Minima sociaux - Les conséquences du caractère subsidiaire de l'allocation parent isolé
Dans une question écrite, Thierry Repentin, sénateur de Savoie, s'inquiète des conséquences de la mise en oeuvre de l'Article 136 de la loi 2006-1666 de finances pour 2007. Cette disposition de la loi du 21 décembre 2006, dont le dernier décret d'application n'est toujours pas paru, prévoit que "la personne à laquelle est versée l'allocation de parent isolé est tenue de faire valoir ses droits aux prestations sociales légales, réglementaires et conventionnelles", à l'exception des allocations mensuelles et du RMI, et qu'elle "doit également faire valoir ses droits aux créances d'aliments qui lui sont dues [...] ainsi qu'à la prestation compensatoire [...]". En d'autres termes, cet article donne expressément un caractère subsidiaire à l'allocation de parent isolé (API), qui rejoint ainsi la plupart des autres minima sociaux. S'appuyant sur l'avis défavorable du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales sur le projet de décret, le sénateur de Savoie craint que cette disposition ne pénalise "des mères abandonnées dans le courant et parfois dès le début de leur grossesse, qui ont dû faire face à des violences et des menaces et qui, pour un grand nombre d'entre elles, se trouvent dans l'incapacité d'entreprendre la démarche qui leur est demandée pour obtenir une pension alimentaire".
Dans sa réponse, le ministre du Travail et de la Solidarité apporte un certain nombre de précisions qui lèvent un coin du voile sur le projet de décret "en cours de préparation". Il en ressort que l'application du caractère subsidiaire de l'API devrait se faire avec discernement et dans des conditions sensiblement plus souples que dans le cas du RMI. Tout d'abord, lorsque l'allocataire n'accomplit pas les démarches nécessaires pour faire valoir ses droits aux prestations sociales légales, réglementaires et conventionnelles et à ses créances d'aliments ou à la prestation compensatoire, il ne lui sera appliqué qu'une sanction financière d'un faible montant. Celle-ci sera en effet égale au montant de l'allocation de soutien familial (ASF) due au titre d'un seul enfant, soit 83,76 euros au 1er janvier 2007. Dans le cas du RMI, cette sanction peut aller jusqu'à la suppression complète de l'allocation. Ensuite, la loi donne au directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales (CAF ou caisse de MSA) la possibilité d'accorder une dispense lorsque le débiteur défaillant est considéré comme "hors d'état" (insolvabilité, faibles revenus, incapacité, non-fixation de pension alimentaire...) ou lorsque l'allocataire peut invoquer un motif légitime pour ne pas faire valoir ses droits (menaces sur l'enfant, adresse du débiteur d'aliments inconnue...). Enfin, même dans le cas d'une diminution du montant de l'API, les ressources globales de l'allocataire ne diminueront pas nécessairement. La nouvelle prestation ou la créance alimentaire perçues après avoir fait valoir ses droits se substitueront certes à l'API. Mais, dans l'hypothèse où elles seraient d'un montant inférieur, l'API sera maintenue et jouera alors comme une prestation différentielle, à l'image du RMI.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Question écrite numéro 00463 de Thierry Repentin, sénateur de Savoie, et réponse du ministre du Travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité (JO Sénat du 5 juin 2008).