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Réforme territoriale - Les cadres supérieurs territoriaux craignent l'impact de la réforme et prônent une vraie décentralisation

Six associations de cadres supérieurs territoriaux, qui se sont regroupées en décembre dernier dans un collectif informel baptisé "Entente des territoriaux", viennent de remettre à la ministre de la Décentralisation 12 propositions sur la réforme territoriale. Elles insistent sur la nécessité de compléter les garanties offertes aux agents qui seront touchés par des mutations.

Pour le gouvernement, l'impact de la réforme territoriale sur les agents serait minime du fait d'un statut très protecteur. L'Entente des territoriaux, structure de collaboration informelle créée en décembre dernier par six associations de dirigeants ou cadres territoriaux*, n'est pas au même diapason : "Les mutations en cours ne seront pas sans impact sur les femmes et les hommes qui délivrent le service public local", prévient-elle dans un rapport que la ministre en charge de la décentralisation, Marylise Lebranchu, lui a commandé. Transferts de personnels, suppression de certains emplois fonctionnels et mobilités imposées attendent bon nombre d'agents. L'Entente des territoriaux appelle donc à la reconnaissance de nouveaux droits en leur faveur, alors que la réforme aurait négligé cette dimension, pourtant essentielle.
Ainsi, estime l'Entente, pourrait être créée une obligation pour les employeurs de participer à des contrats afin que les agents voient leur salaire maintenu en cas d'arrêt maladie prolongé. Une autre obligation pourrait permettre aux agents de bénéficier systématiquement d'une couverture santé complémentaire. L'Entente estime encore qu'en cas de départ de sa collectivité, un agent devrait pouvoir conserver plus facilement son compte épargne-temps.
S'intéressant longuement au sort des cadres supérieurs qui forment leurs rangs, les associations plaident pour une plus grande sécurité juridique en leur faveur. Cette amélioration profiterait aux emplois fonctionnels de direction amenés à être supprimés. Les employeurs se sépareraient "à l'amiable" de ces agents après une négociation prévoyant l'attribution d'une indemnité compensatrice. En outre, l'Entente fait sienne le cheval de bataille du Syndicat national des directeurs généraux de collectivités locales, à savoir la reconnaissance pleine et entière dans le code général des collectivités territoriales de la fonction de direction générale des services de collectivité locale. Le collectif recommande encore de favoriser l'évolution professionnelle des dirigeants territoriaux par la création de nouveaux outils statutaires.

Doublons entre l'Etat et les collectivités locales

Vis-à-vis de la réforme territoriale, l'Entente est assez critique. Partageant une opinion exprimée par des parlementaires et des élus locaux de tous bords, elle regrette que la réforme ne soit pas une nouvelle étape de décentralisation.
Les doublons entre l'Etat et les collectivités locales constitueraient un "millefeuille" plus coûteux encore que les chevauchements de compétences entre collectivités. Les nouveaux transferts de compétences que le collectif propose d'étudier, à savoir l'affectation de la médecine scolaire aux départements et le transfert des personnels d'encadrement administratif des établissements scolaires aux départements et aux régions, semblent toutefois modestes.
En parallèle, l'Entente recommande que soit mieux respecté le principe selon lequel celui qui décide est aussi celui qui paie. Elle reprend là l'une des principales préconisations du rapport Malvy-Lambert sur la maîtrise de la dépense locale. Les associations sont en outre partisanes de laisser les acteurs locaux libres d'organiser les compétences des collectivités par le biais des conférences territoriales de l'action publique (CTAP) et des possibilités de délégations d'un niveau à un autre.

Démocratie participative

L'Entente prône logiquement une plus grande autonomie financière au profit des collectivités. Elle invite ainsi l'exécutif national et le Parlement à revoir "dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016", la répartition des impôts entre les niveaux de collectivités territoriales, afin que chacun détienne et des impôts stables ("de stock") et des impôts sensibles à la conjoncture ("de flux"). "A prélèvement global constant", cela nécessiterait d'attribuer aux départements et régions des impôts de stock dont ils sont dépourvus aujourd'hui (surtout les régions). Un tel objectif pourrait être atteint par "des suppressions de dotations", "des transferts de fiscalité de l'Etat", ou encore des "échanges de fiscalité entre l'Etat et les collectivités locales".
Autre critique des cadres supérieurs des collectivités vis-à-vis de la réforme territoriale : elle éloignera les centres de décision du citoyen. Du coup, cette tendance nécessite, selon eux, le développement des outils de démocratie participative, notamment le droit de pétition.
Les associations ne sont pas exemptes de critiques vis-à-vis du secteur public local. Elles admettent ainsi que les satellites des collectivités, tels que les syndicats mixtes, associations ou établissements publics auraient besoin d'être "remis en ordre".

Thomas Beurey / Projets publics

*L’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF), l’Association des directeurs généraux des grandes collectivités (ADGGC), l’Association des dirigeants territoriaux de l’Institut national des études territoriales (ADT INET), l’Association des ingénieurs territoriaux de France (AITF), l’Association nationale des directeurs d’action sociale et de santé des conseil généraux (ANDASS) et le Syndicat national des directeurs généraux (SNDG).