Artisanat - Les chambres des métiers face au pari de la régionalisation
Le calendrier de la réforme du réseau consulaire s'accélère : le projet de loi présenté en Conseil des ministres le 29 juillet dernier va enfin passer en commission des finances à l'Assemblée le 24 février. Le gouvernement espère voir le texte adopté fin avril. Alors que la régionalisation des chambres de commerce a fait couler beaucoup d'encre, celle des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) semble se dérouler plus calmement. Sans doute parce que les CMA avaient anticipé la RGPP (révision générale des politiques publiques) et entrepris des réformes depuis quelques années, notamment en se dotant de plateformes de services mutualisés… Aussi la réforme a-t-elle été approuvée par 94% des présidents de chambres des métiers, lors de leur assemblée générale de décembre 2008. L'objectif est bien sûr de réaliser quelques économies au passage (même si elles n'ont pas été évaluées) mais surtout de simplifier une carte qui date de 1925, structurée autour de l'échelon départemental auquel s'est rajouté par la suite l'échelon régional. Aujourd'hui, les chambres sont très disparates : celle de Paris représente près de 30.000 artisans et celle de la Lozère 1.700. A terme, les 128 chambres actuelles laisseront place à 22 chambres régionales qui devront se concentrer sur le cœur de métier : l'accompagnement des entreprises artisanales. Un rapprochement qui semble logique puisque les régions sont aujourd'hui le principal financeur des chambres des métiers (elles assurent environ un tiers de leur budget). Mais tout ne se fera pas de manière mécanique. "Nous avons beaucoup travaillé en amont pour permettre à chacun d'aller à son rythme", insiste Alain Griset, le président de l'Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM). Les chambres auront deux possibilités : se regrouper au niveau régional au sein d’une chambre de métiers et d’artisanat de région (CMAR) unique, ou bien choisir un stade intermédiaire en mutualisant certaines fonctions administratives tout en gardant une certaine autonomie. Pour l'heure, neuf régions ont fait le choix de la régionalisation, quatorze celui de la mutualisation et trois sont encore dans l'expectative. Au 1er janvier 2011, les premières chambres régionales seront sur pieds dans le Nord-Pas-de-Calais et en Bourgogne. En Aquitaine, une solution souple a été trouvée. Certaines chambres fusionneront au sein de la future chambre régionale, les autres les rejoindront plus tard.
Prime au cédant
Cette réforme intervient à un moment difficile pour les artisans. Beaucoup de cédants, pas assez de repreneurs : le phénomène pourrait s'accentuer encore avec les départs en retraite, sachant qu'un tiers des artisans ont aujourd'hui plus de 55 ans. Certains métiers se trouvent menacés. Or les chambres des métiers sont en première ligne : 63 d'entre elles gèrent un centre de formation des apprentis (CFA) et forment ainsi près de 80.000 apprentis par an sur les 150.000 du secteur. Certaines, comme celle d'Ille-et-Vilaine, expérimentent aussi des universités des métiers.
Lors de son discours sur la ruralité à Morée (Loir-et-Cher), le 9 février, Nicolas Sarkozy a annoncé qu'une réflexion allait être menée pour faciliter la reprise des baux artisanaux en milieu rural. "Le fait que le président de la République ait dit que la ruralité ne se limitait pas à l'agriculture est important pour nous : les deux tiers des entreprises de la ruralité sont des entreprises artisanales", rappelle Alain Griset. Un tiers des artisans sont implantés dans une commune de moins de 2.000 habitants. "L'artisanat est l'un des antidotes les plus puissants contre la dévitalisation des bourgs et des villages", estime l'APCM. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat à l'Artisanat, et Michel Mercier, ministre de l'Espace rural, ont été chargés de faire des propositions dans la perspective du prochain Comité interministériel à l'aménagement du territoire (Ciat). Nicolas Sarkozy a déjà évoqué l'idée d'une prime au cédant. D'autres pistes sont à l'étude : meilleure anticipation de la reprise, expertise sur la viabilité de l'entreprise et surtout allègement de la fiscalité de la transmission.
Réforme du financement
Mais les chambres des métiers ne pourront pas faire l'économie d'une réforme de leur mode de financement, estime le sénateur André Ferrand, auteur d'un rapport qui vient d'être rendu public. Aujourd'hui, le budget annuel des chambres est de 720 millions d'euros, dont 170 en provenance de la taxe pour frais de chambres de métiers (TFCM). Celle-ci est composée d'une part fixe acquittée par chacun des 900.000 artisans de France, et d'une part additionnelle pour les artisans anciennement assujettis à la taxe professionnelle (future contribution économique territoriale). La TFCM fait l'objet d'une revalorisation annuelle dans le cadre du vote loi de finance au Parlement. "Il est un peu désuet et ridicule d'organiser un grand débat au Parlement pour demander un euro", déplore Alain Griset, rejoint par André Ferrand qui propose une indexation sur le plafond de la sécurité sociale. Cette TFCM pourrait ainsi servir à financer les missions de service public des chambres… des missions qui restent cependant à définir. Par ailleurs, l'APCM a proposé à l'Etat un "contrat d'objectif et de moyens" qu'elle espère voir signé d'ici la fin de l'année. A l'avenir, c'est la question de la taxe d'apprentissage, dont on annonce une réforme, qui va se poser. "Une réforme de la taxe d'apprentissage dépasserait très largement le cadre des seuls centres de formation des apprentis mais mériterait qu'une réflexion commune soit lancée avec les conseils régionaux qui, de fait, assurent le financement de la formation des apprentis", estime André Ferrand, dans son rapport. Selon lui, la réussite de la régionalisation n'est pas garantie. "Le niveau régional est le bon niveau mais il faudra quand même être très prudent sur la façon de maintenir le lien de proximité avec les artisans", prévient-il. La proportion d'artisans faisant appel aux services des CMA est assez faible.
Michel Tendil