Faire rentrer les autorités locales dans le jeu du plan de relance européen
Sous la plume de Christophe Rouillon, rapporteur général du texte, le Comité européen des régions devrait proposer de substantiels aménagements au mécanisme pour la reprise et la résilience, élément fondamental du plan de relance européen Next Generation EU. Avec pour principal objectif de permettre aux autorités locales et régionales d'être pleinement associées à sa gestion.
Oui aux chiffres, non à la lettre ! Ainsi pourrait être brièvement résumée l'analyse du "mécanisme pour la reprise et la résilience" (Recovery and resilience facility) – élément fondamental du plan de relance Next Generation EU – dressée par Christophe Rouillon (PSE) pour le compte du Comité européen des régions (CdR). Son projet d'avis, qui a été discuté lors de la réunion de la commission économique du CdR du 29 septembre dernier, sera officiellement soumis au vote lors de la séance plénière des 12 au 14 octobre prochains. "Mais le Parlement européen a déjà repris certains des amendements proposés", se réjouit l'auteur auprès de Localtis.
Oui aux chiffres, non à la lettre !
À l'actif du mécanisme, l'élu de la Sarthe porte son volume – 672,5 milliards d’euros – et la répartition retenue entre subventions (360 milliards) et prêts (312,5 milliards), à engager d'ici la fin 2024.
Au passif, "sa faible dimension territoriale", sa gouvernance via "l'exercice centralisé et descendant" du Semestre européen, une insuffisante prise en compte des objectifs de développement durable, la possibilité d'y transférer des ressources provenant des fonds structurels et d'investissement, sa soumission à la conditionnalité macroéconomique, en contradiction avec l'actuelle suspension du pacte de stabilité et de croissance, ou même encore son intitulé – Christophe Rouillon proposant de substituer "fonds" à "facilité", terme jugé trop "technocratique, incompréhensible et ambigu" par l'ensemble des citoyens, et qui n’est que la traduction littérale, et donc mauvaise, du terme "facility" par la Commission.
Ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul
L'élu suggère en conséquence de substantiels aménagements au projet de texte de la Commission européenne. Il propose ainsi de reconnaître de manière explicite le rôle des autorités locales et régionales (ALR) dans l'élaboration des plans de relance et dans le Semestre européen (qui devrait par ailleurs intégrer les objectifs de développement durable), mais aussi "la part majoritaire" des investissements publics qu'elles effectuent. Compte tenu de ce rôle de premier investisseur tenu par les ALR, il plaide en outre pour qu'elles puissent bénéficier de l'appui financier direct du mécanisme.
"Pour être réellement efficace, il est indispensable que les collectivités locales soient associées dès le départ – d’autant que le temps presse ! – à la gestion de ce mécanisme. C'est une condition nécessaire à l’obtention d’un réel effet d’entraînement permettant de démultiplier les fonds alloués", commente l'élu, interrogé par Localtis. "Il ne faut pas que les communes, y compris les plus petites d’entre elles, se disent 'Ce n’est pas pour nous'. D'autant que ce sont elles qui sont en première ligne, qui font face aux conséquences économiques et sociales de la crise", souligne-t-il. À défaut, le maire de Coulaines (Sarthe) redoute une sous-consommation des fonds ou qu'ils "ne servent qu'à boucher les déficits nationaux".
Logiquement, le projet d'avis propose d'introduire "la cohésion économique, sociale et territoriale" dans les objectifs du mécanisme (et qu'au moins 40% des dépenses soient destinées à l'action en faveur du climat). "Nous devons veiller à une allocation équilibrée entre les régions, mais aussi au sein de chacune d'elle", nous explique Christophe Rouillon, en illustrant le propos : "Il faut prendre garde à ce que, par exemple, un projet de développement qui pourrait émerger à Issy-les-Moulineaux n'assèche l'enveloppe d'Épinay-sur-Seine." Le projet d'avis propose en outre la suppression de la possibilité pour les États membres de demander le transfert des ressources qui leur sont allouées dans le cadre de la gestion partagée au mécanisme : "Il faut éviter les doublons et ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul", indique le membre du CdR, qui craint "une renationalisation des politiques européennes".
Les parents boivent, les enfants trinquent
Le projet d'avis propose encore la suppression des dispositions liant le mécanisme à une "bonne gouvernance économique" et que les plans pour la reprise et la résilience ne soient pas annexés au programme national de réformes (dans le cadre du Semestre européen), afin que les "autorités compétentes" [incluant donc les ALR] puissent bénéficier d'une plus grande flexibilité et adaptabilité" pour les présenter. En matière de conditionnalité, hors avis, Christophe Rouillon attire également l'attention sur les risques induits par les projets de lier les aides de l'Union à l'état de droit des États membres. "Il ne faudrait pas que les sanctions décidées contre un État central ne se retournent contre les collectivités de ce dernier, selon le vieil adage 'Les parents boivent, les enfants trinquent' !", souligne-t-il à Localtis, plaidant pour une "sanctuarisation" des aides aux collectivités.