Modes Alternatifs de Règlement des Différends (MARD) & Legaltech

Bien souvent, la judiciarisation des différends ne permet pas de répondre efficacement aux intérêts des parties, puisqu’un procès peut s’étaler sur des années et générer des frais conséquents. Le recours aux Modes Alternatifs de Règlement des Différends (MARD), notamment à la médiation, a fortement augmenté ces dernières années, en ce qu’il permet de remédier à certains inconvénients de la justice traditionnelle.

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La médiation permet de solliciter l’intervention d’un tiers indépendant et neutre afin de résoudre un différend entre des personnes de manière amiable. Ce tiers détient, selon Jean Monnet, le plus beau métier du monde en ce qu’il permet de réunir les hommes. Il aide les parties à trouver eux-mêmes la solution à leur litige. Sauf exceptions légales, la médiation demeure une démarche volontaire et non contraignante, elle peut donc prendre fin à tout moment par le médiateur ou les parties.

La loi a justement favorisé ce développement, d’une part en 2016, en rendant obligatoire la tentative de résolution amiable préalable pour les litiges d’un montant inférieur ou égal à 4000 euros (Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle), et d’autre part en 2019, en réhaussant ce seuil aux litiges d’un montant inférieur ou égal à 5000 euros. (Loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice

Au vu de la complexité que présente la résolution de certains litiges, des LegalTechs proposent désormais des solutions de médiation, en offrant des procédures dématérialisées et simplifiées.

Retour sur la médiation classique

Les notaires ainsi que les huissiers de justice - futurs commissaires de justice - peuvent exercer une activité de médiation à titre accessoire (Décret n° 2011-1173 du 23 septembre 2011 portant diverses dispositions relatives à certaines professions judiciaires et juridiques réglementées). En plus d’une formation spécialisée, ces derniers possèdent une expérience particulière dans la matière au vu de leur proximité avec les conflits de tous les jours.

Le médiateur peut intervenir soit au cours d’une instance judiciaire lorsque les parties ont décidé de porter leur litige devant le juge (médiation judiciaire) soit par l’activation d’une clause contractuelle dite clause de médiation ou d’un accord entre les parties après la survenance d’un litige (médiation conventionnelle).

En ce qui concerne la durée d’une médiation, le Centre National de Médiation des Avocats estime entre autres que :

  • La médiation judiciaire peut aller jusqu’à 3 mois maximum, renouvelable une fois pour la même durée par le juge qui peut également décider d’y mettre fin à tout moment.
  • La médiation conventionnelle n’est soumise à aucune limitation de temps. La durée est généralement fixée dans l’accord des parties.

Selon Vie Publique, la durée moyenne d’un procès civil ou prud’homal en 2019 était d’environ 10 mois, sans prendre en compte les éventuels recours qui la rallongent considérablement. L’intérêt de la médiation prend donc tout son sens.

En ce qui concerne le coût d’une médiation,  Médiation Hauts de France estime qu’il varie en fonction de la complexité du litige et du nombre de réunions requises :

  • Le coût de la médiation judiciaire est fixé par le juge dans une fourchette de 600 à 1500 euros mais les parties conservent néanmoins leur droit à l’aide juridictionnelle.
  • Le coût de la médiation conventionnelle se chiffre au travers du taux horaire appliqué par le médiateur qui facture en moyenne 200 à 300 euros.

L’essor des Legaltechs dans la gestion amiable des conflits  

Le nombre de Legaltechs spécialisées dans la création de plateformes de médiation et de résolution des litiges à l’amiable ne cesse de croitre, comme en témoignent les 5 Legaltechs suivantes qui figurent dans le Livre Blanc des Legaltechs 2021

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© Baromètre Maddyness / Wolters Kluwer / Banque des Territoires Les Legaltechs françaises, tendances 2021

Sans être exhaustives, les plateformes mises à disposition par ces LegalTechs permettent d’accompagner les utilisateurs dans leurs démarches de règlement des litiges à l’amiable afin d’éviter un procès long et couteux.

