L'Enseignement catholique appelle l'État à tenir ses engagements

La conférence de presse de rentrée de l'Enseignement catholique a été l'occasion pour celle-ci de rappeler ses vérités et de mettre en cause les collectivités locales, mais surtout l'État, qui ne tiendrait pas ses engagements, notamment en matière de recherche de mixité sociale.

"Aujourd'hui, l'État n'a pas tenu ses engagements." Ces mots de Philippe Delorme, secrétaire général de l'Enseignement catholique, résument le message martelé lors de sa conférence de presse de rentrée, le 19 septembre 2024. Tout au long de son intervention, il s'en est pris, non seulement à l'État, mais aussi à toutes les voix qui en appellent à raviver la guerre scolaire en France. 

Le secrétaire général de l'Enseignement catholique avait pourtant démarré sur le ton de la sérénité. Un sentiment tiré des bons chiffres de la rentrée : les 7.200 établissements catholiques totalisent environ deux millions d'élèves. Et si ses effectifs sont en baisse de 3.480 élèves, c'est moins que les 11.000 attendus compte tenu du contexte démographique défavorable, et très loin des 18.000 qui manquaient à l'appel il y a deux ans. Dans dix-neuf académies sur trente, les effectifs de l'Enseignement catholique sont même en hausse.

Puis l'exercice a tourné au règlement de comptes. Évoquant les "sacs et resacs" qui secouent les acteurs de l'éducation, Philippe Delorme s'en est pris aux réformes successives qui "pour nombre d'entre elles, restent lettres mortes". Des réformes, de surcroît, jugées "inabouties, non financées, mal évaluées". 

"Loin d'un traitement de privilégié"

Le cœur du discours de Philippe Delorme a consisté à "s'inscrire en faux" contre l'image de privilégié prêtée à l'enseignement privé. Sur les effectifs d'enseignants, il recadre : "Depuis quinze ans, les retraits de postes ont atteint la même proportion dans les secteurs public et privé." Sur les lycées bénéficiaires de "cadeaux" de la part des conseils régionaux, il s'appuie sur les textes : "Il est question de dépenses, certes facultatives, mais prévues par la loi et strictement encadrées." Et précise : "Entre 2016 et 2023, l'investissement des régions en faveur des lycées publics a progressé de 22%, alors que l'aide publique aux investissements immobiliers des lycées privés n'a pas évolué". 

Parmi les autres griefs qui lui font dire qu'"on est loin d'un traitement de privilégié", Philippe Delorme cite encore les 41% d'élèves du premier degré de l'enseignement privé qui ne bénéficient pas du forfait d'externat, ou le fait que ces mêmes élèves doivent payer "plein pot" la restauration scolaire. Sur ce point, le secrétaire général de l'Enseignement catholique fustige également les collectivités locales qui "ne se donnent pas la peine d'une aide sociale aux familles les plus modestes" ou qui organisent le transport scolaire "au mépris total de l'implantation de nos établissements".

Mixité sociale : "l'Enseignement catholique tient parole"

"Mon premier message au futur ministre de l'Éducation nationale, lance ensuite le secrétaire général de l'Enseignement catholique, sera de dire que l'école de la sérénité a besoin de temps long et de stabilité." Ce temps long est la base sur laquelle il entend juger le protocole sur la mixité sociale à l'école signé en 2023 avec l'Éducation nationale, dont le déploiement doit s'étaler sur cinq ans. La question de la mixité sociale, Philippe Delorme estime l'avoir saisie "à bras le corps". "Le protocole nous engageait. Nous avons progressé dans la mise en œuvre de chacun de ses engagements. L'Enseignement catholique tient parole."

Pour preuve, la base de données permettant de faire la transparence sur la réalité socioéconomique des établissements privés a déjà été renseignée par près de la moitié des établissements. Sa mise en ligne, prévue pour janvier 2025, devrait intervenir dans les temps. Sur le doublement du nombre d'élèves boursiers : "On s'y attèle", annonce Philippe Delorme, tout en précisant que, pour lui, "cet objectif est conditionné aux aides sociales publiques dont pourront bénéficier les familles", notamment en matière de restauration scolaire. Sur ce point, un "dialogue constructif" s'est instauré avec les associations d'élus, et notamment l'Association des maires de France (AMF). En revanche, Philippe Delorme déplore que l'État, "qui devait inciter et accompagner les collectivités, n'ait rien engagé en ce sens". En attendant, l'Enseignement catholique prend les devants : "Tous les établissements seront invités à mettre en place, à partir de 2025, un tarif de contribution spécifique pour les familles d'élèves boursiers". Quant à la modulation de la contribution des familles en fonction des revenus, "elle est désormais la norme", ce qui va au-delà des objectifs du protocole.

Dialogue au point mort

Philippe Delorme termine son discours en rappelant ce qu'il attend de l'État : la mobilisation des préfets sur la question des forfaits d'externat afin qu'ils accompagnent les collectivités ; l'examen par les rectorats des implantations d'établissements favorisant la mixité, actuellement "au point mort" ; l'adoption d'un statut de l'immobilier scolaire privé assurant la reconnaissance d'équipement d'intérêt général, "toujours en jachère". 

Pour enfoncer le clou, le secrétaire général de l'Enseignement catholique évoque l'instance de dialogue prévue par le protocole de 2023 dans chacune des trente académies : "Ces outils d'évaluation de la mixité sociale n'ont pas été mis en place par l'État. Trois ont été créées, six seraient programmées et une académie refuse de la mettre en place." C'est peu de dire que Philippe Delorme attend avec impatience la nomination du prochain ministre de l'Éducation nationale...