Archives

Risque nucléaire - Les collectivités n'ont pas pris la mesure de leurs nouvelles responsabilités

A travers plusieurs lois votées depuis 2003, les collectivités ont été investies de nouvelles responsabilités en matière de prévention des risques nucléaires et même de gestion post-accidentelle. Or, faute de moyens financiers et d'expertise, elles ne sont pas prêtes à les assumer.

Les récents incidents liés aux rejets d'effluents uranifères de l'usine Socatri située sur le site du Tricastin (Vaucluse), le 7 juillet dernier, et sur le site de l'usine franco-belge de fabrication de combustible (FBFC) à Romans-sur-Isère (Drôme), le 17 juillet, ont mis en valeur certaines failles du système d'information en situation de pollution accidentelle. Ils posent également la question du rôle des collectivités territoriales dans la gestion de crise post-accidentelle.

Les lois du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels, du 13 août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile et du 13 juin 2006 sur la transparence et la sûreté nucléaire donnent de nouveaux droits aux acteurs locaux mais aussi de nouvelles responsabilités. Cependant, les collectivités n'ont pas encore réellement appréhendé les responsabilités qui leur incombent dans ce contexte juridique récent.

Selon Michel Demet, administrateur territorial de la ville de Dunkerque et conseiller technique de l'Ancli (Association nationale des commissions locales d'information), on assiste à un véritable transfert de responsabilités dont les collectivités n'ont pas encore pris la mesure et pour lequel il est à regretter que l'Etat n'ait pas dégagé les moyens nécessaires. Beaucoup de retards se sont accumulés pour la mise en œuvre des plans communaux de sauvegarde ainsi que pour l'élaboration des plans de prévention des risques technologiques (PPRT). A ce jour, seuls 3 PPRT ont été approuvés sur les 470 prévus par la loi de 2003.

 

De multiples contraintes

 

Michel Demet explique la faible implication des collectivités par la lourdeur des investissements requis, leur manque d'expertise et les contraintes que ces mesures posent en matière d'urbanisme ou de développement économique pour les territoires concernés.

Dans le cas d'un accident nucléaire, l'Etat porte la responsabilité de la gestion d'urgence d'une crise majeure, avec l'appui des moyens territoriaux. Toutefois, il est très probable qu'à moyen et long termes, souligne-t-il, le rapport s'inverse. Les collectivités géreront les suites de la crise, à l'échelle locale, avec le soutien de l'Etat. Or, elles n'y sont pas préparées bien qu'en France aucune ville ne soit située à plus de 200 km d'une installation nucléaire.

La volonté d'impliquer les collectivités locales en matière de sûreté nucléaire est illustrée par la consécration législative des commissions locales d'information (CLI) auprès des installations nucléaires de base, dont la création incombe au président du conseil général. Un décret du 12 mars 2008 vient de prévoir les règles de leur composition (50% de représentativité des collectivités) et de fonctionnement (50% de subvention doit provenir des collectivités).

La trentaine de CLI existantes (bientôt une quarantaine) complète le dispositif d'information du public, prévu par la loi de 2006, qui comprend notamment le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire récemment nommé et le droit d'accès des citoyens aux informations détenues par les exploitants.

Outil privilégié de la transparence nucléaire au niveau local, les CLI ont une mission de suivi, d'information et de concertation en matière de sûreté nucléaire, de radioprotection et d'impact des activités nucléaires sur les personnes et l'environnement. De son côté, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) conduit une réflexion sur la gestion post-accidentelle et la nécessité de prévoir des dispositifs territorialisés qui impliqueront les collectivités.

Par ailleurs, l'analyse juridique qui sera réalisée, à la demande de l'Ancli, sur les droits et responsabilités des CLI et des conseils généraux permettra de mettre les différents acteurs, notamment les élus locaux, face à leurs responsabilités.

Philie Marcangelo-Leos / Victoires Editions