Montreuil protège les murs à pêches et son patrimoine immatériel (93)
Longtemps abandonnés, les murs à pêches de Montreuil ont été investis par de nombreuses associations très actives, qui ont contribué à les entretenir. Ils sont désormais protégés au PLU afin d'empêcher toute urbanisation. Pour la ville, il s’agit de révéler son patrimoine historique autant qu’humain.
Du XVIIe jusqu’au début du XXe siècle, la commune de Montreuil en Seine-Saint-Denis a produit des fruits et notamment des pêches d’exception, qui ont approvisionné, en son temps, la cour de Versailles. Les vergers étaient organisés le long de murs hauts d’environ trois mètres, qui protégeaient les arbres des intempéries et conservaient la chaleur du soleil, d’où ce nom de murs à pêches. Ils couvraient alors 320 hectares, soit un tiers de la ville, et s’étalaient sur un linéaire de quelque 500 kilomètres. Puis est arrivé le chemin de fer, chargé de cageots de pêches venues du sud de la France. Dès lors, les murs de Montreuil ont été progressivement abandonnés, et peu à peu, la commune a tourné le dos à ce passé agricole pour se construire un avenir industriel.
Des terrains en déshérence
Longtemps la municipalité s’est désintéressée de ces terrains en déshérence. « En 1994 le Schéma directeur d’aménagement de l’Île-de-France [Sdrif] prévoyait d’urbaniser 85 % du site. Aujourd’hui, nous sortons de cette logique et cherchons à le préserver de manière définitive », explique Sébastien Vandewalle, responsable de projet des Murs à pêches, à la Direction Générale adjointe Ville Résiliente de la ville de Montreuil. C’est à cette époque qu’une poignée d’habitants s’oppose ardemment à l’urbanisation et milite pour que le site soit protégé. Dans cette commune où les associations sont très actives, des bénévoles montent des collectifs, des associations, organisent des fêtes, des concerts, du théâtre, du jardinage… et restaurent les murs à pêches pierre par pierre…
Des projets à vocation culturelle, festive, éducative et sociale
Tous ces projets à vocation culturelle, festive, éducative et sociale, font vivre et animent les lieux. Au point que ces associations font bouger les lignes. Car le changement climatique est passé par là et la protection d’un tel site naturel est devenue un enjeu pour le territoire. Ces 34 hectares de vergers non urbanisés constituent désormais un patrimoine exceptionnel à l'échelle métropolitaine. 8,5 hectares du site sont classés en 2013 au titre des « sites et des paysages ». En 2018, la révision du plan local d’urbanisme, engagée par le nouveau maire, Patrice Bessac, élu en 2014, classe 26 hectares (sur 34) en zone agricole. La ville considère désormais le site comme un espace naturel à préserver, un « haut lieu de la riche culture Montreuilloise », et veut désormais s’appuyer sur le travail mené pour développer un projet, décliné en cinq axes.
Convaincre les territoires de la valeur de ce patrimoine
Premier adjoint au maire de Montreuil délégué à la ville résiliente, à l'urbanisme, aux espaces publics, aux grands travaux de transports… et à la protection des murs à pêches, Gaylord Le Chequer le reconnaît : « La participation citoyenne a été essentielle pour protéger les murs à pêches, qui ont longtemps eu une image négative. Les associations ont fait la démonstration qu’elles pouvaient monter et faire vivre des projets. L’enjeu essentiel a été d’acter définitivement le réinvestissement de la puissance publique sur le site, d’abord avec le PLU révisé, puis avec le PLUI. Il fallait arrêter de regarder ce site comme un lieu potentiellement urbanisable. Tant que l’on n’avait pas acté cela, il y avait toujours un peu de terre à grignoter. Sauf que c’est un patrimoine énorme aux portes de Paris ! On voulait faire partager ce message à d’autres territoires, l’établissement public de coopération intercommunale Est Ensemble, le Département de Seine-Saint-Denis, la Métropole du Grand Paris, la Région Île-de-France. Aujourd’hui, ce message est passé. »
Soutenir les associations pour les pérenniser
Convaincue désormais par le rôle des associations locales, qui ont fait leurs preuves sur le terrain en créant sur le site un lieu extraordinairement actif et vivant, la ville revoit également les conditions de son soutien à leur égard. Alors qu’elles disposaient jusque-là de baux précaires délivrés via des conventions prévues pour 2 ans, en 2020, les conventions ont été revues et courent pour une durée de douze ans, renouvelables par tacite reconduction, afin de redéfinir les rôles et surtout de leur donner visibilité et pérennité pour qu’elles puissent bénéficier de subventions. Et qu’elles puissent donc se renforcer en cherchant des solutions de leur côté… Pour sa part, la ville travaille à la création des Sentiers de la biodiversité, afin de permettre au public de découvrir l’ensemble du site. Elle finance la restauration des murs et favorise le développement de projets d'agriculture urbaine et d'activités culturelles.
Le budget annuel consacré par la ville à la restauration des murs à pêches a doublé en 2020, passant à 230.000 €. Son intervention pour faire venir Stéphane Bern avec le Loto du patrimoine en août 2020 a délivré 300.000 € et apporté au site une incontestable aura médiatique.
Un poumon vert devenu levier de développement
Ce poumon vert dans la ville dense qui raconte la richesse de l’histoire locale et la force de ses habitants est devenu un véritable enjeu pour la commune qui souhaite ainsi valoriser le site en s’appuyant sur le travail mené par les associations et les habitants. Sans pour autant prendre leur place ni les déposséder de leurs projets. Car si la commune souhaite ouvrir davantage le site au public, elle est bien consciente qu’il faut ici négocier une délicate alchimie pour laisser à chacun son rôle et conserver au site son caractère d’électron libre et combatif. Car c’est justement toute cette histoire qui fait sa singularité. Du patrimoine immatériel en quelque sorte…
Budget 2021 de la ville pour les murs à pêches
- en investissement : 1 350 000 € dont :
- 230.000 € pour le programme de restauration des murs
- 620.000 € pour la mise en œuvre des travaux des Sentiers de la Biodiversité
- 120.000 € pour le travail sur la prise en compte de la pollution des sols
- 380.000 € pour l'acquisition de la Maison Pouplier
Auxquels s’ajoutent 2.060.000 € pour le relogement des gens du voyage
- en fonctionnement :
- 65.000 € pour soutenir les événements culturels [Festival des murs à pêches, Evénement Land Art, Théâtre de la Girandole] et le fonctionnement de la Fédération des murs à pêches
- 16.000 € pour soutenir différents projets via l'antenne de vie de quartier
- 110.000 € pour le relogement des gens du voyage
Commune de Montreuil
Nombre d'habitants :
Gaylord Le Chequer
Sébastien Vandewalle
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