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Précarité - Les députés votent en faveur du droit à l'eau et à l'assainissement pour tous

Les députés ont adopté le 14 juin la proposition de loi instaurant le droit d'accès à l'eau et à l'assainissement pour tous et l'obligation pour les collectivités compétentes en la matière de prendre les mesures nécessaires pour satisfaire les besoins des personnes non raccordées au réseau d'eau potable. Ce texte prévoit aussi l'instauration d'une allocation forfaitaire d'eau pour les personnes en situation de précarité raccordées au réseau. Mais en séance, le mécanisme de financement de cette mesure a été supprimé.

L'Assemblée nationale a adopté le 14 juin en séance, en première lecture, une proposition de loi portée par des députés de la majorité, du Front de gauche et de l'UDI sur la mise en œuvre effective du droit à l'eau et à l'assainissement pour tous. Longtemps réclamé par le monde associatif, notamment la Fondation France Libertés, la Coalition Eau et la Coordination Eau Ile-de-France, ce texte instaure "le droit, pour chaque personne physique, dans des conditions compatibles avec ses ressources, de disposer chaque jour d'une quantité suffisante d'eau potable pour répondre à ses besoins élémentaires" et d'"accéder aux équipements lui permettant d'assurer son hygiène, son intimité et sa dignité" (article 1er). Les autres dispositions de la proposition de loi déclinent les objectifs inscrits à cet article 1er.

Une nouvelle obligation pour les collectivités

L'article 2 prévoit ainsi d'introduire dans le Code de la santé publique l'obligation pour les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de distribution d'eau potable et d'assainissement de prendre "les mesures nécessaires pour satisfaire les besoins élémentaires en eau potable et en assainissement des personnes qui ne disposent pas d'un raccordement au réseau d'eau potable". Les collectivités compétentes doivent ainsi installer et entretenir des équipements de distribution gratuite d'eau potable. Le texte prévoit que dans chaque commune de plus de 3.500 habitants, des toilettes publiques gratuites sont accessibles à toute personne. En outre, les collectivités de plus de 15.000 habitants doivent installer et entretenir des douches gratuites et adopter, "le cas échéant", des dispositions pour donner accès à des douches ou des laveries dans des établissements recevant du public. Le texte précise que ces dispositions de mise en œuvre doivent être prises dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi et que les collectivités ou EPCI concernés peuvent utiliser, "le cas échéant", des équipements sanitaires existant dans des bâtiments communaux et dans des équipements qu'ils subventionnent.
En séance, les députés ont voté un amendement gouvernemental afin d'élargir les financements auxquels les collectivités peuvent prétendre pour mettre en place de nouveaux équipements. Le terme "subventions" a été remplacé par celui d'"aides", jugé moins restrictif, et celui de "sanitaires" a été supprimé "afin de ne pas réduire le champ d'intervention des collectivités souhaitant créer de nouveaux équipements, qui peuvent également concerner l'eau potable", selon l'exposé des motifs de l'amendement soutenu par Barbara Pompili, secrétaire d'Etat à la Biodiversité.

Création  d'une allocation forfaitaire d'eau

Le texte crée en outre une allocation forfaitaire d'eau pour les personnes en situation de précarité raccordées au réseau. Les bénéficiaires potentiels sont les ménages "dont les dépenses d'eau permettant de satisfaire les besoins élémentaires excèdent 3% de leurs ressources disponibles". Sur la proposition du rapporteur, Michel Lesage, les députés ont aussi voté un amendement visant à ce que l'allocation forfaitaire d'eau ne soit utilisée que pour le paiement partiel ou total des dépenses d'eau telles que définies dans les articles de loi. Ils ont aussi adopté un autre amendement du rapporteur visant à ce que dans un délai de deux ans après la généralisation du chèque énergie, aujourd'hui expérimenté dans quatre départements, le gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'opportunité de rapprocher ce dispositif de celui de l'allocation forfaitaire d'eau, l'énergie et l'eau étant "très liées aux capacités des ménages en matière de logement", a souligné Michel Lesage.

Remise en cause du mécanisme de financement

Après un vif débat dans l'hémicycle, les députés ont fini par supprimer le mécanisme contenu dans l'article 5 du texte qui devait permettre de financer l'allocation forfaitaire d'eau. Il s'agissait de créer au sein du Fonds national d'aide au logement (Fnal) un Fonds de solidarité pour le droit à l'eau qui aurait été financé par une contribution additionnelle à la taxe existante sur les eaux en bouteille. En séance, des députés ont aussi évoqué la possibilité de recourir à la taxe additionnelle sur les tabacs ou à une taxe sur les boissons sucrées. Certains élus de la majorité ont plaidé pour un renvoi de la question de la ressource au prochain débat budgétaire, d'autres défendant âprement le dispositif financier sans lequel selon eux le texte risquait d'être vidé de sa substance. Certains députés ont aussi soutenu la suppression de l'article 5 au nom de la défense du secteur des eaux en bouteille, la nouvelle taxe risquant selon eux d'avoir "des impacts catastrophiques pour le maintien des investissements et des dizaines de milliers d'emplois non délocalisables répartis sur notre territoire, notamment dans les zones rurales et montagneuses".
"On dit que le gouvernement n'a pas pris de décision mais je constate que les parlementaires qui sont à l'origine de cette proposition de loi n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur un financement", a déclaré pour sa part Barbara Pompili, en défendant la suppression de l'article 5. Selon elle, "la bonne méthode de travail consiste à se mettre autour d'une table pour essayer de trouver une solution", un "accord général" pour parvenir à "un financement sécurisé". "Vous pouvez en être sûrs et j'en prends l'engagement, si nous parvenons à trouver cette solution, le gouvernement la défendra durant l'examen du projet de loi de finances", a plaidé la secrétaire d'Etat.
Dans un communiqué commun diffusé le 16 juin, la Coalition Eau et la Fondation France Libertés ont salué l'adoption de la proposition de loi comme "une avancée pour la France et une première en Europe" mais ont regretté qu'avec la suppression de l'article 5, elle soit "amputée d'une élément essentiel". "Reste la solution d'un financement sur le budget de l'Etat comme cela a été le cas pour les chèques énergie", avancent les associations.
La proposition de loi doit maintenant être examinée par le Sénat.
 

 

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