Le ZAN, un problème de chemin, pas de destination
Les réponses au questionnaire soumis par la Fédération des Scot aux élus locaux montrent que le dispositif visant l’absence d’artificialisation nette des sols (ZAN) peine toujours à convaincre. Si les élus indiquent partager l’objectif de sobriété foncière et reconnaissent la nécessité d’un changement de modèle, ils déplorent que les moyens priment sur la fin. À Amiens Métropole, on appelle même à un moratoire, la loi étant jugée "inapplicable".
"La difficulté, c’est le comment", indiquait récemment la ministre Dominique Faure à propos de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN), dossier dont elle concédait qu’il restait en tête des préoccupations des élus locaux (voir notre article du 22 avril). Les premiers enseignements que tire la Fédération des Scot des réponses au questionnaire qu’elle a soumis du 29 mars au 15 avril dernier aux élus locaux ne la contrediront pas.
D’accord pour changer de modèle d’aménagement
Pour la majorité des 1.615 élus y ayant répondu, l’objectif n’est pas en cause, puisque plus des deux tiers (68,3%) déclarent souscrire au principe de sobriété foncière. Et la même proportion (70,3%) concède qu’un changement de modèle d’aménagement est nécessaire pour y répondre. La loi Climat et Résilience n’est ainsi pas rejetée en bloc : 64% des répondants jugent qu’elle a permis "d’interroger" les pratiques d’aménagement. Et près d’une moitié d’entre eux (43%) estiment qu’elle a également permis de "renforcer la prise de conscience autour des enjeux fonciers", et même de "travailler à une stratégie foncière" – travail qui tarde encore parfois à prendre corps (voir notre article du 15 janvier).
Garantie communale dans le viseur
Les élus déplorent en revanche les voies qu’elle impose. 40% des répondants lui reprochent de "mettre la charrue avant les bœufs", "en incitant à parler de répartition d’enveloppe foncière avant de discuter du projet territorial". Plus encore, près des deux tiers (61%) redoutent que sa mise en œuvre rouvre la fracture rural-urbain. Un phénomène que la Fédération estime "exacerbé par la garantie communale" – à laquelle elle est opposée (voir notre article du 11 juillet 2023) –, "puisque 41% [des répondants] estiment que ce mécanisme déséquilibre ou va déséquilibrer la répartition des volumes de foncier des communes de leur territoire".
Un sentiment partagé par les élus d’Amiens Métropole, qui viennent, le 24 avril dernier, d’adopter un vœu "alertant sur le caractère inapplicable du projet de ZAN induit par la loi Climat, tel qu’il a été récemment amendé par le Sénat et validé par le gouvernement et l’Assemblée nationale". Ils excipent d’un "calcul affolant" : "À l'échelle du Scot du Grand Amiénois, le cumul des garanties communales représente 462 hectares. Ainsi, la dotation ZAN pour la communauté d'agglomération serait de 31 hectares, pour le logement et pour l'économie, pour 31 communes disposant d'un document d'urbanisme, dont une ville de plus de 130.000 habitants. C'est moins que tous les autres EPCI qui composent le pôle métropolitain du Grand Amiénois", s’insurgent-ils. Ils appellent en conséquence à un "moratoire sur l’application de la loi afin d'étudier les possibilités de porter la durée de réduction de moitié de la consommation foncière de 10 à 15 ans, ou d'abaisser le taux de réduction de 50% à 35%, et d'assurer la garantie communale en cohérence avec un partage équilibré et harmonieux du territoire".
Réviser ou stabiliser le dispositif ?
Une situation sans doute loin d’être isolée. La Fédération des Scot souligne d’ailleurs que 46% des répondants "rencontrent des difficultés à concilier ZAN et économie". Un souci que partage le ministre de l’Économie (voir notre article du 1er juin 2023). Mais après la publication des 424 projets d'envergure nationale totalisant 11.870 hectares pris sur le quota national (voir notre article du 11 avril 2024), le gouvernement entend aller plus loin. En effet, le plan de simplification de la vie économique, présenté en conseil des ministres le 24 avril, prévoit que tous les projets industriels (créations ou agrandissements d'usines) soient comptabilisés dans ce quota et non dans les droits à artificialiser des régions (voir notre article du 24 avril 2024).
Pour remédier à certaines difficultés, 40% des répondants au questionnaire proposent d'intégrer les projets départementaux dans la répartition des enveloppes foncières (Sdis, Ephad, collèges, centres médicosociaux, contournements routiers, etc.).
Pour autant, Michel Heinrich, président de la fédération, observe que 53% des répondants "appellent à ne plus modifier la loi pour stabiliser les règles du jeu". On relèvera également qu’alors que la commission des finances du Sénat vient de lancer une mission d’information sur le financement du ZAN (voir notre article du 1ermars), 38% des répondants estiment que des moyens financiers supplémentaires seront nécessaires pour leur permettre d’atteindre les objectifs du ZAN.
Un Scot sinon rien ?
Côté stratégie territoriale, la Fédération des Scot se félicite que "pour démarrer la mise en œuvre du ZAN", plus de la moitié des élus sollicitent le Scot (52%), devant les PLUi (36%) et les PLU/cartes communales (34%), en relevant que 42% des répondants "voudraient même voir le Scot rendu obligatoire, et la moitié (49%) voir disparaître les cartes communales".