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Budgets locaux - Les clignotants financiers passent au vert, mais l'embellie est fragile

La situation financière des collectivités territoriales connaît "une amélioration" depuis deux ans, estime La Banque Postale Collectivités Locales dans sa note de conjoncture présentée ce 14 septembre. La progression de l'épargne brute pour la deuxième année consécutive et la reprise de l'investissement, qui pourrait atteindre 3,7% cette année, sont les principaux signaux de ce regain de santé. Toutefois, pour les experts de l'établissement bancaire, ces derniers "ne sont pas révélateurs d'une embellie qui s'installe".

En dépit d'une nouvelle baisse, cette année, des dotations de l'Etat, les finances publiques locales se portent mieux. Le département des études de La Banque Postale Collectivités locales l'affirme dans sa dernière note de conjoncture sur les finances locales. "Les collectivités ont pu reconstituer leurs marges de manœuvre financières depuis deux ans", indiquent les experts de l'établissement, dans ce document de référence qu'ils ont présenté à la presse ce 14 septembre.
Témoin de ce regain, selon eux, la progression l'an dernier, et probablement en 2017, de l'épargne brute, qui permet de rembourser les emprunts et, surtout, de financer les investissements locaux. Après plusieurs années d'une sévère dégradation, l'autofinancement des collectivités territoriales a entamé une reprise de 4,4% en 2016, qui se poursuivrait en 2017 (+ 2,2%) au bénéfice de toutes les catégories de collectivités territoriales. Avec un bémol, toutefois, puisqu'il ne progresserait que de 1,2% pour les communes et de 0,5% pour les groupements à fiscalité propre.
Le redressement de l'épargne brute s'explique par la bonne tenue des recettes de fonctionnement (+1,6%) et, en parallèle, la maîtrise des dépenses de fonctionnement (+1,5%).
Côté recettes, la diminution des dotations de l'Etat de 5,2% serait largement compensée par le dynamisme du produit de la fiscalité (+ 3,6%). Un bon résultat que les collectivités ont obtenu sans recourir au levier fiscal et en se contentant d'une revalorisation forfaitaire des bases limitée à 0,4% sur décision du Parlement (contre 0,9 % en 2016). C'est la fiscalité indirecte qui, en fait, se révélerait dynamique, avec, cette année, une progression de 4,3% du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et un bond de 18% des droits de mutation (DMTO) perçus principalement par les départements.

Les charges de personnel en hausse de 2%

De leur côté, les dépenses de fonctionnement seraient en nette progression par rapport à l'an dernier, où elles avaient baissé de 0,3%. Elles seraient surtout tirées à la hausse par les charges de personnel. Celles-ci sont en croissance de 2% (contre 0,9% en 2016). La hausse de 1,2% du point d'indice attribuée en juillet 2016 et février 2017 explique presque la moitié de cette évolution (+ 0,9%). La revalorisation des parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) aurait aussi "des effets notables".
En plus de l'évolution à la hausse des frais de personnels, les départements doivent toujours faire face à la croissance des dépenses d'action sociale. Celles-ci augmenteraient de 2,1% en 2017, surtout du fait de la croissance des dépenses liées à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). On notera que les dépenses de fonctionnement des régions progresseraient, quant à elles, de 13% en 2017, en raison de la nouvelle compétence qu'elles exercent en matière de transports scolaires et de transports non-urbains de voyageurs. Cette nouvelle dépense s'élèverait à 2,2 milliards d'euros. A champ constant, les dépenses de fonctionnement régionales seraient en progression de seulement 1,5%.
La reconstitution partielle de l'épargne brute - qui s'accompagne d'un désendettement des communes et des départements - devrait favoriser une reprise de l'investissement public local estimée à 3,7% par rapport à 2016. Une reprise qui serait principalement portée par le bloc communal. Parvenues à un stade du mandat où d'ordinaire elles accélèrent la réalisation de leurs projets, les communes et les intercommunalités devraient augmenter leurs dépenses d'investissement respectivement de 4,1% et 4% cette année. Pour les spécialistes de LBPCL, l'annulation en juin dernier par le gouvernement de 250 millions d'euros de crédits de paiement destinés aux investissements des communes ne devrait pas peser sur ces évolutions, car la décision ne devrait affecter que des projets futurs.

De grandes disparités

Si une réelle reprise de l'investissement du bloc local est en cours, il ne faut pas s'attendre à voir ce dernier retrouver le niveau qu'il a atteint durant le mandat municipal précédent (145 milliards d'euros). Pour cela, il faudrait que l'investissement des communes et de leurs groupements ait une croissance de plus de 77% durant les deux prochaines années, selon les experts de LBPCL (voir graphique en illustration ci-dessus).
Ceux-ci jugent un tel scénario inenvisageable, d'autant que la suppression d'ici 2020 de la taxe d'habitation pour 80% des contribuables et la volonté de l'exécutif d'obliger le secteur public local à réaliser 13 milliards d'euros d'économies d'ici 2022 sont des éléments d'incertitude pour les maires et présidents de communautés.
"Comme un chef d'entreprise, un élu local n'investit pas s'il n'a pas de visibilité", souligne Nicolas Leleu, le directeur des études de LBPCL. Dans un tel contexte, estime-t-il, les collectivités territoriales ne reconstitueront peut-être pas leurs marges de manœuvre financières durant encore longtemps.
En outre, l'expert pointe la disparité des situations entre les catégories de collectivités territoriales et au sein de celles-ci. Cette diversité est particulièrement significative entre les départements. En effet, les départements ne profitent pas dans les mêmes proportions du boom des DMTO et leurs charges en matière d'action sociale peuvent évidemment être plus ou moins élevées. Ainsi, dans un département sur quatre, le coût du RSA dépasse 17% des dépenses de fonctionnement, avec des records à 26% dans un département de métropole et à 43% en outre-mer. A l'opposé, dans un département sur quatre, le coût de l'allocation est inférieur à 11% des dépenses de fonctionnement (le minimum étant de 7%).