Les foncières de redynamisation, "première brique d'un changement de pratique important"
La Métropole du Grand Paris va créer une foncière métropolitaine pour aider les communes de son territoire à revitaliser leur centre-ville. Racheter des locaux commerciaux, les rénover et les mettre en location… lors des premières Assises métropolitaines du centre-ville organisées le 19 octobre 2021 par Centre-ville en mouvement et la métropole, les atouts de ces foncières ont été mis en avant.
A la faveur du plan de relance, les foncières commerciales ont le vent en poupe. Et la Métropole du Grand Paris n'est pas en reste. Lors d'une table ronde qui s'est tenue le 19 octobre 2021 dans le cadre des premières "Assises métropolitaines du centre-ville" organisées par Centre-ville en mouvement et la métropole, Marie-Christine Ségui, conseillère métropolitaine déléguée aux centres-villes vivants, aux services et aux commerces de proximité, a précisé les contours de la foncière de revitalisation métropolitaine qui sera créée pour favoriser l'acquisition, la gestion, la commercialisation et la cession de murs et fonds commerciaux au sein des communes de la métropole.
"Notre territoire est très hétéroclite, explique à Localtis Marie-Christine Ségui, avec des grandes villes, qui sont déjà bien outillées et pour qui c'est plus facile d'intervenir sur cette thématique, et d'autres qui ne comptent parfois que 2.000 habitants et qui restent en retrait. Nos objectifs sont le rééquilibrage et la solidarité." La foncière fait partie des actions programmées dans le cadre du partenariat avec la Banque des Territoires renouvelé pour trois ans le 8 juillet 2021. Dans le domaine de l'aménagement, l'attractivité et le commerce, la convention prévoit aussi la troisième édition de l'appel à projets "Inventons la Métropole du Grand Paris", et l'accompagnement du programme "Centres-villes vivants" lancé en 2017 par la métropole.
Développer 280 à 300 projets
De son côté, la foncière sera dotée de 100 millions d'euros et devrait permettre de favoriser l'émergence et le développement de quelque 280 à 300 commerces. Elle va se déployer en plusieurs étapes. Premier temps : l'étude d'opportunité. "La métropole va contacter les maires pour connaître leurs projets et les analyser", a expliqué Marie-Christine Ségui lors de la table ronde. Cette phase permettra de "faire remonter les besoins de foncier, les actifs disponibles, ou le foncier sur lequel les collectivités se projettent, et les structures de portage qui existent déjà", comme l'a précisé Jean-Jacques Grados, directeur de mission Scet (groupe Caisse des Dépôts). Une action qui se fera notamment dans le cadre d'ateliers organisés avec les élus locaux et techniciens d'ici un mois. Après quoi, une étude de faisabilité sera menée. Elle permettra de définir la structure adéquate pour porter les projets et d'identifier les montants à investir. "Nous ferons aussi un tour de table auprès d'investisseurs, publics et privés", a détaillé Jean-Jacques Grados.
L'Etablissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca) qui a rejoint l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) joue ce rôle dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. "Mais cet outil compte seulement 40 personnes, ce n'est pas dimensionné pour couvrir toute la France, précise à Localtis Jean Guiony, directeur adjoint du programme national Action Cœur de ville à l'ANCT, il s'agit de transférer ces compétences et savoir-faire à des sociétés d'économie mixte".
Une soixantaine de foncières créées
Le retour en force de ces foncières a été acté avec le lancement en juin 2020 de 100 foncières partout en France avec l'aide de la Banque des Territoires qui mobilise 300 millions d’euros d’investissement et 500 millions d’euros de prêts. L'objectif : rénover 6.000 commerces en cinq ans. Sur les 100, une soixantaine ont déjà vu le jour couvrant la plupart des départements. Elles ciblent majoritairement les villes moyennes (33), mais aussi les métropoles (25), quelques territoires ruraux et un territoire ultramarin. Le déploiement du programme Petites villes de demain leur ouvrira un nouveau champ d'intervention. "Dans le cadre du programme Action Cœur de ville, 76 cellules commerciales sont déjà entrées dans le processus, détaille Jean Guiony, 100% ont été requalifiées." Pour le responsable de l'ANCT, cela donne "une bonne complémentarité" avec le fonds de restructuration des locaux d'activité doté de 60 millions d'euros sur deux ans dans le cadre du plan de relance pour financer jusqu'à 50% des déficits des foncières sur les opérations les moins rentables. Il s'agit selon lui de la "première brique d'un changement de pratique très important". "Il y a quelques années, on pensait qu'il ne fallait pas se mêler de l'implantation commerciale et laisser la dynamique libérale faire son œuvre, souligne Jean Guiony, on s'aperçoit que le marché seul ne fonctionne pas. Le discours a donc changé, les pratiques aussi, vers davantage de volontarisme politique, ce qui correspond aussi à une demande des Français."
Des baux commerciaux en leasing
Les retours d'expériences montrent les bienfaits de cette pratique. Exemple à Montrouge où la société d'économie mixte Semarmont est propriétaire d'une vingtaine de commerces. "Nous avons commencé avec un ou deux commerces seulement, a expliqué Jean-Loup Metton, président de l'Observatoire du commerce et de l'artisanat de Centre-ville en mouvement, ancien maire de Montrouge, et c'est suffisant pour créer une dynamique en centre-ville. Nous intervenons en amont des projets de construction quand il s'agit de bâtiments neufs, pour établir la circulation que prendront les clients en fonction des typologies de commerces, pour prévoir des structures adaptées (froid en sous-sol par exemple), les règlements de copropriétés. On calcule les frais généraux, la marge, et on propose un prix d'achat." Autre avantage : la maîtrise des loyers et leur progressivité pour attirer des commerces. Les foncières peuvent aussi aller jusqu'à du "leasing de bail commercial". "Sur une place, nous avions besoin d'une brasserie mais des difficultés pour attirer des locataires, raconte Jean-Loup Metton, nous avons prévu un système de location avec option d'achat au bout de deux ans et cela a fonctionné."
Reste toutefois une question de fond : "Nous injectons beaucoup d'argent pour traiter la vacance commerciale, mais est-ce qu'on enraye ce qui a causé cette vacance ?", questionne Jean Guiony. Pour le responsable de l'ANCT, il y a d'autres actions à mener en parallèle, dont la négociation avec les grands centres commerciaux installés en périphérie et ces "foncières privées qui sentent le vent tourner. Il va falloir trouver un équilibre".