Les collectivités adoptent massivement les "applis" mobiles
Le sommet mondial du partenariat pour un gouvernement ouvert, en décembre 2016, avait mis un coup de projecteur sur l'usage des "civic-techs" dans les territoires français. Au-delà de cette tendance émergente, de nombreuses collectivités, et au premier chef les villes, pilotent le développement d'applications mobiles multi-services ; une sorte de portail du territoire permettant d'accéder aux dernières nouvelles de la collectivité mais aussi aux informations pratiques des services publics locaux. Cette pratique, en augmentation constante depuis plusieurs années, commence à toucher les collectivités moins peuplées, quand les grandes métropoles enrichissent sans cesse leurs applis. Un grand nombre d'acteurs se positionnent sur ce marché, du grand groupe à la start-up.
La communication mobile entre collectivités et citoyens est une exigence de plus en plus prégnante de la population. Une étude dévoilée par SFR débit février 2017 (voir notre article) relevait que 37% des sondés jugeaient très important de pouvoir recevoir des alertes de sécurité sur leur smartphone ; ils étaient 83% à juger important de pouvoir également signaler des dysfonctionnements via une application. Du département rural à la métropole, en passant par les villes petites et moyennes, nombreuses sont les collectivités qui tentent d'établir des outils répondant à ces attentes. Le lancement d'une appli mobile peut même devenir partie intégrante d'un projet politique et marqueur fort d'attractivité, comme c'est le cas à Nantes ou dans l'Orne.
Agréger des services actualisés en temps réel
Parmi les éléments les plus attendus par la population, la possibilité de consulter des informations actualisées concernant le territoire, au sein d'un portail mobile unique. C'est la force de l'application "Nantes dans ma Poche", lancée en 2015 et téléchargée depuis lors plus de 70.000 fois. Développée par Orange Business Services, mais abritant aussi d'autres services conçus par des start-up, l'appli nantaise permet de personnaliser un écran d'accueil pour consulter rapidement les flux d'information les plus utiles : horaires des transports, menus des cantines, ouverture des équipements publics. Du côté de la mairie de Courbevoie, on confirme : "40% du trafic de notre site web est effectué sur smartphone, et parmi les pages les plus consultées, on trouve celles qui fournissent des informations pratiques. Ces constats nous ont poussé à élaborer une appli mobile, plus simple d'utilisation".
Ces flux en temps réel se heurtent cependant à des problématiques de gestion des données. A Nantes, la mise en place de l'application métropolitaine a nécessité un travail de longue haleine de mise en commun et d'harmonisation des données, en lien avec la démarche open data. La Métropole a investi plus de 50.000 euros dans la rénovation de son système d'information.
Compiler plus de données, mieux les actualiser
"L'accès aux données est une problématique qui bride souvent le potentiel des applications", note Victor Perraud, fondateur de la start-up Neocity. "Toutes les villes ne sont pas en mesure de récupérer et de gérer des flux de données en temps réel, et de construire des API pour permettre une exploitation facile". Les démarches d'ouverture des données encouragées par la loi Lemaire, si elles s'étendent hors des grandes métropoles, pourraient donc bien permettre aussi à ces applications de service aux citoyens de s'enrichir de nouvelles informations. Mais il faudra pour ce faire lever les réserves des éditeurs de logiciel, dont le rôle est central à la fois pour permettre l'open data, et pour ouvrir les bases de données logicielles à même d'alimenter les flux temps réel d'une application.
Du côté de l'Orne, premier département français à lancer une appli multi-services ambitieuse, l'intention est d'étoffer régulièrement l'offre de données disponibles. Pour la seconde version, prévue ce semestre, le département espère notamment partager des cartes d'itinéraires pédestres, de bornes électriques de recharge, ou encore d'offres sportives. Pour autant, encore souvent, l'application d'une collectivité est indexée sur les contenus du site web, et ne permet pas de mise à jour automatique des contenus. Une sorte de bulletin municipal amélioré qui, néanmoins, assure déjà une meilleure diffusion des informations locales ; par exemple, une application permet d'utiliser les "notifications push" pour informer les citoyens d'un certain type d'initiatives qu'ils auront renseigné comme les intéressant. Une telle application d'information locale représente un budget raisonnable pour la plupart des collectivités, en se situant souvent sous les seuils de procédure des marchés publics.
Les applis, un support d'innovation ?
A force de s'enrichir, les applications portées par les collectivités pourraient s'affirmer comme une puissante plateforme de relation entre la population et l'institution. En multipliant les micro-services, y compris sur des sujets loisir ne concernant pas directement les services publics (running, cinéma), "Nantes dans ma Poche" affirme sa métropole comme un acteur numérique crédible, dont l'information locale rivalise avec les géants américains en termes d'ergonomie et d'exhaustivité. Du côté de Courbevoie, la ville envisage de contextualiser plus finement l'activité de l'application, notamment grâce à des "beacons" : ces balises Bluetooth permettent de transmettre des informations spécifiques aux usagers de l'application Courbevoie ma Ville passant à proximité. L'occasion, par exemple, d'améliorer la communication des habitants au sein d'une zone de travaux.