Pour Elsa Coiffier, co-fondatrice et présidente de Justeo, il s’agit également de rendre la justice plus accessible : « Nous avons souhaité rendre accessible à tous l'expertise de nos médiateurs et la qualité de leur intervention quelle que soit la zone géographique de nos clients, œuvrant ainsi à notre échelle à la réduction des inégalités de l'accès au droit et de la médiation. » (propos recueillis par les Editions Francis Lefebvre Dalloz)

Ladite plateforme affiche un taux de succès des médiations à 75% dans un délai de 30 jours maximum, grâce à une procédure simplifiée en quelques étapes :

  1. Dépôt d’un dossier en exposant les motifs du litige en quelques minutes, un médiateur qualifié et dédié valide et envoie un courrier recommandé à la partie adverse en 48h.
  2. Début des échanges avec la partie adverse dans un espace sécurisé et confidentiel 15 jours maximum après l’envoi d’un courrier à la partie adverse.
  3. Clôture de la médiation sous 15 jours avec une solution consignée dans un procès-verbal de médiation reconnue par les tribunaux.

En sus des demandes émanant des particuliers ou professionnels, la plateforme JustiCity a reçu de nombreuses demandes de la part de professionnels du droit (médiateurs, huissiers, avocats, notaires, experts comptables) afin d’intégrer la plateforme à leurs pratiques.

Selon Ivan Kasic, président et co-fondateur de ladite plateforme : « Cela peut s'expliquer par la pandémie, qui a contraint à utiliser ces nouveaux outils, mais aussi parce que malgré cette volonté de dématérialisation, les médiateurs n'ont pas forcément la maîtrise technique. » (propos recueillis par Les Nouvelles Publications)

La plateforme JustiCity a donc récemment développé des abonnements adaptés à ces médiations. En plus d’être un outil de visioconférence, un système de salle d’attente a été créé afin que le médiateur puisse s’entretenir en privé avec une partie à la médiation et il est désormais possible de montrer des documents ainsi que les annoter.

Une autre plateforme concurrente, Néatemys estime que la médiation sur leur plateforme a un taux de réussite de 21% par rapport à une médiation classique (par comparaison aux taux de réussite des centres de médiation publiant leurs statistiques).

Ce taux de réussite s’explique non seulement par le gain de temps et d’argent que ces plateformes permettent de réaliser mais également par l’accessibilité et la simplification des démarches tant pour les particuliers et professionnels, que les professionnels du droit.

Et enfin, nous pouvons citer minute!médiation, plateforme certifiée CERTILIS spécialisée dans la tentative de médiation et le processus médiation développée par des juristes médiatrices assermentées.

L’intégration de l’intelligence artificielle aux plateformes de médiation

Outre cet apport considérable dans un domaine en constante évolution, certaines Legaltechs s’emparent désormais de l’intelligence artificielle afin d’optimiser leurs plateformes de médiation. Par exemple, Justice.cool propose des scores qui permettent aux parties de mieux cibler les enjeux de leur affaire grâce à un algorithme développé par une équipe pluridisciplinaire (juristes, mathématiciens, développeurs).

Cet algorithme permet d’obtenir un score grâce à deux approches statistiques conjuguées :

  • Une approche de modélisation manuelle élaborée par des professionnels du droit ;
  • Une approche résultant d’un traitement par apprentissage automatique (Machine Learning) qui compare les faits du litige à une base de données recensant près d’1,8 million de décisions de justice.
Médiation 2

© Justice.cool

Ces informations permettent aux parties d’être plus éclairées et ainsi de procéder au règlement amiable de leur litige de manière plus juste et équitable.

Toutefois, si cela ne fonctionne pas, la plateforme offre selon Romain Drosne, le fondateur, « un outil d'analyse de sentiment qui permet à l'utilisateur de tempérer ses émotions. L'outil analyse les messages au moment où ils sont écrits pour signaler, par exemple, un ton trop agressif… » (propos recueillis par L’Usine Digitale)

Ainsi, bien loin des procédures judiciaires traditionnelles, le recours à la médiation classique par une diversité d’acteurs semble se faire de plus en plus au travers de plateformes accessibles et faciles d’utilisation.

Ces nouvelles solutions permettent ainsi de repenser complètement la médiation et plus globalement, les relations humaines.