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Sports - Les grandes villes sont-elles accros au sport professionnel ?

Les grandes villes ont un rapport particulier au sport professionnel et le font savoir. A la suite de l'audition de Robert Cadalbert, président de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines et de la commission Sports de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), par la mission commune d'information du Sénat sur le sport professionnel et les collectivités territoriales, le 13 novembre 2013, l'AMGVF a préparé une contribution écrite complémentaire reflétant la spécificité des grandes villes et grandes intercommunalités dans le financement du sport professionnel. Cette contribution s'appuie sur les réponses de quatorze* grandes villes et agglomérations soutenant toutes le sport professionnel à un questionnaire dont la synthèse vient d'être publiée par l'association.
On y apprend que le montant total du soutien de ces quatorze collectivités au sport professionnel s'élève à 31,5 millions d'euros par an, avec de grandes disparités. Quand la ville de Montbéliard subventionne une équipe de football à hauteur de 53.000 euros, la ville de Toulouse octroie près de 8 millions à sept clubs professionnels dans autant de disciplines. Globalement, le football professionnel canalise 33% des financements de ces grandes collectivités, tandis que le hockey sur glace ou la natation ne récoltent que 3% chacun.

Pas de plafond pour les investissements dans les grands équipements

En dehors des aides directes aux clubs professionnels, l'essentiel des efforts financiers des collectivités en direction du sport professionnel repose sur les stades et arénas dont elles sont le plus souvent propriétaires. En la matière, toutes les collectivités ayant répondu à l'enquête souhaitent continuer à financer ce type d'équipements. Toutefois, 29% des collectivités citées estiment qu'un plafond de 50% des dépenses à charge des collectivités paraît raisonnable et de nature à impliquer davantage les partenaires privés dans les projets. De leur côté, 71% des collectivités estiment préférable de ne pas imposer de mesure nationale et de laisser l'initiative aux territoires. "On peut penser qu'un plafond financier imposé aux collectivités territoriales générerait principalement des projets sous forme de partenariat public-privé, ce qui ne semble pas forcément être la solution idéale au vu du coût réel, au final, des projets financés avec ce type de contrat", commente l'AMGVF.
On retrouve ici une tendance lourde mise en lumière par le programme des stades de l'Euro 2016 de football : malgré les appels des responsables politiques nationaux de tous bords à un désengagement du secteur public dans les investissements des grands équipements sportifs destinés aux clubs professionnels, les élus locaux continuent de voir dans les stades et arénas des lieux emblématiques du territoire sur lesquels ils entendent garder le contrôle. Ce qui n'empêche pas les collectivités de dénoncer unanimement le coût des normes et d'en appeler à ce que la contractualisation de celles-ci soit présente dès la programmation d'un équipement. Plus généralement, un vrai clivage existe cependant parmi les villes selon les disciplines. Ainsi 50% des collectivités proposeraient de distinguer le développement du football des autres disciplines (handball, basket-ball, volley-ball, natation, tennis de table, patinage artistique, tir à l'arc, tennis de table, etc.), où de "vrais financements croisés entre Etat, région, département, métropole/intercommunalité, ville [seraient] porteurs d'une véritable politique publique sportive et d'un équipement sportif structurant et modulable".

Vous avez dit retombées ?

Reste à connaître les motivations des grandes collectivités. A la question de savoir quelles sont les retombées pour la ville du soutien apporté au sport professionnel, la réponse qui revient le plus souvent porte sur les retombées économiques, dont touristiques et médiatiques (93%), devant la notoriété au plan national et l'attractivité du territoire (86%). On peut faire remarquer que dans le cadre de réponses libres, les deux thèmes ci-dessus se chevauchent. En effet, retombées médiatiques et notoriété sont très proches. De même, l'attractivité d'un territoire peut être synonyme de retombées économiques, et notamment touristiques. Par ailleurs, il est à noter que si l'enquête de l'AMGVF cite une étude sur les retombées réalisée à la demande de la ville de Clermont-Ferrand par un étudiant en master, de nombreux spécialistes s'accordent aujourd'hui pour dire que les retombées économiques du sport professionnel sont très difficilement quantifiables, et que les élus ont souvent tendance à les surestimer. Loïc Ravenel, géographe, collaborateur scientifique au Centre international d'étude du sport de Neufchâtel, estime ainsi que "les retombées sont toujours surévaluées a priori, c'est la manière de vendre aux contribuables et aux citoyens le sport professionnel. Mais on ne sait pas mesurer, on dit qu'il y aura des retombées positives et lorsqu'on ne trouve pas, on parle de retombées sociales. Les études sont souvent financées par les décideurs, avec évidemment une orientation proposée. Le deuxième problème est méthodologique : même avec un cabinet indépendant, on ne sait pas faire. Il y a tellement de facteurs qui rentrent en compte que les résultats sont par essence sujets à caution". Si des raisons objectives à l'aide au sport professionnel sont aujourd'hui avancées par les collectivités, c'est un lien plus diffus, souvent construit sur un affect collectif, qui semble encore présider aux relations entre clubs et pouvoirs publics.

Jean Damien Lesay

* Angers ; Cannes ; Clermont-Ferrand ; communauté d'agglomération de Clermont
Communauté ; communauté d'agglomération du Havre ; Lyon et communauté
urbaine du Grand Lyon ; Montbéliard ; Montreuil ; Mulhouse ; communauté urbaine du Grand Nancy ; Nice ; Toulouse ; Villeurbanne.