Les députés achèvent l'examen du projet de loi terrorisme
Les députés ont achevé, jeudi soir après quatre jours de discussions, l'examen du projet de loi renforçant la lutte contre le terrorisme, en revenant à une version plus proche du texte initial assoupli par les sénateurs. C'est notamment le cas pour ce qui est de possibilités de fermeture des lieux de culte (article 2). En commission les députés avaient réintroduit les "idées et théories" diffusées dans l'enceinte. En séance, ils ont aussi rajouté la provocation "à la haine et à la discrimination". Ainsi, le préfet pourra "prononcer la fermeture des lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les écrits, idées ou théories qui sont diffusés ou les activités qui se déroulent provoquent à la violence, la haine et à la discrimination et provoquent à la commission d'actes de terrorisme ou font l'apologie de tels actes". "Aujourd'hui, en matière de liberté de réunion, des mesures d'interdiction ne peuvent être prises que s'il n'existe aucun autre moyen de faire cesser un trouble à l'ordre public", a justifié le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb lors des débats, expliquant que depuis novembre 2015, 17 fermetures avaient été prononcées dans le cadre de l'état d'urgence.
Périmètres de protection
A l'article 1er, le texte instaure des "périmètres de protection" pour assurer la sécurité d'un lieu ou d'un événement "exposé à un risque d'actes de terrorisme en raison de sa nature et de l'ampleur de sa fréquentation". En séance, les députés ont ajouté une seule modification : l'arrêté du préfet transmis sans délai au procureur le sera aussi "simultanément au maire de la commune concernée". L'arrêté est pris pour une durée d'un mois maximum. Dans ces périmètres, les forces de l'ordre peuvent procéder, avec le consentement de la personne concernée, à des palpations de sécurité et à des fouilles de bagages ou de véhicules. Après accord du maire, les policiers municipaux peuvent être autorisés à participer à ces opérations. Les députés ont rejeté des amendements LR et FN qui visaient à se passer du consentement de la personne. Ils ont rejeté aussi des amendements de la Nouvelle gauche visant à limiter ces périmètres aux abords immédiats des événements (version du Sénat) ou encore des amendements de La France insoumise et des communistes visant à supprimer les périmètres de protection. A cet égard, le député LFI de Seine-Saint-Denis Eric Coquerel a estimé que cet outil allait permettre au gouvernement de lutter contre tout ce qui le gênait, "y compris un mouvement social". S'agissant des "mesures individuelles de contrôle et de surveillance" (article 3) - une adaptation des assignations à résidence étendues à l'échelle de la commune - les députés ont ajouté la possibilité pour le ministre de l'Intérieur d'obliger la personne à "déclarer les numéros d'abonnement et identifiants techniques de tout moyen de communication électronique dont elle dispose ou qu'elle utilise, ainsi que tout changement de ces numéros d'abonnement et identifiants ; ces déclarations ne portent pas sur les mots de passe". Si elle ne fait pas l'objet d'une mesure individuelle de contrôle, la personne peut toutefois se voir dans l'obligation de déclarer son domicile et de signaler ses déplacements. Elle pourra désormais aussi se voir refuser l'accès à "un lieu déterminé", en dehors de son domicile. "A ceux qui pensent que, dans le cadre de l'état d'urgence, les assignés à résidence se comptent par milliers, je rappelle qu'ils sont actuellement 39 : il ne me paraît pas hors de portée de nos services de renseignement de suivre, à travers la France, 39 personnes", a fait valoir le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, lors des débats. Les députés ont par ailleurs rejeté un amendement d'Eric Ciotti (LR, Alpes-Maritimes) qui consistait à élargir cette mesure aux personnes menaçant l'ordre public. Les députés ont adopté presque sans le modifier le régime de "visites et saisies", inspirées des perquisitions administratives de l'état d'urgence. Ces visites et saisies seront prononcées par le préfet après accord du juge des libertés et de la détention du TGI de Paris. Les députés ont ajouté la "diffusion" de thèses incitant au terrorisme comme motif susceptible de justifier une telle intervention. A noter que les mesures de surveillance comme les visites seront applicables à titre expérimental "jusqu'au 31 décembre 2020" (article 4 bis). Le gouvernement adressera un bilan annuel au Parlement sur leur mise en oeuvre.
Contrôles frontaliers
Les députés ont adopté sans modification de fond les dispositions relatives à l'encadrement des subventions aux "structures ayant pour objet ou activité la prévention et la lutte contre la radicalisation" (article 4 bis A). Ils ont par ailleurs instauré un nouveau crime visant les parents qui incitent leurs enfants mineurs à commettre un acte terroriste ou à se rendre sur un théâtre d'opération. Les discussions se sont terminées jeudi sur l'important volet des contrôles dans les zones frontalières (article 10). Il prévoit de rendre les contrôles d'identité possibles "aux abords des gares" (et non plus à l'intérieur seulement), ainsi que "dans un rayon maximal de vingt kilomètres autour des ports et aéroports" internationaux les plus sensibles qui seront désignés par arrêté parmi une liste de 118 points de passage frontaliers. La ministre Jacqueline Gourault, qui a suppléé Gérard Collomb, jeudi, a rappelé que la Commission européenne, "sur une demande franco-allemande", avait proposé la veille d'allonger cette dérogation jusqu'à trois ans dans des cas exceptionnels, pour s'adapter à de "nouvelles menaces" comme le terrorisme. Mais cette modification au code Schengen devra encore faire l'objet d'un accord entre Etats membres, puis avec le Parlement européen. Dans l'intervalle, la ministre n'a pas exclu que la France notifie le 1er novembre à la Commission européenne une prolongation de ses contrôles aux frontières. "Le gouvernement français prendra toutes ses responsabilités au 1er novembre", a-t-elle dit.
Référence : projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.