Les dotations de quelque 12.000 communes devraient diminuer en 2019
Un peu plus du tiers des communes devraient connaître, en 2019, une baisse de leur dotation globale de fonctionnement (DGF), contre près de la moitié l'an dernier. Le comité des finances locales a obtenu, mardi, cette donnée encore provisoire. Lors d'une séance plénière, l'instance a rendu ses arbitrages sur l'évolution de plusieurs dotations et fait une mise au point sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement.
La colère que les maires avaient manifestée l'an dernier au sujet de la diminution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de près de la moitié des communes (16.000) pourrait baisser d'un cran cette année. En effet, les communes qui connaîtront ce sort en 2019 devraient être environ 12.000, a indiqué, mardi 13 février, le président du comité des finances locales (CFL).
La réduction des attributions de dotations versées aux communes est liée en grande partie à "l'écrêtement" de la dotation forfaitaire, la principale composante de la DGF. Cet écrêtement permet de financer en particulier la progression des dotations de péréquation du secteur communal et les montants supplémentaires de dotations attribués aux communes dont la population croît. L'an dernier, cette "minoration" avait affecté quelque 21.000 communes, déterminées sur la base de critères de richesse. En 2019, elle devrait toucher un nombre inférieur de communes : environ 19.500 communes, selon les estimations de la direction générale des collectivités locales (DGCL). L'an dernier, la réduction de la dotation forfaitaire "se téléscopait" avec les effets de la carte intercommunale mise en œuvre le 1er janvier 2017, a rappelé mardi André Laignel lors d'une conférence de presse à l'issue de la séance plénière du CFL. Un concours de circonstances que l'on ne retrouvera pas cette année, puisqu'en 2018, les périmètres intercommunaux n'ont quasiment pas été modifiés.
La DGF, stable "globalement"
Le nombre des communes dont la DGF baisse est inférieur, au final, à celui des communes dont la dotation forfaitaire est "écrêtée". En effet, les dotations de péréquation permettent un rééquilibrage dans le cas de certaines communes. Au total, quelque 16.000 communes avaient vu leur DGF baisser, l'an dernier. Un record qui ne sera pas atteint en 2019, puisque environ 12.000 communes devraient se trouver dans cette situation, selon André Laignel. Qui a confié s'attendre cependant à ce que le nombre soit en réalité un peu plus élevé.
Le gouvernement, qui pourrait se sentir rassuré pour cette année, redouble d'ailleurs de prudence, et ce bien avant la notification des montants individuels des dotations, qui interviendra fin mars. Ce 12 février, la ministre en charge des Relations avec les collectivités territoriales et le ministre des Collectivités territoriales ont souligné, dans un communiqué, que la "stabilité des dotations de fonctionnement s’entend de leur montant global" et que "les attributions individuelles pour 2019 (…) sont amenées à varier comme chaque année pour s’adapter au profil de richesse et aux charges propres à chaque collectivité".
Lors de sa conférence de presse, le président du CFL a décrit très différemment le paysage des finances locales. Avec ses 26,9 milliards d'euros (12 millions d'euros de moins qu'en 2018), la DGF est certes stable, et ce après quatre ans de baisse drastique. Mais ce "gel de la DGF ne tient compte ni de l'évolution de la population, ni de l'inflation", a critiqué le maire d'Issoudun. Or, pour les collectivités locales, la hausse des prix a été probablement significative. Les prix dans le bâtiment et les travaux publics – deux secteurs ayant un impact fort sur le "panier du maire" - ont augmenté respectivement de 2,5% et 3,2% en 2018.
La dotation forfaitaire des communes en baisse de 3,9%
L'ancien ministre de François Mitterrand en a déduit qu'"en euros constants, les ressources des collectivités locales sont en diminution". "Sur cette masse de la DGF, la totalité des péréquations sont financées uniquement entre les collectivités locales", s'est-il aussi désolé. C'est d'ailleurs ce qui explique l'essentiel de la "minoration" de la dotation forfaitaire des communes. Atteignant quasiment 2,3 milliards d'euros, la dotation de solidarité urbaine (DSU) augmente cette année de 90 millions d'euros (+4,09%). Bénéficiant du même montant de hausse, la dotation de solidarité rurale (DSR) croît quant à elle de 5,95% et s'élève à 1,6 milliard d'euros. De tels montants ont semblé suffisants au CFL, qui a décidé de ne pas utiliser sa faculté de moduler à la hausse la progression de la DSU et de la DSR décidée par le Parlement. Une option qu'il a également appliquée à la dotation nationale de péréquation (DNP) et aux dotations de péréquation perçues par les départements.
