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Enfance - Le Sénat sauve - provisoirement - le défenseur des enfants

Examinant en première lecture, le 2 juin, le projet de loi organique et le projet de loi relatifs au défenseur des droits, le Sénat a créé la surprise en adoptant deux amendements similaires supprimant la fusion du défenseur des enfants au sein du défenseur des droits. Ces deux amendements ont été déposés respectivement par Nicolas About, le président du groupe Union centriste du Sénat, et par un groupe de seize sénateurs UMP et centristes. Les deux amendements ont été votés à une courte majorité (175 voix contre 160 lors d'un scrutin public) et contre l'avis du rapporteur et du gouvernement.
Pour Nicolas About, "la dilution du rôle du défenseur des enfants dans celui du défenseur des droits affecterait grièvement l'accessibilité ainsi que la lisibilité de l'institution aux yeux des enfants". Cette suppression "témoignerait d'un véritable recul par rapport aux engagements de la France dans le cadre de la Convention de New York relative aux droits de l'enfant du 7 août 1990 et par rapport aux préconisations du Comité des droits de l'enfant de l'Organisation des Nations Unies". Pour Michèle Alliot-Marie, ce regroupement de plusieurs autorités indépendantes au sein du défenseur des droits ne fait qu'"appliquer la volonté du constituant, qui a voulu un saut qualitatif dans la défense des droits et libertés". Pour le rapporteur, "nous aurons un défenseur puissant, s'appuyant sur un réseau de bénévoles couvrant tout le territoire national. Cela n'existe nulle part ailleurs". La garde des Sceaux et le rapporteur ont également rappelé que la concertation avait déjà permis d'apporter plusieurs améliorations au texte initial, en renforçant notamment la prise en compte des droits des enfants au sein de la nouvelle institution (création d'un collège et d'un adjoint spécialisés).
Il est très vraisemblable que le gouvernement tentera de faire rétablir la rédaction initiale lors de l'examen du projet de loi organique par l'Assemblée nationale. Accepter le maintien en l'état du défenseur des enfants créerait en effet une brèche dans laquelle ne manqueraient pas de s'engouffrer les tenants du maintien des autres autorités indépendantes actuelles. A commencer par la Halde, dont la nouvelle présidente - Jeannette Bougrab - a déclaré au quotidien Le Monde qu'elle entendait "se battre comme une tigresse pour sauver cette institution".
En attendant, le fait de voir le Sénat sauver, même provisoirement, l'autonomie du défenseur des enfants ne manque pas de sel si l'on se souvient qu'en 2004, une violente polémique publique avait opposé le Sénat et la défenseure des enfants de l'époque, qui multipliait les critiques sur l'action des départements en matière de protection de l'enfance. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2005, la commission des finances du Sénat avait alors voté - à l'unanimité - une réduction drastique des crédits de la défenseure, que le gouvernement avait dû faire rétablir en séance publique...

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : projet de loi organique et projet de loi relatifs au défenseur des droits (examinés en première lecture au Sénat les 3 et 4 juin 2010).