Urbanisme - Les agences d'urbanisme s'interrogent sur le "bien commun territorial"
Qu'est-ce que le "bien commun territorial" ? Au singulier comme au pluriel, le concept, hérité de la gestion partagée de ressources agricoles, économiques ou culturelles, retrouve aujourd'hui un regain d'intérêt, notamment autour des nouveaux enjeux écologiques et numériques. La notion interpelle en tout cas les agences d'urbanisme qui en ont fait le thème central de leur 35e Rencontre nationale organisée à Paris les 17 et 18 novembre par leur fédération, la Fnau. Elle peut s'appliquer en effet à de nombreux sujets qui font aujourd'hui leur quotidien : la gestion de ressources naturelles comme l'eau ou d'espaces stratégiques soumis aux conflits d'usages (espaces publics, lisières, littoraux…), les nouveaux modes d'organisation du travail ou de gestion de biens ou services fondée sur le principe du partage (tiers lieux, systèmes de mobilité de type vélos en libre-service, auto-partage ou covoiturage), l'émergence de nouveaux modèles économiques pour la gestion de services d'intérêt général comme l'énergie ou encore le "capital territorial" fondé sur un système de valeurs partagées (ressources paysagères, patrimoines matériels et culturels, etc.).
"Garder un coup d'avance"
Pour le nouveau président de la Fnau, Jean Rottner, maire de Mulhouse, il s'agit à travers la recherche du "bien commun" d'"inventer un partenariat public-privé-population" : "Nous avons besoin de renouveler nos pratiques en nous appuyant sur les ressources locales et sur de nouvelles formes de gouvernance pour des actions publiques plus efficaces. On n'est pas seulement là pour faire du bâti mais pour faire émerger des écosystèmes de vie positive dans nos villes." Cela est d'autant plus important pour les agences d'urbanisme qu'elles abordent aujourd'hui un nouveau tournant de leur histoire avec le renforcement de la régionalisation et le mouvement de métropolisation. "Les agences ont toujours prospéré au moment des grands actes de la décentralisation, analyse Jean Rottner. Le quart d'entre elles ont été créées ces dix dernières années. Nous souhaitons garder un coup d'avance et une forme d'impertinence positive." Mais ce rôle de "laboratoire d'ingénierie pour les élus et les collectivités", les agences d'urbanisme doivent aussi le remplir avec 30% de dotations de l'Etat en moins. "Cela nécessite de trouver des solutions alternatives pour exporter nos savoir-faire, poursuit le président de la Fnau. C'est le sens des conventions que nous avons signées avec l'AFD (Agence française de développement, ndlr), l'Anru et le ministère de l'Egalité des territoires et du Logement." Avec l'AFD, il s'agit ainsi de développer la coopération d'ingénierie à l'international et en outre-mer. Dans le partenariat avec l'Anru, les agences d'urbanisme, déjà actives sur les politiques de cohésion urbaine, sont attendues plus particulièrement sur l'observation, le suivi et l'évaluation des quartiers, dans la préparation des projets stratégiques, particulièrement dans le cadre du nouveau portage intercommunal des contrats de ville.
Un rôle d'"éducation populaire", selon Patrick Kanner
Le ministre de la Ville, Patrick Kanner, intervenant en ouverture des débats le 18 novembre, a défini trois priorités pour les agences : la prospective, la veille, ainsi qu'un rôle d'"éducation populaire" en contribuant à "mettre à la disposition des citoyens une littérature simple et de qualité" pour favoriser leur expression. Lui succédant à la tribune, Sylvia Pinel, ministre de l'Egalité des territoires et du Logement, a insisté sur "le rôle essentiel des agences d'urbanisme en tant que relais locaux des politiques du gouvernement". "L'Etat a besoin de données fiables et précises pour ajuster ses politiques", a-t-elle ajouté en saluant notamment leur travail d'"observation de l'habitat". La ministre a aussi rappelé leur rôle auprès des élus en matière de "pédagogie sur les documents d'urbanisme intercommunaux". "La structuration du réseau d'agences participe à une meilleure performance dans la mise en œuvre locale des politiques nationales", a-t-elle conclu.