Les lycéens professionnels en internat réussissent mieux que les autres
L'internat n'a pas d'effets sur les résultats des lycéens des voies générale et technologique mais les lycéens professionnels internes ont une réussite supérieure aux non-internes. Les raisons de cette réussite ne sont toutefois que peu liées à l'internat lui-même.
Les élèves internes de la voie professionnelle obtiennent un peu plus souvent un diplôme que les non internes. Telle est le principal enseignement d'une étude récente intitulée "Fréquenter l’internat à l’entrée du lycée a-t-il un impact sur la réussite scolaire ?" menée par Audrey Farges (Université Rennes I) et Olivier Monso (Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques de Sciences-Po).
L'étude rappelle tout d'abord que l'internat, qui concerne quasi exclusivement le second degré, est avant tout une solution d’hébergement pour des élèves qui habitent loin de leur établissement scolaire. À ce titre, "il conserve un rôle important pour réduire les inégalités territoriales d’accès à la formation". L'internat peut également fournir un cadre de vie plus favorable à la scolarité que le milieu familial d'origine des élèves.
Surreprésentation des élèves ruraux
À travers différents dispositifs – "internats d’excellence" lancés en 2008 pour offrir à des élèves issus de milieux modestes des conditions d’encadrement favorables et des activités culturelles variées, plan Internats du XXIe siècle lancé en 2019, etc. –, les pouvoirs publics tentent de relancer ce mode d'hébergement en perte de vitesse : 3,3% des élèves du second degré étaient internes de l’Éducation nationale à la rentrée 2022, contre près de 20% au début des années 1960. On note toutefois de fortes disparités selon le niveau et la filière :
- si seuls 0,5% des collégiens sont internes,
- ce taux monte à 5,4% chez lycéens en voies générale et technologique
- et à 12,5% pour les formations professionnelles.
Mais la caractéristique des internats se situe dans leur composition socio-territoriale : les élèves internes sont plus souvent issus de territoires ruraux, particulièrement dans la voie générale et technologique, pour laquelle 78% des internes sont issus d’une commune rurale, dont 37% d’une commune rurale éloignée, contre respectivement 30% et 6% chez les non‐internes. Le recours à l’internat dans la voie professionnelle s'accentue également dans certaines spécialités en raison de l’implantation des formations sur le territoire et de leur attractivité.
L'étude met en avant d'autres données de cadrage intéressantes : 58% des lycées publics proposent un internat, et cette proportion dépasse fréquemment 90% dans les départements les plus ruraux. Leur taux d’occupation était de 78% à la rentrée 2020. Et les tarifs – fixés par les collectivités, lesquelles financent également la construction et les équipements des internats – étaient en moyenne estimés en 2017 à 1.400 euros par an et par élève.
Un profil "plus favorable à la réussite"
Après avoir noté qu'il existait "peu de travaux consacrés aux effets de l’internat sur la réussite scolaire", l'étude fait toutefois le constat d'"une meilleure réussite des internes en fin d’enseignement secondaire en voie professionnelle". En effet, 90% des élèves ayant été internes dans cette voie au début de leur scolarité au lycée sortent avec un diplôme (CAP, BEP ou baccalauréat), contre 81% des non-internes. En voie générale et technologique, en revanche, les taux de réussite sont similaires à ceux des non‐internes.
La question est alors de savoir si l'internat a un effet bénéfique sur la réussite de ces lycéens. Les auteurs de l'étude nuancent grandement cette hypothèse. Selon eux, les internes de la voie professionnelle auraient avant tout un profil scolaire et social "plus favorable à la réussite au lycée", notamment au regard de l’indice de position sociale. Ils ont par exemple déjà obtenu de meilleures notes en troisième, 19% d'entre eux ont des parents diplômés du supérieur, contre 9% des non‐internes, et 61% ont deux parents qui travaillent contre 43% pour les non‐internes.
Effet stabilisateur
Il n'en reste pas moins que certains effets positifs de l'internat peuvent être mis en avant, particulièrement dans la voie professionnelle, dont les élèves ont un risque de décrochage supérieur en raison d'"acquis scolaires plus fragiles", du "rejet de l’institution scolaire" ou de "l’attrait de la vie active". Pour ces élèves, les auteurs exhument une étude antérieure qui estimait que "le contexte de l’internat pourrait avoir un effet stabilisateur, au regard par exemple de la réduction de l’absentéisme", ou encore que "le fait de nouer des liens avec des jeunes partageant une même orientation professionnelle pourrait favoriser la persévérance dans les études".
Une dernière piste est mise en avant : considérant, d'une part, que l’internat donnerait aux élèves l’opportunité de suivre une formation plus loin de leur domicile et, d'autre part que le choix d’une formation à proximité du domicile en CAP est plus souvent associé à une sortie sans diplôme, on peut avancer que la faible distance entre lieu d'enseignement et domicile "est plus souvent associée à un choix de proximité, sans motivation intrinsèque pour la formation choisie". Et qu'a contrario, le choix de formation de l'interne est plus motivé.
En guise de conclusion, les auteurs estiment qu'"accroître le nombre de places d’internat et faciliter l’accès aux places vacantes pourrait permettre de diversifier l’offre de formation accessible aux élèves, avec une attention particulière aux formations de la voie professionnelle".