Salon des maires - Le sport est-il soluble dans les nouveaux rythmes scolaires ?
Pas de fronde antigouvernementale, pas de grognements intempestifs, mais des interrogations et des doutes, lors de l'atelier consacré à la place du sport dans les nouveaux rythmes scolaires, organisé au Salon des maires le 20 novembre - soit la veille du grand débat organisé côté congrès des maires en présence de Vincent Peillon (voir ci-contre notre autre article de ce jour). Même sans ministre la salle accueillant cette déclinaison sportive de la réforme était pleine et attentive. Sur scène, trois acteurs du sport impliqués dans cette réforme : Bernard Amsallem, président de la Fédération française d'athlétisme, Jean-Michel Sautreau, président de l'Usep (Union sportive de l'enseignement du premier degré), et Pierre Leclercq, directeur des sports de la ville de Rennes. Mais aucun représentant de l'Education nationale. Une absence qui a peut-être favorisé une certaine franchise dans les propos. A en croire intervenants et public, les enseignants auraient un peu trop tendance à mettre des bâtons dans les roues des acteurs associatifs ou des élus locaux. Un grief qui s'est cristallisé autour d'une question : celle du temps sportif.
Séances trop courtes, les enseignants sur la sellette
Premier à prendre la parole, Bernard Amsallem a plaidé pour des séances plus longues, d'une heure et demie par semaine, le mardi et le jeudi, "avec une heure d'activité et une demi-heure de calme autour de messages sur les valeurs du sport". Immédiatement, un maire dans la salle a défendu cette position : "Les trois quarts d'heure proposés sont très courts." "Quarante-cinq minutes, quand on doit prendre un bus pour se rendre dans une salle, c'est un problème", a également réagi Jean-Michel Sautreau. Mais quand une ville propose d'aménager le temps périscolaire pour disposer de séances plus longues, elle se heurte parfois au refus des enseignants. "On s'est retrouvé face à des enseignants qui ne voulaient pas d'activités d'une heure trente, qui voulaient que tous les enfants quittent l'école à la même heure", a affirmé une élue dans un murmure d'approbation. Un témoignage repris dans la foulée presque mot pour mot par une maire-adjointe. Jean-Michel Sautreau a clos le chapitre sous les applaudissements de la salle en déclarant : "Le monde enseignant n'est pas le plus ouvert. Je peux le dire en tant qu'enseignant à la retraite." Les professeurs ne se sont toutefois pas opposés partout à l'aménagement de séances au-delà de trois quarts d'heure. A Rennes, la municipalité a ainsi obtenu une durée minimale de une heure pour les activités périscolaires.
Quel encadrement ?
Outre la question du temps, celle de l'encadrement a amené beaucoup de commentaires. Selon Bernard Amsallem, 60% des intervenants dans le domaine du sport sont des employés communaux ou Etaps (éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives). Une solution non disponible dans de nombreuses communes. "Les petites communes seront obligées de passer par les éducateurs des associations", a précisé une maire-adjointe. Les associations sont bien entendu déjà sollicitées, mais avec des résultats mitigés. "L'engagement des bénévoles associatifs a très vite posé problème, a expliqué un maire de petite ville. Notre ambition se heurtait à la disponibilité des bénévoles. Nous nous sommes tournés vers la professionnalisation." Un de ses collègues, maire d'une commune de 2.000 habitants, ajoutant : "Il nous faut l'équivalent de treize emplois chaque semaine. C'est la réforme de Peillon le bien-nommé… payons, nous, les communes !" A ce problème, Bernard Amsallem voit une solution : la mutualisation des emplois sportifs entre les communes, et, dans les zones rurales, le recours à l'intercommunalité. La cohabitation entre intervenants aux statuts différents n'est toutefois pas exclue. A Rennes, la dimension de "coconstruction" de la réforme est exploitée. Les Etaps y sont devenus des "éducateurs référents des activités physiques et sportives dans les écoles". A ce titre, il leur est demandé de "qualifier" les interventions des acteurs associatifs. Si sa ville dispose d'Etaps formés, Pierre Leclercq a toutefois prodigué des conseils aux communes moins bien loties : faire appel aux apprentis des CFA métiers du sport et recourir à Profession sport et loisir, un groupement d'employeurs du secteur sportif, car, comme il l'a affirmé, "créer un emploi sportif est compliqué".
Menace sur les associations
Restait une dernière grande interrogation : quels contenus pour les activités sportives périscolaires ? Pour Bernard Amsallem, il faut innover, s'appuyer sur la découverte, mais surtout "ne pas reproduire à l'école ce que l'on fait en club". Une proposition largement partagée quand on sait que les associations sportives vivent cette réforme comme "une véritable concurrence", tandis que, de leur côté, les écoles municipales peuvent craindre une forte érosion du fait de la réforme. L'offre de la ville de Rennes a ainsi diminué de 45% cette année. "Pour réussir, le mot-clé doit être, selon Jean-Michel Sautreau, le mot projet, bien avant les aspects organisationnels." Quant à la natation, elle devrait faire l'objet d'un traitement particulier. Ou plutôt d'un non-traitement : "Le savoir-nager doit concerner tous les enfants. Il faut donc laisser cet apprentissage sur le temps scolaire", a plaidé Pierre Leclercq.
Finalement, une vision contradictoire à la philosophie de la réforme est apparue en filigrane des interventions. S'il s'agissait au départ d'alléger les journées des enfants, avec un temps de cours d'un côté et un temps d'activités hors scolarité de l'autre, les intervenants ont tous insisté sur le fait qu'il ne devait pas y avoir de coupure franche entre l'école et les activités sportives proposées après la classe. "Il faut intégrer le scolaire au périscolaire", a lancé Bernard Amsallem. "On ne va pas saucissonner l'enfant en temps successifs", a renchéri Jean-Michel Sautreau. Autrement dit, le temps périscolaire devrait être… un temps scolaire comme un autre. Voilà qui ouvre de larges perspectives. Y compris celle qui consiste à remettre en cause le fondement même de la réforme.