Outre l'accroissement de la DSU et de la DSR, la minoration de la dotation forfaitaire doit permettre de financer la progression de la population des communes (29 millions d'euros), ou encore les mesures d'incitations financières en faveur des communes nouvelles, dont le coût s'élève à 11,4 millions d'euros. L'année 2019 est en effet un bon cru dans ce domaine, puisqu'au 1er janvier, 239 communes nouvelles ont été créées par la fusion de 626 communes. A cela s'ajoute la progression de la dotation d'intercommunalité. Les dispositions votées dans la loi de finances pour 2019 conduisent à augmenter la dotation de 37 millions d'euros. En complément, comme le prévoit la réforme, une somme estimée à 29 millions d'euros au total sera allouée aux EPCI dont la dotation d'intercommunalité est inférieure à 5 euros par habitant.
Le coût de l'ensemble de ces contraintes (291,4 millions d'euros) pèsera non seulement sur les communes, mais également sur les EPCI à fiscalité propre. Le CFL a décidé que les premières prendront à leur charge 60% de la facture et les seconds 40%. Cela revient à "minorer" de près de 175 millions d'euros (-3,9%) la dotation forfaitaire des communes et de 116,5 millions d'euros (-2,3%) la dotation de compensation des groupements à fiscalité propre.
Dotation de solidarité rurale : priorité aux bourgs-centres et aux communes défavorisées
Le CFL devait, par ailleurs, décider de la répartition de l'augmentation de 90 millions d'euros de la DSR entre ses composantes. Un exercice qui s'est révélé plus complexe, cette année, compte tenu des effets de la mise en œuvre de la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR). "Il a été décidé qu'elle s'appliquait pour les entrants, mais que les sortants seront préservés jusqu'en 2021", a résumé André Laignel. Le maire d'Issoudun a critiqué une "politique de gribouille". Un avis largement partagé par le CFL qui "a émis le vœu que soit revue la définition des zones de revitalisation rurale". Selon le président de l'instance, l'application de la loi "conduit à ce que 324 bourgs-centres supplémentaires émargent à la DSR".
Il s'agissait, en outre, de prendre en compte les mesures de la loi de finances pour 2019 créant des garanties en faveur des communes perdant le bénéfice de la part "cible" de la DSR. Un filet de sécurité qui va bénéficier à 1.100 communes, cette année, pour un coût de 27,7 millions d'euros.
Ce nouveau contexte a donné lieu à un choix inédit de la part du CFL, privilégiant très nettement les fractions "bourg-centre" (545,2 millions d'euros, soit +7,06%) et "cible" (323,7 millions d'euros, soit +13,4%). "C'était le seul moyen d'éviter une catastrophe" pour ces deux fractions, dont la première bénéficie aux communes qui portent les équipements et la seconde aux communes les plus défavorisées. Mais, avec une progression limitée à 1,3%, la fraction "péréquation" (645 millions d'euros) est pénalisée.
André Laignel répond aux propos du président de la République sur le CFL
Le président du comité des finances locales a qualifié d'"inacceptables" et "erronés" des propos du président de la République sur cette instance, tenus dans le cadre du grand débat national. "A plusieurs reprises, le CFL a été mis en cause par certains membres du gouvernement, par le président de la République lui-même", a déploré André Laignel. "Il n'est pas acceptable qu'il y ait des fake news à ce niveau." Emmanuel Macron avait notamment évoqué, lors de ses déplacements à Souillac (Lot) et Autun (Saône-et-Loire), la responsabilité du CFL et de son président dans l'échec de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF). "Cette réforme est entrée dans la loi de finances pour 2017, elle a été votée par le Parlement et donc le CFL n'a strictement rien empêché", a fait valoir André Laignel.
"Quand j'entends le président de la République dire : 'que les élus fassent des propositions', ça n'a aucun sens", a déclaré le maire d'Issoudun. André Laignel a réclamé "les moyens de travailler, car seul l'Etat a les moyens de faire les simulations". Le vice-président délégué de l'Association des maires de France (AMF) a affirmé qu'il est et reste "pour une réforme de la DGF". "Il y a un préalable, a-t-il expliqué : définir les critères de centralité, être capable d'avoir des critères de dépense réelle." Le potentiel fiscal, qui sert à répartir les dotations, "n'a plus aucun sens", a-t-il également indiqué.
A propos de la position de l'AMF sur la suppression de la taxe d'habitation, le chef de l'Etat "ne dit que des choses erronées", a-t-il poursuivi. "D'abord, nous n'avons jamais proposé une exonération mais un dégrèvement. C'est fondamentalement différent", a-t-il fait valoir.