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Election présidentielle - Les administrateurs territoriaux dévoilent des propositions volontaristes

L'Association des administrateurs territoriaux de France, qui réunit un millier de cadres de direction des collectivités territoriales, a présenté ce 28 février vingt propositions pour améliorer la qualité et l'efficacité des services publics locaux. Certaines relèvent d'un fort volontarisme, comme la création d'un droit opposable à la garde des jeunes enfants et le lancement d'un plan de mobilisation pour les territoires ruraux. En matière de fonction publique, les administrateurs prônent un certain nombre de rapprochements avec le privé.

Lancer un grand plan de mobilisation en faveur des territoires ruraux et périurbains, créer un droit opposable à la garde de la petite enfance, imposer l'installation de médecins dans les "déserts médicaux"... A moins de deux mois de l'élection présidentielle, l'Association des administrateurs territoriaux de France (AATF) a présenté à l'attention des candidats, le 28 février à Paris, une vingtaine de propositions volontaristes. Celles-ci ont émergé lors de débats organisés par cette association qui compte un millier de membres, des hauts fonctionnaires territoriaux issus de tous types de collectivités et groupements de communes.
Première proposition de l'AATF : mobiliser par contrat tous les acteurs publics afin de venir en aide aux territoires ruraux et périurbains qui "décrochent", en s'inspirant des actions qui ont été menées depuis vingt-cinq ans pour les banlieues. "On n'a jamais autant fait pour la ruralité que durant ce mandat, a réagi Estelle Grelier, secrétaire d'Etat aux Collectivités territoriales, présente lors de la rencontre. "Pour autant, on entend toujours cette réthorique autour de la ruralité qui n'irait pas bien. (...) Il faut se méfier des effets d'annonce sur un soutien financier sur ces territoires", a-t-elle déclaré.

Créer 400.000 places de crèches

L'AATF souhaite encore que les "jeunes médecins généralistes" aient l'obligation de s'installer durant "quelques années" dans ces territoires, dont "certains des habitants ne ne soignent plus", a souligné Philippe Laporte, directeur général des services du département de la Nièvre (l'un des plus concernés par ce problème). 90% des 1.004 Français d'au moins 18 ans que l'institut Ipsos a interrogés pour l'AATF, dans le cadre d'un vaste sondage, sont favorables à cette mesure qui est toutefois très discutée entre les camps politiques. "Jamais des mesures reposant sur l'obligation n'ont été efficaces", a ainsi critiqué François Goulard, président LR du conseil départemental du Morbihan et représentant de François Fillon, lors du débat qui a suivi la présentation des propositions.
Une autre urgence concerne la petite enfance. Il manquerait 400.000 places en crèche. "Les premières victimes sont les femmes, nombreuses, qui renoncent à reprendre une activité professionnelle à la fin de leur congé maternité (...) ou subissent un temps de travail (très) partiel", estiment les administrateurs territoriaux. Leur solution : "instaurer un véritable service public de la petite enfance, qui institutionnalise un droit, opposable, à la garde". L'association ne chiffre pas le coût, sans doute très élevé, d'une telle mesure. Mais elle peut se prévaloir du soutien des Français. 83% des personnes sondées par Ipsos sont favorables à une telle réforme et 53% déclarent que les collectivités locales doivent, dans les années à venir, augmenter leurs dépenses pour ce poste (et 39% pensent qu'elles doivent maintenir leurs dépenses en la matière). "C'est peut-être [dans ce domaine de la petite enfance] qu'il y a le plus gros déficit", a réagi Pierre Cohen, ancien maire socialiste de Toulouse et représentant de Benoît Hamon. En soulignant qu'un effort passerait nécessairement par la création de nouveaux emplois dans les crèches.

500.000 agents de l'Etat pourraient intégrer les collectivités

L'AATF dénonce le "millefeuille" administratif, mais pas celui que les élus et les Français décrient en général. En effet, elle pointe les nombreux "doublons" qui existent entre les services de l'Etat et ceux des collectivités locales. Leurs agents "participent aux mêmes réunions" et emploieraient beaucoup de temps pour "se coordonner". Une gabegie à laquelle l'AATF veut mettre en fin en organisant le repli de l'Etat sur les fonctions régaliennes et le transfert des autres compétences aux collectivités territoriales. Si ce principe était appliqué de manière stricte, pas moins de 500.000 agents de l'Etat passeraient sous le giron des employeurs locaux. "On pourrait les intégrer aux collectivités en utilisant les procédures mises en oeuvre pour les agents des routes, des collèges et des lycées, lesquelles ont été un succès", a précisé Philippe Laporte. L'AATF attend de la mesure "des économies significatives", "une efficacité renforcée" et une plus grande "lisibilité" pour les usagers.
Ceux-ci ne seraient pas opposés à une telle réforme, puisque 84% d'entre eux font plus confiance aux collectivités qu'à l'Etat pour organiser les services publics locaux. On notera aussi que 77% d'entre eux jugent bonne ou très bonne la qualité des prestations et services fournis par les collectivités à leurs administrés. Ou encore que 67% ont une bonne opinion des fonctionnaires territoriaux... contre seulement 41% à l'égard des fonctionnaires d'Etat.
Mais le volontarisme des administrateurs pourrait se heurter au "veto de l'Etat sur la possibilité de donner pleinement des compétences aux collectivités territoriales", a souligné Pierre Cohen. Ce veto "a toujours existé", y compris durant le mandat qui s'achève, a-t-il reconnu.

"Certains droits sociaux des agents ne sont plus justifiés"

Pour financer leurs politiques, les collectivités devraient disposer d'une plus grande autonomie fiscale, estiment les administrateurs territoriaux. Ils prônent des mécanismes de solidarité financière entre les collectivités et une plus grande justice en matière d'impôts locaux (notamment par la mise en oeuvre de la révision des valeurs locatives). En la matière, l'insatisfaction des Français est grande : pour 66% d'entre eux, les impôts locaux sont moins bien calculés et moins justes que les impôts nationaux.
Au service des collectivités, les agents publics doivent continuer à être régis par le statut de la fonction publique, juge l'AATF. Ils doivent aussi continuer à être recrutés par le concours, "l'un des rares espaces méritocratiques qui existent encore dans ce pays", selon Fabien Tastet, président de l'AATF. Mais, le statut doit être modernisé, nuancent les administrateurs territoriaux. Ceux-ci ajoutant que le statut "n'est pas la question des droits sociaux". Sur ces sujets, "il n'y a pas de raison de maintenir des différences entre les salariés du privé et les agents publics", a plaidé Fabien Tastet. L'AATF revendique ainsi la fin progressive des spécificités du secteur public en matière de retraite et le rétablissement du jour de carence pour les agents publics - mais en l'assortissant de l'obligation pour les employeurs publics de financer la protection sociale complémentaire et la prévoyance de leurs agents.
Favorables à 60% au statut de la fonction publique - si celui-ci "évolue vers plus de souplesse" - les Français soutiennent très majoritairement ces dernières propositions. Quant aux agents territoriaux, ils sont plus partagés. Pour l'AATF, Ipsos a interrogé, début février, 500 agents territoriaux. 54% d'entre eux sont d'accord avec le rétablissement du jour de carence, mais seulement 46% le sont avec la proposition d'alignement des régimes de retraite public et privé.
Fabien Tastet a regretté que les collectivités territoriales, aujourd'hui acteurs de la plupart des politiques, ne soient pas plus évoquées dans le cadre de la campagne pour l'élection présidentielle. Les propositions de l'AATF en sont d'autant plus utiles.