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PLF 2010 - Les députés adoptent la taxe carbone sans compensation pour les collectivités

L'Assemblée nationale a adopté le 23 octobre l'article 5 du projet de loi de finances 2010 instituant la taxe carbone ainsi que l'article 6 prévoyant des compensations pour les ménages sans modifier les principaux arbitrages qui avaient été annoncés par le président de la République le 10 septembre.

Dénonçant le risque d'un impôt "écologiquement inefficace et socialement injuste", les députés de l'opposition ont tenté de revenir sur le montant, l'assiette et la redistribution de la taxe. Les trois élus Verts ont ainsi demandé une hausse du montant initial de 17 à 32 euros la tonne de CO2 dès janvier 2010. "Nous sommes à peu près certains que la taxe restera invisible, puisque cela représentera environ 4 centimes par litre d'essence à la pompe, c'est-à-dire même pas la différence entre deux stations services de marque différente dans un même canton !", a déclaré le député Vert de Paris Yves Cochet. "Nous partons d'un seuil bas - 17 euros la tonne - pour viser un objectif de 100 euros la tonne en 2030", a rappelé le député UMP du Lot-et-Garonne Michel Diefenbacher.

Toute l'opposition a aussi réclamé en vain que l'électricité soit incluse dans l'assiette de la taxe. "Si la taxe carbone a pour but de limiter les émissions de gaz à effet de serre, notamment de gaz carbonique, il est évident qu'il faut alors taxer l'électricité. Car une partie de la production électrique est le fait de centrales thermiques et dégage du CO2", a argumenté Christophe Caresche, député PS de Paris. Pour Martine Billard, députée de Paris (Verts), le refus d'inclure l'électricité "va pousser au report" sur cette énergie "sans chercher à convaincre, tant les ménages que les entreprises, de rechercher la sobriété énergétique". "Nous avons délibérément choisi de viser les émissions de CO2. A poursuivre trop d'objectifs en même temps, on peut risquer de rater la cible", a répondu la ministre de l'Economie, Christine Lagarde.

 

"La puissance publique doit donner l'exemple"

Les députés n'ont pas adopté l'amendement réclamé par les élus locaux et voté en commission des finances qui prévoyait de rétrocéder aux collectivités territoriales une partie du produit de la taxe carbone correspondant aux sommes perçues au titre des transports publics pour lesquels elles sont compétentes et du chauffage des établissements recevant du public. "Les transports publics ne sont pas concernés par la taxe carbone", a justifié le ministre du Budget, Eric Woerth. "Quant au chauffage dans les gymnases, les écoles ou les crèches, comment l'Etat pourrait-il mener une politique visant à convaincre nos concitoyens et les entreprises de changer de comportement tout en autorisant les collectivités locales, c'est-à-dire l'intérêt public, à ne pas acquitter la taxe carbone ?", a-t-il interrogé. Selon lui, il est "naturel" qu'il n'existe pas de compensation car "la puissance publique, représentée par l'Etat, mais aussi par les collectivités locales, doit donner l'exemple".

Les députés ont toutefois voté quelques aménagements à l'article 5 permettant des exonérations. Ainsi, pour le transport routier, le gouvernement a fait supprimer  la disposition prévoyant le report de la taxe carbone payée par les transporteurs routiers vers les chargeurs. De plus, pour les transporteurs eux-mêmes, la taxe s'appliquera progressivement sur quatre ans, avec une exonération de 36% en 2010.  Un amendement a aussi été voté pour retarder de six mois (au 1er juillet 2010) l'entrée en vigueur de la taxe carbone dans les départements d'outre-mer. Contre l'avis du rapporteur du projet de loi de finances et du gouvernement, les députés ont aussi voté un amendement de Georges Siffredi (UMP, Hauts-de-Seine), exemptant de taxe carbone "les personnes ayant des difficultés pour utiliser les transports publics, dont les personnes en fauteuil roulant, les personnes handicapées des membres et les personnes de petite taille, ayant l'utilité d'un véhicule personnel adapté".

Autre disposition votée par l'Assemblée nationale : l'institution d'une commission de suivi de la taxe carbone dans les trois mois suivant l'entrée en vigueur de la loi. La commission aura notamment pour mandat "d'évaluer l'efficacité de cette taxe et de donner un avis sur la détermination de son assiette et l'évolution de son taux".

A l'article 6, les députés ont voté comme prévu dans le texte initial la restitution du montant de la taxe aux ménages sous la forme d'un crédit d'impôt sur le revenu forfaitaire (46 euros pour un célibataire, 92 pour un couple, avec une majoration à 61 et 122 euros pour les contribuables qui résident dans une commune qui n'est pas intégrée dans un périmètre de transports urbains ou qui n'est pas comprise dans le ressort territorial du Syndicat des transports d'Ile-de-France). L'opposition a défendu en vain plusieurs amendements pour que les ménages les plus riches ne bénéficient pas de cette mesure. Les députés n'ont pas adopté non plus l'amendement adopté en commission  qui proposait d'augmenter le montant de la compensation de la taxe carbone pour les habitants de zones de montagne à 69 euros au lieu des 61 euros prévus pour les habitants de zones rurales. De même, ils ont rejeté celui qui prévoyait de majorer ce montant pour les habitants des villes de moins de 15.000 habitants.

 

Anne Lenormand