Développement des territoires - Les disparités régionales se sont accrues depuis la crise de 2008
Les concepteurs de l'"égalité des territoires" devront-ils actualiser leur logiciel ? On pourrait le penser à la lecture d'une étude de l'Insee. Alors que leur postulat de départ était de dire que les disparités régionales s'étaient estompées quand, dans le même temps, les écarts infrarégionaux s'étaient accrus, l'étude de l'Insee, publiée le 3 juin, montre au contraire que depuis la crise de 2008, les écarts régionaux se sont bel et bien accrus.
Cette étude sur la croissance des régions depuis vingt ans se penche sur les deux crises que la France a subies en 1993 et 2008-2009. "Quelle que soit la région, la récession de 1993 fut plus brève et la baisse de l'activité moins intense qu'en 2008-2009", précise l'étude. Les écarts de croissance restent ainsi modérés entre 1993 et 2007 : de +1,3% par an en Picardie à +2,8% par an en Corse et en Languedoc-Roussillon. Par la suite, entre 2008 et 2011, ces écarts se creusent. Les taux s'échelonnent de -1,2% par an en Bourgogne à +1,9% par an en Corse. "Parmi les régions métropolitaines, seule la Corse n'a pas subi de baisse de son PIB en 2008-2009", souligne l'Insee, qui précise qu'"après la dernière récession, plusieurs régions peinent à retrouver leur niveau d'activité antérieur". Il s'agit notamment des régions du quart nord-est, comme la Lorraine, la Picardie, la Champagne-Ardenne, l'Alsace, mais aussi du centre (Centre, Limousin, Auvergne), du centre-est (Bourgogne, Franche-Comté), voire de l'ouest du pays (Basse-Normandie). D'après l'Insee, les régions Languedoc-Roussillon et Bretagne n'ont ainsi pas retrouvé en 2011 le niveau de PIB en volume qu'elles avaient avant la récession de 2008. Le Limousin et la Bourgogne sont en situation encore moins avantageuse, leur PIB reculant respectivement de 1,1% et 1,2% en volume et en moyenne par an entre 2008 et 2011.
A l'inverse, les régions de la façade atlantique (Pays de la Loire, Aquitaine, Poitou-Charentes), l'Ile-de-France et Rhône-Alpes sont celles qui ont redémarré plus fortement après la crise de 2008-2009.
Des écarts qui s'expliquent par la dynamique démographique
D'après l'Insee, ces écarts de croissance entre régions, qui se sont amplifiés depuis la dernière crise, ne s'expliquent que très marginalement par la spécialisation sectorielle des régions. Ainsi, la structure productive des régions du nord-est, centre, centre-est, souvent davantage orientée vers l'industrie ou l'agriculture "n'explique que marginalement leur rythme de croissance économique plus faible, détaille l'Insee. Les effets de restructurations industrielles ou de fermetures de sites ont certes joué un rôle mais le facteur principal tient à des facteurs propres négatifs", parmi lesquels une croissance de la population plus lente que dans d'autres régions. Dans ces régions du nord et de l'est, les conditions démographiques freinent ainsi la croissance "par une moindre demande aux acteurs économiques". A l'inverse, les régions Aquitaine, Poitou-Charentes et Pays de la Loire ont pu retrouver plus rapidement leur niveau de PIB antérieur à la récession grâce à leur dynamique propre, notamment démographique.
L'Insee insiste sur le positionnement particulier de l'Ile-de-France, qui a vu son PIB augmenter légèrement plus (+2,3% en moyenne par an et en volume) que la moyenne des autres régions (+2,1%) entre 1993 et 2007. "Contrairement aux autres régions, c'est la spécialisation de la région qui semble expliquer cet écart", souligne l'étude. Dans cette région, en 2007, une bonne partie de la richesse (52%) provenait des services marchands, qui ont connu une croissance plus favorable que l'industrie. En revanche, en Ile-de-France, la récession de 2009 a été plus forte qu'ailleurs (-4,9%). "L'Ile-de-France, très ouverte aux échanges extérieurs, est particulièrement sensible aux évolutions internationales. Le choc est donc plus brutal en 2009 mais la phase de reprise y est également précoce", détaille l'Insee.