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Prix de l'eau - Les collectivités concédantes répondent à l'enquête de l'UFC-Que choisir

La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) s'est livrée à une analyse détaillée de la dernière enquête de l'UFC-Que choisir. Elle estime que cette étude souffre d'"erreurs méthodologiques" et que ses conclusions sont "souvent basées sur une analyse trop sommaire du fonctionnement des services concernés".

La Fédération nationale des collectivités concédantes (FNCCR) a pris le temps de décortiquer point par point l'étude sur les prix de l'eau publiée par l'UFC-Que choisir en novembre dernier et a rendu publics les résultats de cette analyse ce 11 janvier. Selon elle, l'association de consommateurs a posé de bonnes questions mais son enquête "souffre d'erreurs méthodologiques qui mettent en évidence les points faibles d'une grande partie de ses conclusions, souvent basées sur une analyse trop sommaire du fonctionnement des services concernés". L'UFC-Que choisir avait affirmé que l'eau était surfacturée dans de nombreuses agglomérations, épinglant les "bénéfices faramineux" des groupes Veolia et Suez  et appelant les élus à favoriser la gestion publique. La FNCCR reproche notamment "la modélisation excessivement schématique" mise en oeuvre dans cette enquête, qui ne permet pas d'estimer précisément le prix de l'eau. "On ne peut pas comparer les tarifs actuels à des références de coûts remontant à plusieurs années ou correspondant à des cas particuliers", estime la fédération.

 

Des coûts incomplets et pas actualisés

La méthodologie employée par l'UFC-Que choisir est selon elle "très éloignée des modes d'organisation réels des services d'eau et d'assainissement". Elle ne prend pas en compte, par exemple, les coûts liés à la sécurité et à la protection des ressources, d'autant plus élevés que les agglomérations sont importantes, et laisse aussi de côté les coûts supplémentaires liés à une épuration performante. "Eliminer 98% de la pollution d'une agglomération coûte beaucoup plus cher qu'éliminer 95%, estime la FNCCR mais cela permet de diviser par 2,5 la pollution rejetée dans les cours d'eau puisqu'elle est réduite à 2% au lieu de 5%. Or, les collectivités sont de plus en plus soumises à de telles exigences, surtout les grandes collectivités dont l'impact sur l'environnement est très significatif." Pour la FNCCR, les économies d'échelle mises en avant par l'UFC-Que choisir relèvent en la matière de la théorie et non des faits.
Autre reproche faits à l'enquête : elle part d'un très faible taux de renouvellement des réseaux (0,8% par an), qui reviendrait à un renouvellement complet des réseaux au bout de 125 ans. Or, "la durée de vie moyenne des réseaux est de l'ordre de 60 à 80 ans maximum", assure la FNCCR.
Ne travaillant pas à partir de chiffres actuels, l'UFC-Que choisir n'aurait pas non plus intégré dans ses calculs le coût réel des travaux qui a augmenté deux fois plus vite que l'inflation ces dernières années, selon la fédération.
Par ailleurs, regrette-t-elle, "l'UFC-Que choisir met toutes les collectivités au même niveau, ignorant les variations saisonnières importantes en termes de production que peut nécessiter une population multipliée par 3 ou 4 l'été, en raison du tourisme". Autre grief exprimé par la FNCCR : l'enquête ignore aussi les différents mécanismes de subventions des agences de l'eau  permettant à certaines collectivités de bénéficier de financements que les autres n'ont pas.

 

Quelques points d'accord

La fédération rejette également des "accusations totalement injustifiées à l'égard des collectivités", en particulier celles visant "de prétendus profits et marges exorbitantes" réalisés au détriment  des usagers des services d'eau et d'assainissement. Pour elle, le fait que ces services soient dotés de budgets spécifiques et soumis au contrôle des chambres régionales des comptes permet de "garantir la transparence et la sincérité des comptes". "En conséquence, les profits et marges évoqués par l'UFC ne peuvent être qu'imaginaires puisque s'ils existaient réellement, les collectivités concernées seraient immédiatement rappelées à l'ordre par la préfecture ou la chambre régionale des comptes."
Malgré ces critiques, la FNCCR partage le point de vue de l'association de consommateurs sur plusieurs points : le faible intérêt porté par l'Etat au prix de l'eau, la préférence accordée à un retour en régie publique au moment de l'expiration de contrats de délégation et les problèmes posés par la gestion des eaux pluviales, qui pose des problèmes à de nombreuses collectivités en raison des dépenses importantes qui en résultent. "Comme l'indique l'UFC, ces dépenses ne devraient pas être payés par les usagers des services d'assainissement, la facture d'eau incluant normalement le coût de collecte et de traitement des eaux usées mais non les opérations qui concernent les eaux pluviales, estime la FNCCR. Pourtant, dans le contexte financier et budgétaire actuel, certaines collectivités n'ont pas d'autre solution que d'imputer une partie des dépenses relatives aux eaux pluviales dans le budget de l'assainissement, bien que ce soit irrégulier." La taxe sur les eaux pluviales prévue par la loi sur l'eau du 30 décembre 2006, dont on attend toujours le décret d'application, ne résoudra pas tout et la FNCCR plaide aussi pour des politiques d'urbanisme plus raisonnables, qui minimiseraient les rejets d'eaux pluviales dans les réseaux publics.
Compte tenu des échéances fixées par les directives européennes et par la dernière loi sur l'eau, la fédération juge urgent de perfectionner les outils de gouvernance des services publics d'eau et d'assainissement. Persuadée que la participation des usagers, par la voie de leurs organisations représentatives, est indispensable au bon fonctionnement de ces services publics, elle juge qu'"un réel dialogue ne pourra s'instaurer que sur la base d'une méthode incontestable". Car selon elle, si les polémiques sur le prix de l'eau persistent, les collectivités auront du mal à réaliser les lourds investissements à venir.

Anne Lenormand