Les établissements scolaires ferment leurs portes pour au moins un mois
C'est la principale annonce que l'on retiendra de l'allocution d'Emmanuel Macron ce mercredi 31 mars. En plus de la généralisation des "mesures de freinage" renforcées à l'ensemble des départements métropolitains, qui va impliquer la fermeture de 60.000 commerces supplémentaires. Et la limitation des déplacements... mais à partir de mardi seulement.
Il y a eu le "confinement dur" du printemps dernier, puis le "confinement adapté" de l'automne, puis des mesures prises par étapes pour "freiner l’épidémie sans nous confiner". Voilà pour les épisodes précédents tels que résumés par Emmanuel Macron lors de son allocution télévisée ce 31 mars. À quoi ressemblera le suivant ? Toujours pas à un reconfinement. Trois principes sont mis en avant : la "sécurité", "l'équilibre", la "responsabilité" ("faire confiance"). Mais l'irruption du variant britannique, que le chef de l'État qualifie d'"épidémie dans l'épidémie", avec un virus désormais à la fois plus contagieux et plus dangereux, change la donne. Alors malgré le couvre-feu et malgré les restrictions en vigueur dans 19 départements – qui ont "de premiers effets", mais "trop limités" –, place aux "efforts supplémentaires".
Généralisation des restrictions – Dans la mesure où "plus aucune région métropolitaine n’est aujourd’hui épargnée" les "règles qui sont en vigueur dans les 19 départements en vigilance renforcée seront étendues à tout le territoire métropolitain dès ce samedi soir et pour 4 semaines." Ce qui implique notamment, on le sait, la fermeture des commerces non-essentiels (donc tous ceux ne figurant pas sur la liste fournie par le décret du 19 mars) et une attestation obligatoire en journée pour les déplacements au-delà de 10 kilomètres du domicile pour "motifs impérieux". Les rassemblements de plus de six personnes ont aussi été mentionnés et Emmanuel Macron a précisé que "les contrôles, les sanctions seront renforcés sur la voie publique" pour limiter ces rassemblements et pour "encadrer la consommation d’alcool". Parallèlement, le couvre-feu est évidemment maintenu.
Déplacements interrégionaux – Depuis deux semaines, pour les habitants des 19 départements sous "mesures de freinage renforcées", ces déplacements étaient clairement interdits. Et mardi encore, le ministre de l'Intérieur faisait savoir que les contrôles de policiers et gendarmes seraient intensifiés "dès jeudi" en amont du weekend de Pâques "sur les péages, dans les gares, pour éviter que les Français ne respectent pas la règle des 10 kilomètres, jusqu'à lundi/mardi". "Il s'agit de souligner l'importance, lors de ce week-end à hauts risques, de ne pas partir de son territoire", avait ajouté Gérald Darmanin. Or, surprise, Emmanuel Macron a déclaré : "Nos concitoyens qui souhaitent changer de région pour aller s’isoler pourront le faire durant ce week-end de Pâques". Et l'un des visuels projetés dit bien lui aussi : "Pas de déplacements interrégionaux après le 5 avril sauf motif impérieux." Au-delà du seul week-end de Pâques soudainement propice aux visites familiales, cela ressemble fort à une autorisation de partir se mettre au vert pour les semaines à venir… par exemple pour les citadins heureux propriétaires d'une résidence secondaire prête à accueillir télétravailleurs et enfants en vacances jouant au milieu des glycines du jardin (toute ressemblance avec le premier confinement…). Mais attention, une fois qu'ils y seront, il faudra y rester 4 semaines. En tout cas, le site internet de la SNCF avait été pris d'assaut ce mercredi soir.
Télétravail – Justement, le télétravail "sera systématisé" a dit le président. Rien n'indique toutefois que les règles actuelles telles que décrites dans le protocole réactualisé le 23 mars seront modifiées.
Écoles – C'est là le principal changement. De nombreuses voix réclamaient la fermeture de tous les établissements scolaires. D'autres, a minima l'avancement des dates des vacances scolaires. Ce sera au final un peu des deux, sans que l'exécutif ait à parler de vraie "fermeture" – celle-là même qui, avait-il été dit et répété, ne devait intervenir qu'en "dernier recours". En sachant que depuis de l'instauration de la règle "classe fermée dès le premier cas de covid", un très grand nombre d'élèves sont déjà privés de cours, le plus souvent dans la plus grande désorganisation.
Le schéma avancé par Emmanuel Macron est le suivant :
- Semaine du 5 avril : "La semaine prochaine, les cours pour les écoles, collèges et lycées se feront à la maison, comme au printemps 2020" (sauf "pour les enfants des soignants et de quelques autres professions, qui seront accueillis, de même que les enfants en situation de handicap, qui doivent continuer à pouvoir être accueillis dans le secteur médico-social").
- À partir du 12 avril, pour deux semaines, "la France entière, quelle que soit la zone de vacances, sera placée en vacances de printemps". Autrement dit, toute la France se retrouve calée sur le calendrier de la zone A. Ces vacances devaient intervenir une semaine plus tard pour la zone C et deux semaines plus tard pour la zone B. Tant pis pour les salariés ayant déjà posé des semaines de congé pour coller au calendrier de leurs enfants.
- 26 avril : reprise pour tout le monde. Mais "physiquement" uniquement pour les maternelles et les primaires. Pour les collèges et lycées, nouvelle semaine de cours à distance.
- 3 mai : reprise des cours en présentiel pour les collégiens et lycéens, "le cas échéant avec des jauges adaptées" (autrement dit possible extension aux collègues des demi-jauges déjà en vigueur au lycée ?).
