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Communication - Le Sénat veut mieux encadrer les sondages politiques

La commission des lois du Sénat publie un rapport d'information au titre lourd de sens : "Sondage et démocratie : pour une législation plus respectueuse de la sincérité du débat politique." Rédigé par Hugues Portelli, sénateur (UMP) du Val-d'Oise, et Jean-Pierre Sueur, sénateur (PS) du Loiret, le rapport revient sur un sujet qui préoccupe tous les élus à l'approche d'échéances électorales : les sondages politiques.
Le document commence par rappeler la réglementation encadrant ces derniers. Le texte de référence en la matière est la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion, modifiée ou complétée notamment par la loi du 19 février 2002. Le rapport estime également qu'"un consensus apparaît au fil des ans pour reconnaître que les sondages produisent bel et bien, selon les contextes et les calendriers, des effets particuliers et sont d'ailleurs exploités comme tels par les clients des instituts et leurs conseillers en communication". Il donne trois exemples de "polémiques [qui] ont relancé ce débat au cours de la dernière décennie" : la présence surprise de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle de 2002, le "rôle déterminant [des sondages] en 2005 au moment de la campagne sur le référendum portant sur l'approbation du projet de loi autorisant la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe" et le rôle de ces mêmes sondages dans la montée en puissance de Ségolène Royal lors des primaires de 2006-2007 au sein du Parti socialiste.

Préconisations de bon sens

Le rapport formule donc une quinzaine de préconisations. Certaines d'entre elles revêtent un caractère de bon sens. C'est le cas de celles consistant à donner une définition du sondage (la loi actuelle n'en fournit pas), à interdire aux personnes interrogées de percevoir une gratification de quelque nature que ce soit, à renforcer les pouvoirs de la Commission des sondages mise en place par la loi de 1977, et composée de neuf membres issus du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes, ou encore à améliorer l'information des médias et du public sur les méthodes utilisées (encore qu'il soit douteux que l'opinion se plonge dans les mécanismes complexes de l'échantillonnage et du redressement).
D'autres propositions risquent, en revanche, de faire grincer quelques dents. C'est le cas de l'extension de la loi de 1977 à tous les sondages politiques, alors que ses dispositions ne s'appliquent aujourd'hui qu'aux seuls sondages publiés durant les périodes précédant une élection. Autre proposition qui devrait donner lieu à débats : la protection - sous forme d'une labellisation - de l'appellation "sondages politiques", "afin de ne pas induire en erreur la population". Les instituts de sondages devraient également réagir vivement à la préconisation consistant à soumettre tous les sondages réalisés dans le mois précédant une élection à un "contrôle a priori de la Commission des sondages". Cette dernière n'aurait évidemment pas le pouvoir d'interdire la publication d'un sondage, mais pourrait l'assortir d'observations méthodologiques qui seraient obligatoirement publiées avec ledit sondage.

Unifier les horaires de vote

La commission des lois revient aussi sur un débat récurrent en préconisant de supprimer les possibles interférences entre la métropole et l'outre-mer, à travers deux mesures : l'interdiction par le Code électoral de publier les résultats de l'outre-mer avant ceux de la métropole et - réciproquement - l'inscription dans ce même code d'une disposition prévoyant que, lors des élections nationales, aucun bureau de vote situé outre-mer ne peut fermer après la clôture du vote en métropole, ce qui conduirait les électeurs des Antilles et de Guyane à voter le samedi. En métropole, le rapport préconise d'étudier, "en lien avec les associations d'élus locaux", la possibilité d'uniformiser l'horaire de clôture des bureaux de vote afin d'éviter les fuites sur les estimations "sorties des urnes" réalisées à partir des bureaux fermant à 18 heures. Seul assouplissement proposé : l'interdiction de tout sondage électoral à partir de 48 heures avant le scrutin serait maintenue, mais il deviendrait possible de continuer à commenter ou - le cas échéant - de laisser en ligne les sondages publiés avant cette date.
Signe qu'il s'agit là d'une question sensible touchant au débat démocratique, la présentation du rapport devant la commission des lois, le 20 octobre, a donné lieu à un long et intéressant débat, notamment autour de la méthode des quotas et des mécanismes de redressement des résultats (le compte rendu de la séance figure à la fin du rapport).

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : Sénat, rapport d'information numéro 54 (2010-2011) de MM. Hugues Portelli et Jean-Pierre Sueur fait au nom de la commission des lois, déposé le 20 octobre 2010.