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Lutte contre la pauvreté - Les collectivités veulent peser sur le sommet de New York

Après l'échec de Copenhague, le sommet des Nations unies contre la pauvreté de la semaine prochaine donne une nouvelle occasion aux collectivités d'être reconnues comme des acteurs à part entière sur la scène internationale. En France, elles sont 4.800 à être engagées dans une action de coopération et s'estiment indispensables pour atteindre les "objectifs du millénaire" en 2015.

Exister sur la scène internationale… Après l'échec cuisant de Copenhague, les collectivités veulent profiter du prochain sommet des Nations unies contre la pauvreté, les 20 et 22 septembre à New York, pour se faire entendre. Pas simple, car jusqu'à une période récente, l'aide au développement était du ressort des Etats ou des ONG. Et malgré leurs demandes répétées, les collectivités ne seront pas représentées en tant que telles la semaine prochaine. Ce sommet est pourtant le plus important depuis 2000, date à laquelle ont été définis les fameux objectifs du millénaire pour le développement (OMD) qui visent à réduire de moitié la pauvreté d'ici à 2015. "Nous n'avons obtenu qu'un début de reconnaissance par les Nations unies. Il va falloir franchir une étape supplémentaire de reconnaissance des collectivités locales comme levier de développement mais il y a des résistances à l'oeuvre", a déploré Charles Josselin, président de Cités unies France, une association qui regroupe les collectivités engagées dans des activités de coopération, lors d'une conférence de presse organisée à Paris, mardi 14 septembre. Et de pointer les blocages du "groupe de 77" représentant les pays en développement, pas toujours très décentralisateurs. Mais ils ne sont pas les seuls en cause. "La question des relations entre les ONG et les collectivités locales se pose souvent. Elle est en train d'être réglée en France, mais ailleurs elle se manifeste parfois de manière brutale", a aussi souligné l'ancien secrétaire d'Etat à la Coopération de Lionel Jospin. Car les ONG voient parfois d'un mauvais oeil l'arrivée de ces "concurrents" dans leur domaine.

12.170 projets

En France, la coopération des collectivités (coopération décentralisée) a progressé depuis la loi Oudin de 2005 qui les autorise à consacrer 1% de leur budget eau et assainissement à l'aide au développement. Leur action s'est vue renforcée juridiquement par la loi Thiollière du 25 janvier 2007 qui les dispense de signer une convention pour mener des actions humanitaires d'urgence, type Haïti ou Pakistan. Selon l'atlas de la coopération décentralisée, quelque 4.800 collectivités françaises sont aujourd'hui impliquées dans une ou plusieurs actions à l'international auprès de presque 10.000 collectivités étrangères, ce qui représente un total de 12.170 projets dans 141 pays (même si l'aide au développement ne constitue qu'une petite part d'entre eux). D'après Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France, cette aide se chiffrerait en "milliards d'euros", quand Philippe Laurent, vice-président de l'Association des maires de France, l'estime plutôt "à quelques centaines de millions d'euros". Mais quoi qu'il en soit, pour les associations d'élus, les OMD ne pourront être atteints sans les collectivités et leur savoir-faire. "Les problèmes sont mondiaux mais les résolutions seront locales", a ainsi martelé Pierre Schapira, adjoint au maire de Paris chargé des relations internationales, reprenant une citation de l'ancien secrétaire général de l'ONU, Koffi Annan. "Aujourd'hui, 60% de la population mondiale vit en ville, nous avons les mêmes problèmes - solidarité, précarité, santé, environnement, mobilité - qu'on soit à Paris ou à Ouagadougou." Or, à cinq ans de l'échéance, les OMD sont loin d'être atteints.

1,4 milliard de pauvres

Certes la pauvreté s'est quelque peu résorbée : entre 1990 et 2005, le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté est passé de 1,8 milliard à 1,4 milliard. "L'objectif de 920 millions de personnes en 2015 est en bonne voie, même si la crise a eu des effets négatifs", a souligné Fabrice Ferrier, coordinateur France de la campagne du millénaire des Nations unies. Mais la crise alimentaire - et l'envolée des prix des produits agricoles qui s'en est suivie - a pesé lourdement. "La faim progresse et touche aujourd'hui un milliard d'êtres humains. Sur ce plan, on va à l'encontre des OMD", a ajouté Fabrice Ferrier. D'autres indicateurs sont dans le rouge : 800 millions de personnes vivent dans des bidonvilles, 500.000 femmes meurent chaque année en donnant naissance... "Il est aujourd'hui inenvisageable de mener des actions sociales sans s'adresser aux collectivités locales", a encore insisté Fabrice Ferrier, visant les retards pris autour de l'objectif 8 : "Mettre en place un partenariat mondial pour le développement." Selon lui, il faut rester vigilant sur les engagements pris par les pays du Nord : consacrer 0,7% de leur produit national brut à l'aide au développement d'ici à 2015 dont 0,51% dès 2010 (la contribution de la France serait de 0,46%). Un objectif qui devrait être rappelé dans la déclaration finale de New York. Et selon Charles Josselin, celle-ci pourrait aussi faire explicitement référence aux rôle des collectivités, comme s'y était engagé le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner.

 

Michel Tendil