Cour des comptes - Les grands ports maritimes souffrent toujours d'une attractivité insuffisante
La réforme des grands ports maritimes de 2008 a été mise en œuvre de manière inégale et n'a pu porter tous ses fruits, estime la Cour des comptes dans son rapport public annuel publié le 8 février. La haute juridiction recommande une nouvelle fois d'améliorer la desserte ferroviaire des principaux grands ports maritimes français pour renforcer leur compétitivité européenne.
Pour la Cour des comptes, la réforme des grands ports maritime engagée en 2008 a un goût d'inachevé. La mise en œuvre de cette réforme a aussi un "coût potentiellement élevé" juge-t-elle dans son rapport public annuel publié le 8 février. Si la réforme de la gouvernance et l'établissement de projets stratégiques ont fait l'objet d'une application assez complète et qu'il convient d'en conserver les acquis, certaines mesures ont souffert d'une mise en application "laborieuse" ou qui "reste largement à faire", estiment les Sages de la rue Cambon. C'est le cas du transfert des outillages, qui s'est révélé "coûteux". "Certains ports ont maintenu une activité de manutention, ce qui n'est pas conforme aux objectifs de la réforme", relèvent-ils. La mise en œuvre du volet social a aussi été jugée "longue et difficile". En outre, les leviers offerts par la réforme ont été "peu ou inégalement mis en œuvre". "Le nouveau rôle d'aménageur confié aux ports s'est heurté à des difficultés liées à la longueur de la procédure de transfert de la propriété du domaine portuaire et au coût des travaux de remise en état des voies ferrées, remarque la Cour. Les investissements en infrastructure prévus n'ont par ailleurs pas toujours été réalisés." De plus, "les outils de coopération interportuaire ne se sont réellement concrétisés qu'au niveau de l'axe Seine, les ports de la façade atlantique ne s'y étant pas intéressés". Faute d'indicateurs que la tutelle aurait dû mettre en place pour calculer le coût global de la réforme, la Cour a fait ses propres évaluations à partir de bilans que lui ont fournis certains ports et les montants approchent le chiffre d'affaires annuel des ports concernés.
Trafics en baisse
En outre, l'"objectif de performance et de compétitivité n'a pas été atteint", note le rapport. Après la crise économique mondiale de 2009 et les difficultés de mise en œuvre de la réforme portuaire, les trafics ont continué à baisser en France alors qu'ils sont repartis à la hausse au niveau européen. Pour la Cour, les éléments extérieurs à la réforme (chute du trafic d'hydrocarbures ou désindustrialisation) n'expliquent que partiellement ce constat. Elle estime donc que de nouvelles évolutions sont nécessaires.
Deux leviers économiques doivent selon elle être "prioritairement actionnés". Le premier consiste à "mettre en place une desserte des ports à la hauteur des enjeux attendus en termes de trafics". Le fret ferroviaire est ainsi "moins présent en 2014 qu'en 2006" (-16%) alors que son développement "doit devenir une priorité" pour les acheminements à destination et en provenance des ports, note la juridiction financière.
Elle constate que l'objectif de doublement de la part relative du fret ferroviaire et fluvial, qui était prévu pour 2015, "n'a pas été atteint pour l'ensemble des sept grands ports maritimes" (Dunkerque, le Havre, Rouen, Nantes Saint-Nazaire, La Rochelle, Bordeaux, Marseille). Ainsi, "le potentiel du transport fluvial est sous-exploité alors qu'il apparaît fiable, sécurisé et compétitif". Et le nombre de sillons ferroviaires réservés aux marchandises reste "encore trop faible comparé aux besoins, la priorité étant largement donnée au trafic passager", observe l'institution. Elle préconise par exemple "d'accélérer le tronçon de la ligne nouvelle Paris-Normandie", prévu pour arriver à Rouen en 2030 et au Havre entre 2030 et 2050. La Cour estime que le calendrier des travaux pour le contournement par Serqueux-Gisors prévu en 2020 est tardif.
Augmenter les recettes domaniales
L'autre levier préconisé par la Cour consiste à "dynamiser et professionnaliser la gestion domaniale" afin de "renforcer la solidité financière des ports pour leur procurer des ressources financières moins volatiles que les droits de port". Les recettes domaniales ne représentent que 25% à 35% du chiffre d'affaires des ports français alors qu'elles atteignent plus de 40% à Anvers et Rotterdam, souligne la Cour. Les surfaces valorisables sont pourtant importantes (32% des domaines artificiels cumulés) mais la politique tarifaire est ancienne et peu adaptée, regrette-t-elle. La Cour recommande donc d'optimiser ces recettes. Elle demande aussi à l'Etat de "clarifier ses choix stratégiques" car les grands ports maritimes ne forment pas un ensemble homogène. Selon elle, il est ainsi nécessaire de "réviser la stratégie nationale portuaire dans le but de définir les voies d'une coopération plus poussée entre les ports et des priorités d'investissement".