Les foncières commerciales se regroupent en réseau
55 foncières de redynamisation commerciale, sur les 100 prévues dans le cadre du plan de relance, sont à ce jour opérationnelles. À l'initiative de la Banque des Territoires et de la Fédération des EPL, elles ont constitué leur réseau, jeudi 1er juillet. L'occasion pour elles de partager leurs expériences... et de gagner du temps dans le montage d'opérations complexes.
La communauté urbaine de Dunkerque (Nord) examinait ce jeudi 1er juillet le projet de création d’une "foncière de redynamisation commerciale" qui prendra le statut de SEM (société d’économie mixte) ouverte. L’objectif : redynamiser le centre de l’agglomération en rachetant des locaux commerciaux vides, avant de les rénover et de les recommercialiser. Cette nouvelle foncière s’inscrit dans un mouvement lancé il y a près d’un an dans le cadre du plan de relance. Le gouvernement avait décidé, en s’appuyant sur la Banque des Territoires, de créer un réseau de 100 foncières commerciales avec pour objectif de réhabiliter 6.000 cellules commerciales en cinq ans. Une décision prise au moment où le commerce prenait de plein fouet le deuxième confinement. "À date, 55 foncières ont déjà été montées, qui travaillent sur plus d’une centaine de projets répartis sur tout le territoire", a indiqué le directeur de la Banque des Territoires, Olivier Sichel, jeudi, lors d’un webinaire marquant le lancement d’un réseau de ces foncières de redynamisation, en partenariat avec la Fédération des EPL. "J’avais une frustration, c’est que ce qui se passe à Belfort, à Béthune ou à Bastia ne puisse pas être partagé. On souhaite faire gagner du temps" par le partage d’expérience, a-t-il expliqué. D'où la création de ce réseau.
Des opérations complexes
La Banque des Territoires mobilise 300 millions d’euros d’investissement et 500 millions d’euros de prêts dans ces 100 foncières à travers son propre plan de relance du commerce (voir notre article du 6 octobre 2020). "Au départ, Bercy voulait mettre 300 millions d’euros dans une grande foncière nationale, je me suis opposé à ce dispositif-là : je préfère 100 foncières réparties sur tout le territoire qui s’adaptent aux réalités de terrain, aux élus…", a rappelé Olivier Sichel. La Banque des Territoires avait déjà posé des jalons. Dès le début du programme Action cœur de ville en 2018, elle avait relevé les enjeux des foncières pour lutter contre la vacance des commerces, des logements ou des bureaux, en montant si possible des opérations mixtes (commerces/logements/bureaux) là où les investisseurs privés rechignent à intervenir faute de rentabilité. Ces opérations complexes nécessitent à la fois une force de frappe financière suffisante et des compétences spécifiques que les SEM d’aménagement n’ont pas. Une des premières foncières avait ainsi vu le jour à La Roche-sur-Yon (Vendée) fin 2019 à l’initiative de la SEM locale Oryon et de la Banque des Territoires : la société par actions simplifiée (SAS) Métropolys. Aujourd’hui, la Banque des Territoires élargit son spectre aux centres-bourgs, notamment à travers le programme Petites Villes de demain. "On a un besoin d’évolution de l’appareil commercial. Dans les centres anciens, les cellules commerciales sont généralement de 30 à 50 m2, or la demande aujourd’hui est plutôt de 120, 150 voire 200 m2, ce qui implique des fusions", explique Frédéric Gibert, coordonnateur du programme Action cœur de ville et du plan de relance Commerces à la Banque des Territoires.
Stratégie globale
À Dunkerque, le constat s’est imposé il y a quelques années. Celui d’une "évasion" des chalands vers la Belgique située à "un jet de pierre", avec un bailleur commercial en situation de monopole, détenant à lui seul 90% des structures commerciales du territoire, tel qu'est venu en témoigner Laurent Pidoux, le directeur général des services de la communauté urbaine, lors de ce webinaire. Il existait bien une SEM locale, la S3D, mais celle-ci était plutôt spécialisée dans l’aménagement urbain et le logement. Trois axes ont présidé à la mise en place de cette foncière de redynamisation : travailler à un linéaire commercial, définir un parcours de chalandise, diversifier l’offre. Le travail en amont s'avère en effet primordial pour resserrer le "parcours marchand" et éviter de disperser les efforts. Il s’agissait "d’apporter un lien, une cohérence, une diversification de l’offre, avec la création d’un pôle tertiaire sur la gare, la création d’une amicale commerciale ; on a voulu impulser une dynamique humaine et en termes d’urbanisation", a développé Laurent Pidoux. La Banque des Territoires investit en fonds propres à hauteur de 23% du capital de la SEM. Elle a également cofinancé une étude de faisabilité du projet, portant sur la diversification des actifs. Tout ceci s’inscrit dans un "cadre global", a souligné Laurent Pidoux : transport urbain totalement gratuit, réaménagement d’une place, développement touristique, plan façade, "hub" de transports urbains entre les trois pôles commerciaux de l’agglomération… "Le travail des foncières n’est concevable que si elles savent à l’origine dans quelle stratégie elles interviennent, sinon elles risquent de se disperser sans que les résultats soient probants", a partagé Michel Ballarini, directeur général du groupe Alter qui intervient sur Angers (Maine-et-Loire). "On avait besoin d’un outil chirurgical, précis, rapide", a-t-il appuyé.
Portage commercial
L’autre apport primordial des foncières est la commercialisation des locaux en sortie d’opération. Et le portage des projets jusqu'au cap critique des trois ans. Elles s’appuient notamment sur les chambres de commerce et d’industrie et les chambre des métiers et de l’artisanat qui sont des partenaires privilégiés. "On propose aux maires – et ça les rassure – la capacité d’un portage de ces locaux commerciaux. Ce qui va permettre une commercialisation non pas précipitée mais réfléchie et concertée", a témoigné Nicolas Gigot, le directeur général de Cristal Habitat, à Chambéry (Savoie).
Avec un objectif de 6.000 commerces réhabilités en cinq ans, le gouvernement a mis la barre très haut. C’est environ 7% des 85.000 commerces de proximité recensés en France. Pour atteindre cet objectif, chaque foncière devrait avoir un plan d’affaire de 10 à 20 commerces par an. Avec une cinquantaine de commerces dans son plan, Chambéry fait partie des plus engagées. Pour les aider, l’État a mis en place dans le cadre du plan de relance un fonds de soutien aux foncières commerciales doté de 180 millions d’euros d’ici à 2025. Il interviendra sous forme de subventions qui couvriront jusqu'à 50% du déficit des opérations. Les foncières membres du réseau pourront se retrouver en atelier le 23 septembre pour savoir comment tirer parti de ce fonds. Un autre atelier se tiendra le 25 novembre sur le thème des partenariats, avec une rencontre en "présentiel" programmée au mois de février 2022.