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Modernisation - Les agents de la ville de Roubaix en "visite oxygénante" pour améliorer le service public

Découvrir de bonnes pratiques dont les services de la commune pourraient s'inspirer pour remplir leurs missions, mettre en place une nouvelle organisation du travail qui sorte de la logique verticale classique, améliorer le service à la population. Tels sont les principaux objectifs des "visites oxygénantes" réalisées par une délégation d'agents de la ville de Roubaix, à l'initiative de leur directeur général des services. La dernière en date les a menés dans les locaux parisiens du secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), où il fut question de numérique et de services aux usagers.

Partenaires de l’État, pourvoyeuses de services, les collectivités sont directement concernées par les enjeux de simplification. Elles peuvent aussi choisir de s'impliquer et de devenir actrices de l'innovation. A cette fin, une délégation d'agents de la ville de Roubaix a récemment rencontré les équipes du secrétariat général à la modernisation de l'action publique (SGMAP), pour réfléchir notamment à l'évolution de ses services aux usagers, dans le cadre du projet d'administration de la ville.

"Visite oxygénante"

Cette "visite oxygénante est au coeur d'une démarche particulière de conduite du changement", explique Xavier Morin, directeur général des services (DGS) de Roubaix, interrogé par Localtis. Elle fait suite à plusieurs autres réalisées au cours des six derniers mois, dans des structures publiques ou privées. Le DGS précise ainsi que sa délégation a rendu visite à l'entreprise Pocheco - bien connue depuis le film "Demain" - qui a mis en place une forme d'organisation du travail collégiale.
"Ces visites se veulent inspirantes pour les agents", poursuit-il. Elles ont pour objectif de "permettre la construction d'expérimentations de nouveaux modes de fonctionnement par les services de la ville, d'aider à la décision des élus, et de donner envie aux agents de s'impliquer, dans une logique résolument collaborative".

Sortir d'un "système hiérarchique pas très motivant"

Il s'agit en effet pour Xavier Morin de "sortir d'un système hiérarchique pas très motivant", pour s'inscrire dans une approche "holacratique"*  fondée sur "l'horizontalité, la délégation et l'autonomie" des personnels. "Ce type de démarche correspond mieux aux attentes sociales des nouvelles générations d'agents", estime-t-il, rejoignant ainsi une dynamique également à l'oeuvre dans les projets primés à la suite des ateliers territoriaux d'innovation de "Ma fonction publique se réinvente" (voir ci-dessous notre article du 8 mars). Ce mode d'organisation se reflète dans la composition de la délégation qui comprend habituellement outre des élus et des cadres dirigeants, des encadrants de différents services, des agents, et des représentants du personnel. 

Faciliter l'action des collectivités locales

Ce déplacement parisien a été l'occasion pour le SGMAP d'exposer sa démarche, de présenter différents aspects de son action au service des collectivités locales, au-delà de la simplification des normes - sans doute l'aspect le plus médiatisé. Avec notamment les Marchés publics simplifiés (MPS), le projet "France Connect Agent", conduit dans le cadre du programme de développement concerté de l’administration numérique territoriale (DcANT), visant à simplifier l'accès des agents et des élus à toutes les applications et services des différentes administrations publiques, par la mise en place d'une identification unique (voir notre article du 3 novembre 2015), et les expérimentation en cours dans des collectivités sur le dispositif "dites-le nous une fois", qui facilite les démarches des usagers en matière de délivrance de carte de stationnement ou de facturation de la cantine.

"Assurer l'inclusion numérique"

Une bonne partie de la rencontre fut consacrée aux usages numériques et aux services aux usagers. L'importance accordée par la ville de Roubaix au développement de ces services et plus globalement de l'E-administration est notamment reflétée par le contenu de la rubrique "moments de vie" du site internet de la ville, indique Xavier Morin. La commune a également pour projet de mutualiser ses moyens avec d'autres services publics afin de diffuser une offre globale au public, au moyen d'un portail numérique unique. Pour autant, cette dynamique ne va pas sans une vigilance assumée, rejoignant les préoccupations récemment exprimées par le Défenseur des droits face au risque d'exclusion qu'elle entraîne (voir ci-dessous notre article du 3 avril). Roubaix, qui connaît un niveau de précarité important, est pleinement touchée par la fracture numérique. D'où la nécessité d'assurer l'inclusion numérique, en mettant en place des "espaces citoyens numériques", dans les centres sociaux, médiathèques, notamment pour permettre la réalisation de démarches relatives à l'emploi ou à l'insertion, insiste le DGS, et de mettre en oeuvre un accompagnement efficace des publics les plus fragiles par les services d'accueil.

Equilibre du service rendu

S'il salue la démarche de simplification initiée par le SGMAP, estimant qu'elle possède un "contenu intéressant et élaboré de façon collégiale", Xavier Morin s'interroge sur ses effets sur le terrain. Quel sera le rapport entre l'énergie dépensée et le gain obtenu ? La demande de changement qui s'adresse aux agents s'accroît, au risque de perturber l'équilibre du service rendu, avertit-il. De ce fait, "il faut associer directement ceux qui savent de façon à avoir un retour sur les propositions" avant de les généraliser. Il rappelle enfin que ces innovations viennent se rajouter à une masse d'informations déjà considérable à destination des collectivités, notamment concernant les normes, ce qui les rend difficiles à intégrer, en plus des changements internes qui affectent les collectivités.
 
A l'issue de ces visites, le DGS prévoit de partager les pratiques professionnelles observées afin de déterminer celles qui pourraient être mises en oeuvre, tout d'abord avec le personnel  des services de la ville, puis avec les partenaires du territoire, pour entre autres "déclencher des projets collaboratifs" afin de répondre à la complexité toujours croissante des besoins de l'usager.


*Il s'agit d'un "système d'organisation de la gouvernance, fondé sur la mise en œuvre formalisée de l’intelligence collective", qui s'oppose au modèle pyramidal "top-down".