Quant aux étudiants, ils "pourront, pour ceux qui le souhaitent, continuer durant toute cette période à se rendre à l’université pour une journée de cours par semaine".
Enfin, on relèvera que les crèches, soumises au même régime que les établissements scolaires, vont être fermées pour trois semaines à partir de la semaine prochaine.
"L'accompagnement économique et social" – "Pour les salariés, les commerçants, les indépendants, les entrepreneurs et les entreprises, tous les dispositifs actuellement en vigueur seront prolongés" et "les parents qui devront garder leurs enfants et ne peuvent pas télétravailler auront droit au chômage partiel", a résumé Emmanuel Macron.
Le ministère du Travail a précisé les choses dans la soirée :
- "Tous les établissements et entreprises fermés par décision administrative et les entreprises justifiant d’une perte de 60% de leur chiffre d’affaires par rapport au mois précédent ou au même mois en 2019 bénéficient d’une prise en charge à 100% de l’activité partielle, sans reste à charge pour l’employeur."
- "Les établissements et entreprises appartenant aux secteurs les plus touchés par la crise (répertoriés dans les listes S1 et S1 bis) continueront de bénéficier d’une prise en charge de l’activité partielle à 100% jusqu’au 30 avril 2021."
- "Pour les autres secteurs, le reste à charge pour les entreprises est de 15% jusqu’à fin avril."
- "Tous les salariés en activité partielle, quelle que soit la situation de l’entreprise, continueront de bénéficier d’une indemnisation à hauteur de 84% de leur rémunération nette, qui ne peut descendre en dessous d’un plancher équivalent au Smic horaire."
- Activité partielle pour la garde d’enfant : "Suite à la fermeture des établissements scolaires et des crèches, les salariés dans l’incapacité de télétravailler pourront demander à bénéficier de l’activité partielle pour garder leur enfant, s’ils sont parents d’un enfant de moins de 16 ans ou d’un enfant en situation de handicap, sans limite d’âge. Le salarié devra remettre à son employeur une attestation sur l’honneur indiquant qu’il est le seul des deux parents demandant à bénéficier de l’activité partielle au motif de la garde d’enfant."
Bercy a pour sa part indiqué que l'extension des fermetures de commerces à l'ensemble du territoire va faire passer le nombre d'établissements fermés de 90.000 à 150.000, tandis que le coût total des aides et indemnisations aux entreprises passe à 11 milliards d'euros par mois. Cette somme comprend le coût total du fonds de solidarité, du chômage partiel pour l'État et des exonérations de cotisations sociales, y compris pour les établissements qui restent ouverts mais sont fortement impactés par la crise. Le gouvernement réfléchit en outre toujours à la possibilité de permettre aux commerçants de liquider leurs stocks hors période de soldes et à des compensations financières pour les stocks invendus.
Vaccination – Emmanuel Macron mise sur l'accélération des achats de vaccins et sur une production en France et en Europe. Et sur l'accélération des campagnes, sachant que "1.700 centres de vaccination" sont actuellement ouverts. À ce titre, "l'engagement exemplaire" des maires a été salué. En outre, "au total, 250.000 professionnels – médecins, pharmaciens, sapeurs-pompiers, infirmiers, vétérinaires – sont aujourd’hui prêts" à délivrer le vaccin AstraZeneca.
Le calendrier a été rappelé :
- Actuellement, tous les plus de 75 ans. Ceux qui n'ont pas encore eu de rendez-vous seront appelés par l'Assurance maladie.
- Mi-avril, début de la vaccination des plus de 60 ans.
- Mi-mai, au tour des plus de 50 ans.
- "Une stratégie de vaccination spécifique sera par ailleurs prévue pour toutes les professions les plus exposées, en particulier nos enseignants, mais aussi nos forces de l’ordre et plusieurs autres." Pas de précisions de calendrier.
- Mi-juin, tous les adultes. "Nous tiendrons l’objectif que je nous ai fixé, à savoir que d’ici la fin de l’été, tous les Français de plus de 18 ans qui le souhaitent pourront être vaccinés", a réaffirmé le chef de l'État.
Quand est-ce qu'on rouvre ? Lors de leurs dernières conférences de presse, Jean Castex et Olivier Véran s'étaient refusés à donner la moindre indication concernant tous les secteurs mis à l'arrêt depuis l'automne dernier. Les choses restent peu précises… mais une toute première esquisse a été avancée par Emmanuel Macron pour, notamment, les lieux de culture. "Je reviendrai vers vous prochainement pour préciser un agenda de réouverture, et pour que chacun puisse aussi se projeter avec plus de visibilité dans les mois qui viennent", a-t-il dit. Son pronostic actuel : "Dès la mi-mai, nous recommencerons à ouvrir avec des règles strictes certains lieux de culture, nous autoriserons sous conditions l’ouverture des terrasses." Puis "nous allons bâtir entre la mi-mai et le début de l’été un calendrier de réouverture progressive pour la culture, le sport, le loisir, l’événementiel, nos cafés et restaurants".
Le Premier ministre, Jean Castex, doit défendre ces mesures et apporter des précisions ce jeudi 1er avril en s'adressant aux deux chambres du Parlement, avant un débat suivi d'un vote. "Ce débat se tiendra le matin à l'Assemblée nationale", à partir de 9h00, "puis au Sénat l'après-midi", a précisé Matignon, en ajoutant qu'il s'effectuait sur la base de l'article 50-1 de la Constitution qui n'engage pas la responsabilité du gouvernement. Les députés LR ne prendront pas part au vote, a indiqué mercredi soir à l'AFP le président du groupe, Damien Abad : "Nous avons décidé à l'unanimité de ne pas participer au vote car nous n'avons pas à voter sur une décision déjà prise."