Le Shift Project invite à reprendre la main pour verdir les réseaux mobiles
Pas de sobriété numérique des réseaux mobiles sans imposer des contraintes aux industriels et une modération des usages. C'est en substance le message que veut faire passer le Shift Project aux pouvoirs publics qui planchent actuellement sur la 6G.
Le débat avait émergé avec l'attribution des licences de la 5G, plusieurs villes exigeant "un moratoire" le temps d'analyser en profondeur l'impact de la 5G (voir notre article du 12 octobre 2020). Parmi les critiques exprimées, la crainte d'un "effet rebond", plus de bande passante générant davantage d'usages et donc de consommation de ressources. Le Shift Project, qui avait contribué à diffuser ce message, repart à l’attaque sur ce dossier alors que se profile la 6G. Il publie dans cette optique deux études sur les réseaux et les mondes virtuels.
Un modèle à destination des décideurs
Le think tank s'est penché plus particulièrement sur le cas des réseaux mobiles qui représentent, selon ses calculs, 5,5% de l'empreinte carbone du numérique en France mais 60% de la consommation électrique des réseaux télécoms, en croissance de 12% par an. Pour analyser l'impact énergie-climat des réseaux mobiles, le think tank a élaboré un modèle ayant vocation à éclairer les décisions des acteurs publics et des industriels. Celui-ci a vocation à "quantifier les conséquences énergie-climat des choix de déploiement : adéquation technologique (débit, latence, fréquences et bandes, performance énergétique etc.), couverture en population et en superficie, contrainte réglementaire (couverture des routes, débit minimal, etc.), besoins en capacité ".
Une dynamique à casser
Appliqué aux réseaux 4G-5G, le modèle fait apparaitre une évolution en deux temps avec des choix de déploiement qui adaptent l'infrastructure aux usages existants avant que les nouvelles infrastructures, en permettant de nouveaux usages, engendrent de nouveaux besoins en infrastructures. Une dynamique exponentielle que le Shift Project invite à casser. Selon ses calculs "pour un pays comme la France, le déploiement indifférencié et l’adoption généralisée d’usages très intenses (mondes virtuels, internet des objets, intelligence artificielle, etc.) pourraient engendrer un surcoût carbone de 20 % de l’impact total du réseau mobile par rapport au scénario de référence, et une augmentation de sa consommation électrique de plus de 4 TWh (soit une multiplication par 2,5) entre 2020 et 2035".
Saisir l'opportunité de la 6G
Pour enrayer ce phénomène, les auteurs invitent les acteurs à "indexer" la croissance des infrastructures sur "des scénarios d’évolution des usages compatibles avec la trajectoire de décarbonation du numérique", soit -30% en 2030 pour la France. Une stratégie "d'endiguement" qui passerait par des pratiques d'écoconception et de sobriété : allongement des durées de vie des matériels, gains d’efficacité énergétique, modification des contraintes réglementaires, mutualisation des infrastructures. Pour le Shift Project, ces seules actions ne suffiront cependant pas à infléchir la courbe : il appelle à une maitrise des usages, notamment pour ce qui concerne l'IA et les mondes virtuels, invités à se limiter à des cas d’usage pertinents.
Si la sobriété par défaut arrive trop tard pour la 5G, le think tank invite néanmoins à réfléchir à "un déploiement ciblé" en matière de couverture qui ne manquera pas d'interpeller les élus ruraux. Il appelle surtout les pouvoirs publics et notamment l'Europe, à se saisir de la 6G – pour laquelle les travaux préparatoires à sa normalisation viennent de débuter – pour intégrer dès le départ ces contraintes environnementales. Il reste à savoir si, cette fois-ci, il sera entendu.