La consommation d'espaces est pourtant l'un des facteurs déterminants de l'impact environnemental des documents d'urbanisme, surtout si, en l'absence de démarche d'évitement, ces espaces sont à forts enjeux (zones humides, Natura 2000)", souligne Philippe Ledenvic, président de l'AE.
Une réelle marge de progrès
Un effort de réduction de la consommation d'espaces est néanmoins constaté entre les documents d'urbanisme préexistants et ceux qui lui sont soumis pour avis. Mais la marge de progrès est importante : dans les Scot, PLU, PLUi ou cartes communales étudiés, l'évaluation des impacts reste "mal pratiquée ou acceptée" par les collectivités qui les portent. Les informations sont parfois dispersées, conduisant ces missions régionales à recoller les morceaux d'un puzzle encore peu maîtrisé. A leur défaut d’homogénéité s'ajoute un manque de justification des besoins d'urbanisation. Le maître mot reste la consommation d'espaces naturels et agricoles. "Loi Alur et stratégies régionales/locales pour la biodiversité font progresser les choses, mais on voit encore passer des projets de zones d'activités dans des territoires en complète déprise et où l'urbanisation pourrait être évitée en réinvestissant des friches ou des espaces vacants", illustre Alby Schmitt.
D'autres points faibles
Autre lacune dans ces documents : la démarche "Éviter, réduire, compenser" (ERC) y est faiblement intégrée ou manque de lisibilité. "La priorité qui doit être donnée à l'évitement des impacts sur l'environnement n'est toujours pas manifeste dans les projets", insiste Philippe Ledenvic. Une collectivité qui porte un projet peut avoir réfléchi à un autre scénario. "Mais même lorsque ces alternatives raisonnables existent et ont été pensées, elles ne sont pas présentées au public. C'est handicapant pour la démocratie participative", ajoute Christian Barthod, président de la mission régionale d'autorité environnementale d'Île-de-France. En dépit des réforme territoriales, les interconnexions entre les documents d'urbanisme et entre les villes, l'articulation des PLU avec d'autres planifications forment d'autres points faibles : "On a souvent l'impression que ces documents sont comme des îles perdues au milieu d'un océan, sans interaction entre elles", illustre Christian Barthod. Les missions régionales relèvent également la faiblesse voire l'absence dans les dossiers soumis de la prise en compte de la trame verte et bleue, un enjeu sur lequel les schémas de cohérence territoriale (Scot) étudiés sont peu prescriptifs. Dans les PLU analysés, la biodiversité ordinaire et les continuités écologiques ne sont pas assez bien appréhendés. Enfin, la référence aux plans de prévention des risques (PPR) n'est pas systématique dans le corps des documents d’urbanisme. Et les objectifs de transition énergétique ou d'adaptation au changement climatique n'y transparaissent pas assez.