Environnement - Les jardins partagés fleurissent en ville
C'était il y a tout juste un an. Un conseil régional, celui d'Ile-de-France, votait alors son premier appel à projets sur un thème pour le moins inhabituel : la création de jardins partagés. Lancé en décembre dernier, il était manifestement très attendu : en trois semaines, cinquante dossiers ont été déposés. Fin mars, les premières parcelles ont été attribuées. Une trentaine en tout, de taille très variable, de 20 m2 à 5.000 m2. Les porteurs de projets ont des profils variés : communes, bailleurs sociaux, associations, centres sociaux, etc. La région Ile-de-France y a consacré un budget de plus de 143.000 euros, accordé sous forme de subventions d'investissement allant de 750 euros à 10.000 euros par jardin : aménagement, clôtures, récupération d'eau de pluie, composteurs, abris de jardins, etc. A terme, des aides pourraient être attribuées aux études qui doivent y être menées lorsque ces jardins sont situés sur d'anciens sols pollués. Enfin, un deuxième appel à projets visant à stimuler leur création est attendu cet été.
Un espace, plusieurs fonctions
L'objectif premier est de créer un lien social fort dans les quartiers, entre générations notamment. Les jardins permettent aussi de développer la trame verte et de mettre un peu de verdure au milieu d'un espace trop urbanisé, trop minéral. Enfin, il ouvre la possibilité de cultiver des produits bio, de bonne qualité, sans pesticides. Le jardin est un support polyvalent et se révèle être un véritable vecteur d'éducation pratique à l'environnement et à l'alimentation saine.
Les parcelles se créent sur des secteurs très différents : friches, parcs urbains, bas d'HLM, etc. Le moindre recoin est exploité. Ainsi, "alors qu'il n'y avait que cinq jardins partagés intramuros à Paris au début des années 2000, on en compte aujourd'hui 80, d'une superficie moyenne de 300 m2", se réjouit Laurence Baudelet, coordinatrice de l'association Graine de jardins, qui se charge de l'assistance à maître d'ouvrage pour les collectivités franciliennes. Dans le cadre de la charte "Main verte" mise en place en 2003, la ville de Paris fournit divers aménagements (terre végétale, adduction d'eau, clôture, cabane, terrassement, etc.). Le porteur de projet réalise pour sa part l'entretien. "Le processus est en développement dans les collectivités franciliennes qui mènent une politique volontariste. En Seine-Saint-Denis, la ville d'Aubervilliers et la communauté d'agglomération Est se tournent ainsi ensemble vers nous", poursuit la coordinatrice.
Les 2.500 jardins partagés lyonnais
Cette politique s'observe également dans d'autres villes (Nantes, Lille, Strasbourg, Rochefort, Brest, Rennes), via une association dédiée ou un service interne. Par exemple, le Grand Lyon a lancé la démarche "Jardinons Grand Lyon" dès 1996 et y consacre cette année 250.000 euros en investissements et 100.000 euros en fonctionnement. L'agglomération compte 2.500 jardins partagés. "Le premier objectif est le développement de la trame verte. Le second est social : les jardins sont à la fois un lieu productif et récréatif. Nous avons une grande diversité de formules, allant de la réinsertion à l'installation collective d'un maraîcher bio, en passant par des animations écologiques", déclare Jean Villien, son directeur de la mission Ecologie. Le Grand Lyon travaille avec une association dédiée, "Passe-jardins", qui est financée par la région et le département. C'est elle qui coordonne les actions : signature de la charte du jardinier écoresponsable, animation, distribution de semences locales. L'agglomération a même pérennisé ces jardins dans son plan local d'urbanisme (PLU).
Une "relecture de la ville"
A Brest, l'association Vert le jardin est soutenue par la ville qui a embauché les premiers salariés, la caisse d'allocation familiale (CAF), les quatre conseils généraux bretons et le conseil régional, pour un total de 250.000 euros par an. Les premiers jardins partagés ont été créés à l'initiative de travailleurs sociaux en 2000. "Nous comptons aujourd'hui une soixantaine de jardins partagés et ce nombre a explosé depuis cinq ans", motive Céline Le Bihan, chargée de développement de projets au sein de cette association. Le respect de l'environnement et les valeurs d'ouverture sont au coeur des projets. "Nous n'avons pas de problème de foncier pour l'instant, nous utilisons les pelouses, les parcs des maisons de retraite et, depuis 2010, un tiers des jardins publics sont consacrés aux jardins partagés. C'est une véritable relecture de la ville."