Les collectivités laissées à l'écart des plans de redressement et de résilience nationaux
Une consultation conduite par le Comité européen des régions et le Conseil des communes et régions d'Europe montre que les collectivités locales ont très peu d'influence sur le contenu des plans nationaux de redressement et de résilience. Quand elles ne sont tout simplement pas ignorées du pouvoir central.
Si d'aucuns ont théorisé que la crise du covid a remis les collectivités locales au cœur du jeu, la thèse peine plus que jamais à convaincre. Dans de nombreux pays, y compris parmi les plus décentralisés – on pense à l'Espagne –, elle aura été plus sûrement un facteur de recentralisation plus ou moins larvée. Le "mécanisme pour la reprise et la résilience" (Recovery and resilience facility - FRR) – élément central du plan de relance Next Generation EU – en offre une illustration éclairante. Le Comité européen des régions (CdR), notamment par la voix du maire de Coulaines (Sarthe) Christophe Rouillon, avait d'emblée dénoncé "sa faible dimension territoriale" et sa gouvernance via "l'exercice centralisé et descendant" du Semestre européen (v. notre article). L'élu avait vu juste. Une récente consultation conduite conjointement par le CdR et le Conseil des communes et régions d'Europe (CCRE) auprès de 25 organisations représentatives des collectivités locales de dix-neuf États membres souligne combien ces derniers ignorent les collectivités dans l'élaboration de leurs "plans de redressement et de résilience". Pour mémoire, ces plans, qui définissent les programmes nationaux de réformes et d'investissements, doivent être soumis à la Commission d'ici le 30 avril pour que les États puissent bénéficier des fonds du FRR (la Commission venant de mettre à jour ses "orientations" en la matière – v. encadré ci-dessous).
Les collectivités guère associées dans le cadre du Semestre européen…
L'étude souligne en préambule que si la Commission a encouragé les États membres à associer les autorités régionales et locales dans la préparation de ces plans, le fait d'aligner ce nouvel instrument sur le Semestre européen n'était pas de bon augure, puisque ce dispositif n'est guère favorable aux collectivités. La plupart des répondants à l'enquête ont ainsi avoué n'avoir joué aucun rôle dans ce processus dans le passé, certains ayant seulement été informés des résultats finaux sans même avoir été interrogés. En outre, ceux qui l'ont été ont rarement pu influencer le résultat final. Les répondants de France, d'Allemagne et des Pays-Bas indiquent ainsi que s'ils ont bien été formellement consultés, ils n'ont eu que peu ou pas d'impact en raison des délais de réponse très courts qui leur avaient été octroyés, rendant difficile toute contribution.
… et encore moins dans l'élaboration des plans de redressement
Las, la consultation souligne que l'implication des collectivités dans l'élaboration des plans de redressement apparaît encore moindre ! D'après les réponses fournies, seule une minorité d'États membres consulteraient leurs autorités régionales et locales dans l'élaboration de ces plans. Plus encore, un nombre encore plus restreint tiendrait effectivement compte de leurs contributions. Un seul répondant a ainsi indiqué avoir été consulté, avec un impact sur le résultat final, sur les questions de gestion de ce mécanisme. Et si le nombre de répondants impliqués dans la définition des priorités de ces plans est sensiblement plus important (c'est le cas en France), la consultation relève que la grande majorité des organisations n'a pas été impliquée ou même seulement informée.
Une situation à laquelle Christophe Rouillon ne se résigne toujours pas : "Impliquer les collectivités au stade de la planification garantirait une utilisation efficace des ressources sur le terrain pour éviter les effets d'aubaine et les redondances, en particulier pour les fonds structurels européens. La main gauche a besoin de savoir ce que fait la main droite. La balle est toujours dans le camp des États membres", insiste-t-il.
Ses chances d'être entendu semblent minces. Un grand nombre de répondants à la consultation considèrent en effet que le principal obstacle à la prise en compte de leur avis tient à la simple absence de volonté des États d'associer les échelons infranationaux – quand ils n'y sont pas tout simplement hostiles. Parmi les autres raisons invoquées : un format de discussions qui ne permet pas l'échange, l'absence de liens avec les entités chargées de l'élaboration des plans ou encore des délais trop brefs ; une région française explique ainsi que le gouvernement ne lui a octroyé que deux semaines pour remettre sa contribution.
Début janvier, seuls un faible nombre de répondants avaient reçu une ébauche de leur plan national (c'est le cas en France), la plupart jugeant que ce dernier ne répondait alors pas, ou dans une mesure limitée, aux principaux défis auxquels sont confrontées les collectivités. En revanche, ils jugent ces plans efficaces en matière de transitions climatique et numérique.
Plans de redressement : la Commission met à jour ses consignes
Suite à l'accord conclu en décembre sur le mécanisme de relance et de résilience, la Commission vient de mettre à jour ses "orientations" – entendre "consignes" – aux États membres pour la préparation et la présentation de leurs plans de redressement et de résilience. Ces plans doivent s'accompagner d'un certain nombre de réformes et poursuivre des priorités (voir aussi notre article). Les États membres devront également exposer désormais comment leurs plans contribuent à l'égalité et aux principes du socle européen des droits sociaux et démontrer qu'ils contribuent à hauteur d'au moins 37% de l'allocation totale à l'objectif climatique et de 20% à la transition numérique. Ils doivent également inclure une présentation du "processus de consultation au niveau national" et du système de contrôle et d'audit mis en place pour garantir la protection des intérêts financiers de l'Union.
Pour rappel, le mécanisme de relance et de résilience se monte à 672,5 milliards d'euros dont 360 milliards de prêts et 312,5 milliards d’euros de subventions attribuées aux États. La France en percevra 37,5 milliards d'euros. Les plans nationaux doivent avoir été finalisés avant la fin avril 2021.