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Grands événements sportifs - Le Tour de France, un tour de force pour les départements

Depuis cinq ans, l'Assemblée des départements de France coordonne l'aménagement des routes du Tour de France cycliste. Avec l'appui des départements traversés et de quelque 3.000 agents, elle assure la sécurité et l'équité de l'épreuve. Un travail unique sur une course de cette envergure qui met en lumière le savoir-faire de ces collectivités territoriales spécialistes des routes et, souvent, amoureuses de la petite reine.

Vendredi 8 juillet, 16 heures. Au bout de l'avenue de Tours, à Châteauroux, une foule compacte attend le passage des coureurs du Tour de France. Dans moins d'une heure, les équipes du peloton, lancées à 60 km/h, chercheront à bien se placer dans ce virage, l'un des derniers avant une inévitable arrivée au sprint, quatre kilomètres plus loin. C'est alors que deux véhicules s'arrêtent. Des hommes en sortent et s'affairent soudain autour des séparateurs posés au milieu de la chaussée. Ils posent des ballots de paille devant les obstacles et recouvrent certains éléments du mobilier routier de grands sacs blancs barrés de rouge. Impossible de ne pas les voir. Pour l'équipe de l'Assemblée des départements de France (ADF), cette intervention sera la dernière de la journée sur ce parcours de 218 km. Une journée qui pour elle a débuté à quatre heures du matin.
L'équipe de l'ADF sur le Tour 2011, ce sont dix spécialistes de la route sans lesquels l'épreuve n'aurait ni cette qualité technique ni cette sécurité qui en font la première au monde. Leur rôle ? Coordonner l'ensemble des actions des départements impliqués, homogénéiser la route et éviter les ruptures d'un département à l'autre. Le 8 juillet, entre Le Mans et Châteauroux, ce sont quatre départements différents qui ont été traversés. "On est dans une logique étrange pour une institution qui prône la décentralisation : on essaie de réunir les départements et de centraliser les informations pour avoir un seul référent par étape", explique André Bancala, coordinateur de l'ADF sur les routes du Tour.

3.000 agents sollicités

Il faut remonter à 1996 pour trouver le premier partenariat entre Amaury sport organisation (ASO), organisateur du Tour, et ces spécialistes, d'abord issus des directions départementales de l'Equipement (DDE), puis sous la responsabilité de l'ADF depuis cinq ans. "On a commencé avec une voiture, une pince, un marteau et des clous, raconte André Bancala, présent depuis quinze ans. On est arrivé à quelque chose de très complet. Il y a eu une évolution dans la partie technique. On est aujourd'hui à un point qui frise la perfection, on sait exactement ce qu'on doit traiter." Ces points à traiter, c'est avant tout l'état des chaussées, mais aussi tous les éléments dangereux du parcours : ronds points, rétrécissements, angles de maisons saillants, bouches d'égout posées dans le mauvais sens, etc. Pour ce faire, les moyens sont à la hauteur : "Le Tour, ce sont 3.000 agents départementaux qui se succèdent d'étape en étape, sept véhicules techniques sur l'itinéraire chaque jour, dix permanents de l'ADF qui pilotent les engins, plus les référents locaux, les Mr Route et leurs adjoints, pivots du dispositif. Soit plus d'une centaine de personnes par jour."
Si la présence de l'ADF et des agents départementaux est visible le jour de la course, le travail commence bien en amont, dès le mois d'octobre, quand ASO dévoile le futur parcours. Des itinéraires détaillés sont alors remis aux départements qui en vérifient la viabilité, apportent des commentaires, suggèrent des modifications à la marge. "Les départements connaissent très bien leurs routes, ils ont un rôle de conseil", commente André Bancala. Dès l'hiver, les éventuelles réfections de chaussée commencent. Mais, précise le coordinateur, "il s'agit de travaux programmés. On ne refait pas la route uniquement pour le Tour. On décale éventuellement des travaux pour qu'elle soit neuve au passage de la course, mais une fois la course passée, la route reste et les usagers l'utiliseront pendant de longues années". Puis les référents départementaux effectuent le trajet lentement en voiture, voire à vélo, pour régler les derniers détails. "Le but est d'arriver le jour de la course à quelque chose qui ne fait l'objet d'aucune intervention majeure. C'est le cas dans 99% des situations", précise André Bancala.

