Fonction publique territoriale - Les collectivités maintiennent la pression sur leurs dépenses de personnels
Les politiques d'emploi et de gestion des personnels conduites par les collectivités territoriales demeurent placées sous le signe de la rigueur, révèle le baromètre "HoRHizons", que les associations d'élus locaux et les institutions de la fonction publique territoriale ont dévoilé ce 10 octobre. Les dépenses de personnels continuent de progresser, principalement du fait de décisions unilatérales prises par l'Etat, critiquent les élus locaux. Les perspectives de recrutement dans le secteur sont en léger progrès.
Alors que les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales ont baissé en 2017 pour la quatrième année consécutive, la recherche d'économies s'impose encore aux politiques de ressources humaines des collectivités territoriales. C'est ce que révèle la troisième édition du baromètre des ressources humaines de la fonction publique territoriale initié par les associations d'élus locaux (Association des maires de France, Assemblée des départements de France, Régions de France), en partenariat avec la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).
Avec des contraintes inédites sur leurs budgets, les collectivités territoriales surveillent de très près l'évolution de leur masse salariale. 51% des 805 collectivités de tous types et de toutes tailles (mais constituées aux trois quarts par des communes) ayant répondu en juin et juillet derniers par téléphone à l'enquête conduite par l'institut CSA parviennent à stabiliser celle-ci par rapport à 2016 et 12% la réduisent. Cet objectif conduit beaucoup d'entre elles à geler les recrutements. Seulement 26% des répondants ont déclaré envisager recruter en 2018. Autre levier à la disposition des collectivités : le non-remplacement de tous les départs à la retraite. 46% d'entre elles comptent s'en servir (avec 14% de collectivités ne sachant pas si elles l'utiliseront), mais ce taux grimpe à plus de 70% lorsque les communes comptent plus de 3.500 habitants.
Les non-remplacements virent parfois au casse-tête
Dans les petites communes, l'option est toutefois inenvisageable, a fait remarquer François Deluga, président du CNFPT et maire du Teich (Gironde, 7.500 habitants), lors d'une conférence de presse, ce 10 octobre. Quand un service de la collectivité n'est animé que par un seul agent, le maire n'a pas d'autre choix que de procéder à un recrutement en cas de départ à la retraite d'un agent. Dans les plus grandes collectivités, où les non-remplacements semblent plus aisés à mettre en oeuvre, ceux-ci doivent être toutefois organisés, a observé Alexandre Touzet, vice-président du conseil départemental de l'Essonne délégué aux ressources humaines. "Les départs ne correspondent pas forcément aux postes qui sont à dégarnir", explique-t-il. Il faut alors former des collaborateurs "pour les faire évoluer vers les postes ou les services où la tension est palpable". C'est l'enjeu notamment de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, a indiqué le représentant de l'Assemblée des départements de France.
On signalera encore que plus de la moitié des départements, des régions et des communes de plus de 20.000 habitants ayant répondu à l'enquête menée par CSA ont engagé une modification du temps de travail de leurs agents. La Cour des comptes a régulièrement indiqué que les collectivités dans lesquelles la durée du travail est inférieure à 1.607 heures pourraient obtenir de réelles économies en appliquant la règle.
L'inaptitude au travail en progression dans un quart des collectivités
En parallèle d'une forte attention pour l'évolution de la masse salariale, les employeurs sont de plus en plus préoccupés par la santé et le bien-être au travail, a souligné François Deluga. 44% des collectivités ont ainsi mis en place une aide à la protection sociale complémentaire de leurs agents. Plus d'une fois sur deux, cette aide concerne la complémentaire santé et le maintien de salaire en cas d'arrêt maladie de longue durée. Autre résultat marquant : durant les six premiers mois de l'année, 46% des collectivités ont saisi le comité technique ou le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), dans l'optique de mieux prévenir les risques professionnels ou les risques psychosociaux, ou encore pour accompagner les réorganisations. Les collectivités auront aussi "de plus en plus besoin de se préoccuper de l'inaptitude au travail", a indiqué Michel Hiriart. Un quart des collectivités constatent une augmentation de ce phénomène. En cause : la progression continue de l'âge moyen des agents territoriaux (44,6 ans fin 2014). A la différence des petites communes, les grandes collectivités ou groupements ont majoritairement mis en place des dispositifs de prévention dans ce domaine.
Mais pour être vraiment exemplaires, les employeurs publics locaux ont encore des progrès à accomplir. En effet, seulement 6% d'entre eux ont instauré des dispositifs de lutte contre les discriminations (18% des collectivités de 100 agents et plus).
"La hausse des dépenses de personnel est majoritairement liée à des décisions de l'Etat"
Résultat des efforts des collectivités sur la masse salariale : les effectifs de la fonction publique territoriale ont baissé pour la première fois en 2015 (de 0,3%, selon l'Insee) en ne tenant pas compte des contrats aidés. Mais, la même année, les dépenses de personnel sont restées en hausse (tout en décélérant), a observé François Deluga, président du CNFPT. Pour 2016, la même tendance est observable.
Cette progression de la masse salariale est "majoritairement" due à des décisions prises unilatéralement par l'Etat, s'agissant en particulier l'application du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations et de la réforme territoriale, a souligné celui qui préside aussi la commission de l'Association des maires de France dédiée à la fonction publique territoriale et aux ressources humaines
La mise en place du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (Rifseep) va elle aussi se traduire sans doute par des dépenses supplémentaires, a corroboré Michel Hiriart. Les collectivités sont contraintes de mettre en place le dispositif au pire moment, a complété François Deluga. Le gel du point d'indice décidé par le gouvernement pour 2018 fait croître "la pression sur les négociations" entre les syndicats et les employeurs locaux relatives au Rifseep et, dans le même temps, les dotations de l'Etat aux collectivités sont stables en valeur, a-t-il dénoncé. Des collectivités vont être obligées de recruter des personnes en contrats aidés pour éviter qu'elles ne restent sur le carreau du fait des récentes décisions du gouvernement, a encore pointé le président de la FNCDG. Là encore, les collectivités vont devoir assumer la facture.
Reste que le secteur public local pourrait vraisemblablement bénéficier de la décision de l'Etat de reporter l'application du protocole PPCR si elle devait être confirmée. Cette mesure relève d'"une responsabilité pleine et entière du gouvernement", s'est contenté de déclarer sur le sujet Philippe Laurent, président du CSFPT, que Localtis a interrogé. "S'il y a le report, on en prend acte", a-t-il dit.
Un quart des collectivités continueront à recruter en 2018
La priorité donnée par la majorité des collectivités aux économies laisse pour autant une place pour des recrutements. On observe d'ailleurs en la matière un léger soubresaut. 26% des collectivités, contre 23% l'an dernier, estiment qu'elles recruteront en 2018. En sachant que parmi les grandes collectivités, les intentions de recrutement sont beaucoup plus fortes. Ainsi, 78% des communes de plus de 20.000 habitants prévoient de recruter. Dans 21% des cas (contre 16% en 2016), ces recrutements seront consécutifs à une ou plusieurs créations de postes. Les secteurs dans lesquels ils vont se concrétiser concernent d'abord les services techniques, l'aménagement et le développement, les fonctions support, ainsi que l'enfance, l'éducation et la jeunesse. Mais dans ce dernier champ, les intentions de recrutement chutent de 20 points (de 60% à 40%), sans doute du fait du retour à la semaine de quatre jours dans de nombreuses communes.