Développement des territoires - Le "verdissement" de la PAC a du mal à convaincre
Le "verdissement" de la Politique agricole commune (PAC) 2014-2020 annonce de rudes batailles. La première des politiques de l'Union européenne, qui représente encore 41% de son budget, est en effet censée marquer un virage environnemental. Selon la proposition de réforme présentée par le commissaire à l'Agriculture Dacian Ciolos, le 12 octobre, 30% des aides agricoles seraient désormais fléchées vers des mesures environnementales : diversification des cultures, maintien de pâturages permanents et préservation des zones naturelles et des paysages. Les agriculteurs devront aussi mettre en jachère 7% de la surface de leur exploitation et cultiver au moins trois semences différentes. Autres mesures : le versement d'un paiement additionnel facultatif de 5% des enveloppes nationales au profit des zones de handicaps naturels, et de 2% pour l'installation des jeunes agriculteurs ; cette dernière aide pouvant être complétée par une aide à l’installation dans le cadre du développement rural (sur le développement rural, voir ci-contre notre article du 13 octobre "Flou autour de l'attribution des fonds du Feader pour 2014-2020"). La Commission introduit aussi un plafond de 300.000 euros pour les aides directes aux grandes exploitations asssorti d'un mécanisme dégressif à partir de 150.000 euros. Enfin, elle souhaite une "convergence" afin de réduire les écarts des aides perçues entre les différents pays européens.
Greenwashing
Les propositions législatives de la Commission doivent servir de base à la négociation entre les Etats membres et le Parlement. Pour Paris, qui présentera sa position officielle en Conseil des ministres le 20 octobre prochain, le premier motif de satisfaction c'est le budget, discuté séparément dans le cadre des perspectives pluriannuelles. Un budget préservé qui s'élève à 432,8 milliards d’euros. Ce qui constitue un "minimum absolu, en dessous duquel aucune réforme ne sera possible", martèle le ministère de l'Agriculture. Quant au verdissement, il doit être accompagné de "simplifications nécessaires à une PAC plus verte et plus efficace". Or "en l'état, les propositions de la Commission ne répondent pas à ces objectifs", juge le ministère français.
Mais ce sont les organisations environnementales qui se montrent les plus véhémentes. Pour elles, le verdissement s'apparente plus à du "greenwashing" dont l'objectif serait de "continuer à verser les mêmes aides, rebaptisées vertes, sans remettre en cause les modèles de production actuels". En France, "l'obligation de trois cultures différentes sur la surface cultivée, le maintien des prairies permanentes et un minimum d'infrastructures agro-écologiques (haies, bosquets, mares, etc.) sont déjà des conditions préalables au versement des aides", explique un collectif de 16 associations et ONG. Par ailleurs, les organisations environnementales estiment que le plafonnement et la dégressivité ne vont pas assez loin et proposent de "refonder les aides en fonction des emplois sur les fermes et non sur le nombre d'hectares".
A l'opposé, les chambres d'agriculture affirment que les critères proposés pour le verdissement de la PAC étaient "trop élevés". Et la FNSEA considère que ces propositions ne sont pas "de nature à améliorer la compétitivité" de l'agriculture européenne.
Handicaps naturels
Moins sévère, le président du conseil régional d'Auvergne et rapporteur du Comité des régions sur la PAC, René Souchon, estime pour sa part que le projet "va dans le bon sens" mais "manque d'ambition". Il se félicite ainsi de l'abandon des références historiques, de la dégressivité des aides, ou encore de l'attribution exclusive des aides aux agriculteurs actifs (et non aux propriétaires terriens comme les terrains de golf), etc. Mais il juge "insuffisant" le versement de l'aide additionnelle aux zones de handicaps naturels (qui représentent 85% de la surface agricole d'Auvergne). Selon l'élu c'est en matière de régulation que les propositions de la Commission (clause générale d'urgence, création de fonds de mutualisation) s'avèrent les plus décevantes. Le défaut de régulation risque "d'accélérer la concentration des productions dans les terrtoires les plus compétitifs". Bruno Le Maire, le ministre de l'Agricutlure a fait savoir que la France veillerait à "présever des aides ciblées pour certains secteurs ou régions fragiles".