Circuit privatisé

Et ce 1% restant, c'est précisément le rôle de l'ADF de le traiter le jour J. Les deux véhicules de la patrouille avant quittent la ville de départ au petit matin avec pour mission de disposer les panneaux spécifiques du Tour indiquant comment franchir les giratoires et rétrécissements sur ce circuit privatisé, réservé aux coureurs, qu'est devenue la route. A 9 heures, ASO, la mission police du Tour, la garde républicaine, les référents locaux et l'équipe ADF se réunissent. Les points délicats sont examinés sur un itinéraire détaillé. En cas de problème, les équipes des conseils généraux présentes sur la route sont immédiatement prévenues. Moins de deux heures avant le départ de la course, c'est au PC mobile, avec Mr Route et ses adjoints à son bord, de démarrer. Ils rendent compte des difficultés constatées, transmettent l'information aux autres équipes et traitent de menus problèmes. Peu après Le Mans, la chaussée est ainsi débarrassée d'un hérisson mort que les pneus des coureurs auraient peu apprécié. Plus loin, une femme est avertie de bien tenir son chien en laisse. Un accident impliquant un animal domestique a eu lieu la veille. Quant au dernier regard, il revient à la patrouille technique, placée quarante cinq minutes devant la course. Sa tâche est d'autant plus importante qu'elle intervient après le passage de la caravane publicitaire dont les véhicules mordent parfois sur les bas-côtés et ramènent des impuretés sur la route. "On essuie les plâtres de la caravane. Il faut être réactif, il n'y a pas de joker. Il faut se mettre dans les trajectoires que vont prendre les coureurs pour imaginer les dangers qu'ils pourraient encourir", commente Claude Mateba, le patrouilleur technique. A ses côtés, un drôle d'engin. Une déneigeuse transformée en balayeuse le temps d'un été, prêtée par le département des Vosges. Un véhicule bien connu de la caravane du Tour qui le surnomme "Gros Léon". En montagne, son rôle peut être crucial en cas de ressuage, quand, par grande chaleur, le goudron fond sur des itinéraires qui voient passer en une journée l'équivalent du trafic d'un mois. "L'an dernier, on a eu un record de 63° degrés au sol dans le Jura, sur l'arrivée aux Rousses", se rappelle André Bancala. Dans ce cas, la seule solution pour faire baisser la température est de refroidir la route grâce aux 2.000 litres d'eau du réservoir de "Gros Léon".

Le savoir-faire des départements

Cette présence de l'ADF et des départements sur le Tour ne donne lieu à aucune contrepartie financière. ASO se contentant de prêter des véhicules et de payer les quelque 15.000 sacs-poubelles installés par les agents tout au long des 3.430 km du parcours. L'intérêt est donc ailleurs. "Pour l'ADF, c'est l'occasion de montrer le savoir-faire des départements en matière de routes et, au-delà, de montrer que l'échelon départemental est essentiel à la vie de notre pays", explique André Bancala. Si juridiquement le Tour pourrait se passer de la participation des conseils généraux, techniquement cela s'avérerait plutôt compliqué. "Sans ce travail, on repartirait en arrière, dans les années 70-80 avec des chutes plus graves et une sécurité qui n'était pas au même niveau", ajoute le coordinateur. Pour lui comme pour les membres de l'équipe ADF, des agents départementaux venus des quatre coins de France, tous cyclistes amateurs avertis, mis à disposition par une convention signée avec leur conseil général, la plus belle reconnaissance vient finalement des coureurs : "Ceux qui ont l'habitude des autres courses reconnaissent une différence de traitement. Sur le Tour, ils y vont les yeux fermés, ils savent que c'est balisé, que la route est très propre. Le Tour reste un exemple pour l'ensemble de son organisation, et dans cette organisation remarquable, une bonne place revient aux départements", conclut André Bancala.