Les magasins de centres-villes en mal de fréquentation

La fréquentation des magasins en centre-ville continue de baisser en 2024 et plus fortement que dans les autres zones. Le bilan de Procos présenté le 12 février 2025 pointe les difficultés que traversent ces centres-villes, entre contexte économique, développement du e-commerce et de la "seconde main", et politiques des villes jugées parfois excessives notamment en matière d'accès. De manière générale, le taux de vacance commerciale est en hausse, à 10,64%. En revanche, les autorisations des commissions départementales atteignent un "plan historiquement bas", avec une chute des 67% des surfaces autorisées en cinq ans.

En 2024, la baisse de la fréquentation des magasins est moins forte qu'en 2023 (-1,6% contre -2,3%) mais elle est toujours plus marquée dans les centres-villes (-1,8%) qu'en périphérie (-1,2%) et que dans les centres commerciaux (-0,8%). C'est ce qu'indique le bilan de l'activité du commerce spécialisé de Procos sur l'année 2024, présenté le 12 février 2025. Une évolution en centre-ville qui représente un sujet d'inquiétude pour la fédération, sujet "qu'il va falloir qu'on continue à suivre", a indiqué son délégué général, Emmanuel Le Roch. "Les activités de commerce dans l'urbain rencontrent des difficultés croissantes, en particulier les activités non alimentaires", indique le bilan, qui fait part d'une année 2024 globalement en légère hausse des ventes en magasins (+1,1%) sur l'ensemble des secteurs, toutes zones confondues. Au cœur des problématiques de ces centres-villes : les difficultés économiques, avec la fermeture de magasins d'habillement et de chaussures ces dernières années, le développement du e-commerce, de la seconde main, l'explosion des ventes des plateformes chinoises (Temu, Shein).

Des politiques des villes excessives

"De nombreuses causes de fragilisation sont à rechercher du côté de la politique des villes et des décisions des élus locaux, assure aussi le document de Procos, si certains objectifs sont louables (baisser la pollution, pacifier l'espace public, partager celui-ci entre la voiture, vélo, piétons…), les politiques des villes peuvent avoir des conséquences très destructrices, soit parce qu'elles sont excessives (trop grande difficulté d'accès avec des plans de circulation trop compliqués, mauvaise politique de stationnement, mise en œuvre de travaux de voirie sans planification tenant compte des impacts économiques) alors que les impacts irrémédiables sur certains types de commerce sont indéniables". La mise en œuvre de dispositifs tels que les zones à faibles émissions (ZFE) ou à trafic limité (ZTL) compliquent aussi les choses. "L'accessibilité demeure un point vital pour les activités de commerce", soutient Procos, pour la marchandise comme pour les consommateurs.

Un taux de vacance à la hausse

En matière de vacance, le taux a augmenté en 2024, passant de 9,73% à 10,64% entre 2023 et 2024. Une hausse surtout significative dans les rues marchandes et dans les centres commerciaux, dans une moindre mesure dans les zones commerciales. 

Ce constat rejoint celui dressé par l'association Villes de France pour qui "le contexte politique incertain et mouvant de ces derniers mois a malheureusement occulté ce qui doit être aujourd’hui considéré comme un véritable sujet de vigilance". "Il y a un an déjà, notre association avait alerté les pouvoirs publics sur les difficultés rencontrées par les commerces de proximité", rappelle-t-elle dans un communiqué du 4 février. Elle réaffirme "avec conviction" la nécessité d'une révision de la taxe sur les locaux commerciaux vacants et la création d'un dispositif équivalent à l'ancien Fisac, tout comme de nouveaux outils pour permettre aux maires de valider l'installation de certains magasins en centre-ville (voir aussi notre article du 15 janvier). 

Le bilan de Procos fait aussi le point sur l'immobilier commercial, avec des autorisations accordées en CDAC (commissions départementales d'aménagement commerciales) qui ont atteint un plancher historiquement bas : elles sont passées de 552 en 2023 à 406 en 2024, soit une baisse de 26% en un an et une chute de plus de 35% entre 2022 et 2024. "Entre 2019 et 2024, le total de surface autorisé en CDAC est passé de 1,3 million de m2 à 470.000 m2, soit une baisse de 67%, c'est sept fois moins qu'en 2011", souligne le bilan. "On est sur un plancher qu'on n'a jamais connu, a insisté Emmanuel Le Roch, c'est un véritable changement de paradigme". Et la surface moyenne des dossiers autorisés est de plus en plus faible. On atteint 1.320 m2 de surface de vente moyenne en 2024.

Un stock de projets en très large baisse au fil des années

Plus globalement, le stock de projets recensés par Procos diminue largement : "Sur les cinq dernières années, le total de surfaces terminées est de 1,7 million de m2 sur 376 projets alors qu'il y a cinq ans, 5,4 millions de m2 étaient recensés sur 518 projets". Seuls les projets mixtes (commerce et logement) sont en augmentation, "avec une inflexion récente moins favorable", précise Procos, due aux difficultés de crédit et de logement. "Les centres commerciaux de centre-ville quant à eux occupent une place très faible et qui ne cesse de décroître du fait des difficultés de mise en œuvre de ces projets", ajoute la fédération.

Procos s'interroge aussi sur la transformation des zones commerciales, qui fait l'objet d'un appel à manifestation d'intérêt lancé pour sélectionner 70 territoires qui seront accompagnés (voir notre article du 29 mars 2024). Avec le changement de gouvernement, "qu'adviendra-t-il de cette démarche ?", questionne la fédération, qui estime que la transformation ne pourra se faire qu'à travers un double partenariat, entre public et privé d'une part, et entre les acteurs de ces projets (collectivités, promoteurs, aménageurs) et ceux qui sont déjà sur place (propriétaires et exploitants), d'autre part.