Les hortillonnages d’Amiens : comment concilier tourisme et écologie (80)
Le site des hortillonnages s’étend sur près de 300 hectares de parcelles agricoles, de jardins et de 182 œuvres d’art contemporain. Uniquement accessible en barque, cet écrin de verdure est pourtant menacé par une fréquentation trop dense.
Autrefois marais, cet espace naturel, tout proche de la Somme et à deux pas de la cathédrale d’Amiens, a été drainé au fil des siècles, au moyen de canaux qui ont créé des îles très fertiles. Ces 300 hectares ont été transformés peu à peu en champs maraîchers par des agriculteurs (les hortillons) qui n’y circulaient qu’en barque. Les « hortillonages » ont été peu à peu délaissés après la Seconde Guerre mondiale, quand le travail à la main est devenu trop pénible et parce que des inondations à répétition rendaient encore plus complexe l’entretien des berges. Dès lors, le secteur s’est enfriché jour après jour.
Le saule, matière artistique pour consolider les rives
En 2009, le directeur de la Maison de la Culture d’Amiens, Gilbert Fillinger, décide d’y organiser un Festival international de jardins et d’inviter paysagistes et plasticiens à créer des œuvres pour et dans les hortillonnages. D’appels à projets en réalisations artistiques, les hortillonnages sont défrichés, restaurés, jusqu’à devenir une petite merveille de calme bucolique et artistique, en pleine ville ou presque. Chaque année, de nouvelles propositions artistiques permettent de mieux préserver ce site d’exception « qui s’envase jour après jour et dont les berges fragiles risquent de s’effondrer. Les artistes sélectionnés sont invités à proposer des œuvres adaptées : le saule devient ainsi matière artistique pour consolider les rives. », explique Gilbert Fillinger, fondateur et directeur de l’association Art & Jardins Hauts-de-France, qui organise le festival. Ce dernier est fortement soutenu par la région éponyme, les collectivités, et des mécènes, notamment la Fondation Caisse des Dépôts (70 000 € par an, par convention renouvelable tous les trois ans).
Maîtriser le foncier pour préserver le site
Les collectivités (ville et métropole), désormais conscientes de l’enjeu que représente ce site exceptionnel, s’attachent à le préserver, aux côtés de plusieurs associations de sauvegarde implantées historiquement sur les hortillonnages. Ces derniers appartiennent à 1 500 propriétaires qui y possèdent une parcelle. Aujourd’hui, ne subsistent que sept agriculteurs, qui vendent sur un marché fruits et légumes labellisés « hortillonnages ». Les autres conservent jalousement leur « petit coin de nature au calme ». De leur côté, les élus d’Amiens métropole mènent une politique foncière active pour acquérir de nouvelles parcelles auprès de ces propriétaires, qui, pour certains les louent au festival. « Nous achetons ou préemptons ces terrains afin de sécuriser le Festival dans le temps, car ces propriétaires pourraient - légitimement - décider de récupérer leur bien à tout moment », explique Pierre Savreux, vice-président d’Amiens métropole délégué à la Culture, très conscient que « le festival a permis la revitalisation du site. »
Les rôles sont clairement répartis : « L’association Art & Jardins Hauts-de-France assure la programmation du festival et choisit les œuvres. De son côté, la métropole lui accorde une subvention de fonctionnement de 100 000 € par an, et lui assure un appui technique, ainsi que la mise à disposition de parcelles dont nous sommes propriétaires, poursuit l’élu. De plus, le plan de financement pluriannuel lui a alloué un budget d’investissement de 250 000 € pour la période 2021-2026, afin de financer l’acquisition d’œuvres et certains aménagements. Nous travaillons en grande proximité avec l’association, dans un partenariat main dans la main… »
Éviter la surfréquentation
9 865 visiteurs français ou étrangers ont parcouru les hortillonnages en barque en 2021, et 24 560 à pied, chiffres en augmentation continue depuis plusieurs années. Ce site, très fragile d’un point de vue écologique, s’inscrit dans un écosystème global, un vaste réseau de zones humides autour du fleuve Somme ; l’ensemble est protégé depuis 2018 par la convention de Ramsar, relative aux zones humides d'importance internationale. « L’association historique de sauvegarde des hortillonnages a commencé à proposer des promenades en barque il y a cinquante ans environ », souligne Paul-Eric Dècle, vice-président d’Amiens métropole en charge du Tourisme. Depuis, d’autres associations se sont créées pour proposer d’autres promenades, en barque, en paddle ou à pied. « Nous menons actuellement une réflexion juridique avec la Préfecture, pour limiter les flux et le nombre de prestataires afin d’éviter la surfréquentation. Nous souhaitons nous engager dans une démarche de slow tourisme et d’écotourisme afin de trouver la bonne équation. D’autres offres touristiques sont développées par la collectivité à côté des hortillonnages : le Musée de Picardie, la cathédrale, si vaste qu’elle pourrait contenir Notre-Dame, le zoo de 7 hectares, et d’autres sites du Grand Amiénois ». La piste Jules Verne est ainsi développée : le célèbre auteur de science-fiction vécut 34 ans à Amiens, de 1871 à 1905. La Maison à la Tour, où il résida, est aujourd’hui ouverte au public.
Le festival Arts et Jardins affiche un budget annuel d’environ 600 000 €
Amiens Métropole verse une subvention de fonctionnement de 100 000 € par an à l’association organisatrice Art & Jardins, et lui assure un appui technique, ainsi que la mise à disposition de parcelles dont elle est propriétaire.
Un budget d’investissement de 250 000 € pour la période 2021-2026 lui a également été attribué par Amiens métropole dans le cadre du plan de financement pluriannuel.
Le reste est financé par la région Hauts-de-France, le département de la Somme, des recettes propres, et du mécénat.
Amiens Métropole
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