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Finances locales - Les collectivités ont continué à investir en 2011... malgré tout

"Face à la crise, les collectivités locales privilégient l'investissement." Tel est cette année le titre donné à la traditionnelle Note de conjoncture sur la situation financière des collectivités locales, présentée ce 1er décembre par Dexia Crédit local. Une note publiée dans un contexte des plus particuliers, que ce soit sur l'environnement financier et bancaire des collectivités... ou sur la situation de ceux qui la publient. Ce qui, précisément, peut rendre d'autant plus étonnant ce fait marquant de l'année 2011 : la reprise de l'investissement des collectivités. Cet investissement s'est en effet accru de 2,9% en 2011, pour atteindre 51,9 milliards d'euros, alors qu'il avait diminué de près de 5% en 2010. Cette hausse concerne en réalité surtout le bloc local : +4,1% pour les communes (-6,5% en 2010) et +7,7% pour les groupements à fiscalité propre (+1,5% en 2010). Les départements, eux, voient leurs investissements continuer de baisser (-2,7%), bien que moins fortement que l'an dernier (-13,4%). Et pour les régions, la hausse est faible (+1,3%) mais marque un net sursaut par rapport à 2010 (-12,2%).

Difficile de faire appel au levier fiscal...

Cette hausse est d'autant plus notable qu'elle intervient alors que beaucoup de voyants lui étaient défavorables : gel des dotations, diminution du pouvoir de taux rendant difficile l'utilisation du levier fiscal, hausse des charges d'intérêt, caractère conjoncturel ou ponctuel de certaines recettes, raréfaction de l'offre de crédit… Autant de points détaillés ce 1er décembre devant la presse par Thomas Rougier, directeur des études France de Dexia Crédit local. En commençant par rappeler que 2011, en tant que première année de mise en œuvre de la suppression de la taxe professionnelle, a d'abord été marquée par une toute nouvelle donne fiscale et donc, notamment, une redistribution des ressources. L'ensemble des ressources ayant remplacé le triptyque taxe d'habitation + taxes foncières + taxe professionnelle a progressé de 3,6% en 2011 (en prenant en compte les dotations de compensation), principalement par un effet "bases". Si cette nouvelle donne n'a pas affecté le pouvoir de taux du bloc local (le poids des recettes avec pouvoir de taux dans les recettes de fonctionnement des communes et communautés est même passé de 50 à 54% entre 2009 et 2010), la situation est toute autre, on le sait, pour les deux autres niveaux de collectivités : Dexia évalue le pouvoir actuel de taux des départements à 18% (contre 30% en 2009) et ) 9% pour les régions (contre 24% en 2009). Pour les régions en effet, hors fraction de TIPP, il ne leur reste plus qu'à jouer sur le montant de la carte grise...

"Repli" des dépenses et des recettes courantes

La reprise de l'investissement local s'accompagne, constate la Note, d'une nouvelle progression de l'épargne brute (différence entre les recettes et les dépenses de fonctionnement), dans des proportions comparables pour tous les niveaux de collectivités (+5,3 % en moyenne). Cette progression est certes moindre qu'en 2010 (+12,8%). Le gap est surtout sensible pour les départements, qui avaient connu entre 2009 et 2010 une progression de 20,4% de leur épargne brute et qui, un an plus tard, la voient réduite à 4,8%. Tout cela avec des situations très disparates d'un département à l'autre. Logique lorsque l'on sait que la progression de 2010 était essentiellement à mettre au crédit de la hausse des DMTO.
On relèvera aussi un petit "repli" des dépenses courantes. Par repli, il faut toutefois comprendre une "moindre hausse" : +2,4%, contre +2,7% un an plus tôt. Cette tendance est par exemple sensible dans l'évolution des frais de personnel : +2%, contre +2,9% en 2010 et +4,5% en 2009 (hors transferts directs de personnels). Depuis 2007 en fait, où la hausse dépassait les 5%, la courbe est descendante.
Sur les recettes courantes aussi, il y a "repli" ou "ralentissement de la progression" : +3,1%, contre +4,2% l'an dernier. Cette progression reste toutefois supérieure, donc, à celle des dépenses. Mais elle pourrait pâlir très vite, en dehors du bloc local en tout cas, puisqu'elle est principalement liée pour les départements à la hausse des DMTO et, pour les régions, à une hausse de TIPP (modulation Grenelle). Et globalement, on constate que les collectivités ont opté pour "une hausse très modérée des taux".

L'endettement en question

Autre tendance lourde : un recours relativement mesuré à l'endettement. Depuis deux ans en effet, la variation de la dette a été pratiquement divisé par trois : +2,7 milliards d'euros en 2011, contre plus de 8 milliards en 2009 (les chiffres 2011 pourraient toutefois être revus à la hausse du fait de l'intervention de l'enveloppe de 3 milliards d'euros de prêts sur fonds d'épargne, à laquelle devraient tout prochainement s'ajouter une nouvelle enveloppe de 2 milliards). L'encours (ou stock) de la dette des collectivités devrait s'établir fin 2011 à 154,7 milliards, selon Dexia, soit moins de 8% du PIB, et une hausse de 1,8% en un an.
En dehors des choix des collectivités, la raréfaction de l'offre de crédit, y compris pour des projets déjà lancés, y est évidemment pour quelque chose. "Début 2011 déjà, les appels d'offre des collectivités auprès des banques étaient plus difficilement satisfaits", reconnaît Jean-Luc Gitard, directeur France, qui estime d'ailleurs que la question de l'accès au crédit sera désormais étudiée par les collectivités dès le début de leur réflexion sur leurs projets d'investissement (et non plus une fois le projet lui-même ficelé, comme ce fut généralement le cas jusqu'ici). De quoi menacer les investissements locaux ? Thomas Rougier, qui relève que les récents volumes d'investissements sont entre autres liés à l'encadrement réglementaire (normes, Grenelle, accessibilité...), juge que la réponse est trop incertaine, cette Note – la dernière du genre ? –  intervenant alors que ce paysage bancaire est en pleine reconfiguration.