Finances locales - Les départements peuvent-ils mettre en place une redevance sur les radars automatiques ?
Le groupe de travail du Comité des finances locales sur les amendes de police en matière de circulation routière devrait se réunir, pour la première fois, le 10 juillet, pour examiner la question des amendes radars et l'opportunité de créer une part affectée aux départements. Sur le terrrain, les conseils généraux continuent de mettre en place une redevance à leur profit sur les radars automatiques installés par l'Etat sur le domaine public départemental, alors que les premières décisions juridictionnelles, rendues en urgence sur cette question, apparaissent contradictoires. L'Etat doit-il payer ? Et si oui, combien ? Dans tous les cas, le débat juridique soulève trois points.
- Tout d'abord, l'article L.2125-1 du Code général de la propriété des personnes publiques prévoit que "toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L.1 donne lieu au paiement d'une redevance" ce qui semble fonder le droit (et même l'obligation) des départements de mettre en place la redevance. Or, l'article se poursuit en prévoyant que "l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être délivrée gratuitement " dans deux cas, dont le suivant : "lorsque l'occupation ou l'utilisation est la condition naturelle et forcée de l'exécution de travaux ou de la présence d'un ouvrage, intéressant un service public qui bénéficie gratuitement à tous". L'Etat considère que les radars participent à "un service public qui bénéficie à tous", la sécurité routière. Or, non seulement cette affirmation est discutable, mais il est aisé de constater dans les termes mêmes du Code, que la dérogation à l'établissement d'une redevance est, pour les collectivités, seulement facultative. L'Etat ne saurait donc prétendre au bénéfice systématique de cette dérogation.
- Deuxième argument de l'Etat, la redevance ne devrait être fondée que sur la valeur locative du domaine public occupé, et non, comme c'est le cas dans les délibérations votées par les départements, sur le rendement des radars. Or, le Code général de la propriété des personnes publiques prévoit expressément (article L.2125-3) que "la redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation". La deuxième piste semble donc vaine. Dans ces conditions, il semble que les départements soient autorisés à prendre en compte, pour le calcul de la redevance, sinon le montant des amendes perçues, du moins le nombre de véhicules transitant sur les voies concernées.
- Or, l'Etat soulève un troisième moyen (qui lui a permis d'obtenir la suspension des délibérations devant les tribunaux de Bordeaux et Montpellier) : la redevance aurait, selon lui, pour objet et pour effet de détourner les sommes perçues par les radars de l'affectation qu'elles ont reçue de la loi, à savoir un compte d'affectation spéciale du budget de l'Etat. Cette affectation résulte bien de l'article 49 de la loi de finances pour 2006. Les départements répliquent que la redevance est légale dans son principe et n'a ni l'objet ni l'effet que lui prête l'Etat. La Cour administrative d'appel de Versailles vient de leur donner raison sur ce point, jugeant que l'instauration d'une telle redevance "n'est pas par elle-même de nature à porter atteinte aux règles régissant la répartition du produit des amendes".
Philippe Bluteau, avocat / Cabinet de Castelnau
Références : CAA Versailles, ord., 24 mai 2007, département de l'Essonne, n°07VE00746